Pensée à Kateb Yacine, le messie de la perturbation

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S. Ait Hamouda

Il portait son nom comme un étendard au-clair, Kateb Yacine. Il n’avait d’yeux que pour la révolution, le Vietnam, la Palestine, le Sahara Occidental, les luttes des peuples du monde pour leur liberté mais surtout pour l’Algérie, son pays. Il a vu le jour le 2 août 1929 à Sedrata. Enfant, il accompagnait sa mère chez des proches, qui habitaient un douar pas loin de Sedrata. Un jour, lors d’une de ces visites, il rencontra la poésie sur le lit d’un oued où des fleurs poussaient entre les galets. Il fut carrément happé hypnotisé subjugué au point où sa mère excédée, l’interpella. Et depuis, il était le poète, le plus grand, le plus talentueux qu’a connu l’Algérie et l’un des plus notoire au monde. Après l’école coranique et primaire à Sedrata, puis à Lafayette (Bougaa), il fréquenta le lycée Albertini à Sétif. En troisième, il fut surpris par le 8 mai 1945. Son professeur de français le surprenant dans un hôtel, où il se refugiait du massacre, lui lança : «Voilà M. Kateb ! Vous l’avez votre révolution !». Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu pour une durée de deux mois. Exclu du lycée, il lit Baudelaire, Lautréamont, Rimbaud…Quelques temps après, il rencontra sa dulcinée Nedjma, un amour impossible, elle était sa cousine et de surcroit mariée. Il écrit son premier recueil «Soliloques» qu’il publie en 1946 chez un imprimeur en faillite, Thomas, grâce au concours d’un certain Si Mokhtar. Il pratique beaucoup de métiers docker, vendangeur dans le midi de la France où il se lie d’amitié avec Malek Haddad, journaliste à Alger Républicain, où il rencontre Mohamed Dib, M’hamed Issiakhem… et Beaucoup d’autres amis. Il voyage beaucoup : Moscou, Allemagne, Belgique, Italie, Yougouslavie, Arabie Saoudite, Soudan et La France qui représente les bouts d’une même cannes, il y entama son début et sa fin, l’alpha et l’oméga d’une carrière fulgurante. En Algérie il s’intéresse au théâtre populaire, épique et satirique avec le théâtre de la mer et l’action culturelle des travailleurs et réalisa plusieurs pièces : Saout Ensa (la voix des femmes), Mohamed prends ta valise, La guerre de deux mille ans, les rois de l’ouest, Palestine trahie, La poudre de l’intelligence. La femme sauvage montée par Jean-Marie Serreau interdite en France et jouée en Belgique. «Je suis né d’une mère folle très géniale. Elle était généreuse, simple, et des perles coulaient de ses lèvres. Je les ai recueillies sans savoir leur valeur. Après le massacre (8 mai 1945), je l’ai vue devenir folle. Elle, la source de tout. Elle se jetait dans le feu, partout où il y avait du feu. Ses jambes, ses bras, sa tête, n’étaient que brûlures. J’ai vécu ça, et je me suis lancé tout droit dans la folie d’un amour, impossible pour une cousine déjà mariée.» Il est décédé d’une leucémie à l’hôpital de Grenoble Le 28 octobre 1999. Il a été enterré au cimetière d’El Alia à Alger. Ainsi a vécu et ainsi est mort le perturbateur ; le messie de la perturbation.

S. A. H.

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