Quatre jours de fête à Djeddi Menguellet

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Si dans les foyers l’Achoura est fêtée diversement suivant les moyens de chacun, dehors, les journées sont consacrées aux visites des nombreux saints, ancrés dans les villages depuis des temps immémoriaux.

Le mausolée de Djeddi Menguellet, à trois kilomètres à l’ouest de la ville d’Aïn El Hammam, est si connu qu’il attire des visiteurs à longueur d’année. Les passants ne peuvent longer les lieux, situés en bordure de la RN71, sans un regard vers Djeddi Menguellet, suivi d’un appel à la protection de sa famille et de ses biens. «C’est comme çà que les gens faisaient depuis que j’étais enfant», nous explique un vieux villageois de Taourirt Menguellet, village qui administre le mausolée et ses dépendances, depuis des lustres. Les membres du comité se chargent des préparatifs de la fête. «C’était mieux avant», vous diront les nostalgiques des années soixante-dix où les adeptes de la danse qui s’en donnaient à cœur joie sous le son du «tbel» trois jours durant, parfois plus. Si pour des raisons propres à l’agglomération, les troupes folkloriques sont remplacées par des chants religieux «lekhouane», les visiteurs ont tout de même droit à l’inévitable couscous. Les bouchers désignés pour l’abattage des bœufs, des moutons et même des boucs offerts par les visiteurs ne quittent pas les lieux. On peut à tout moment avoir besoin de viande. Les gens de Taourirt veillent à ce que leurs hôtes, qu’ils appellent «nos invités», ne manquent de rien. Les habitants des régions éloignées, ne pouvant s’y rendre que périodiquement, choisissent le jour de l’Achoura, organisée généralement un week-end, pour changer d’air et faire profiter les leurs des réjouissances et de l’air pur de la montagne. Comme lors des fêtes de l’Aïd, «les ‘ighriven’ sont ramenés chez eux par Djeddi Menguellet pour un pèlerinage et surtout dans l’espoir d’obtenir sa baraka», ajoute le vieil homme. Cette fois, l’Achoura a «joué les prolongations». Pendant quatre jours, les voitures ne cessaient de converger vers le mausolée qui recevait des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, dont certains étaient venus à pied, parcourant de grandes distances. Personne ne peut traverser la commune sans un détour par la koubba du «grand-père» des Ath Menguellet, dont le «ârch» du même nom est composé d’une quinzaine de villages, fiers de lui appartenir. La notoriété de ce saint est faite depuis fort longtemps dans la région, où il est devenu un symbole de justice, de bravoure et de pouvoir. On raconte que durant des décennies et jusqu’à un passé récent, les protagonistes d’un conflit de familles, d’héritage et autre étaient emmenés par leurs proches à Djeddi Menguellet et en revenaient réconciliés. Nul ne pouvait mentir ou offenser son adversaire à l’intérieur du mausolée, sous peines d’être frappé de malédiction ou d’exposer sa descendance au malheur. Ce pouvoir attribué à Djeddi Menguellet n’est pas étranger au comportement de beaucoup de visiteurs qui viennent faire des demandes un peu particulières. «Si on appelle un émigré par une des fenêtres, il rentrera rapidement à la maison qu’il a délaissée pendant des années», dira-t-on. Des femmes stériles arrivent, nous dit-on, «à concevoir après en avoir fait la demande en passant sur leur visage la ‘R’dha’ (une étoffe recouvrant un bahut installé au milieu de la koubba)». Au village comme sur les lieux, les habitués racontent beaucoup d’anecdotes du genre, tout en prenant soin de terminer par «qu’il nous gratifie de sa bénédiction». C’est dire que s’il draine tant de monde, Djeddi Menguellet jouit toujours de la popularité de bienfaiteur qui est loin de s’estomper.

A.O.T.

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