Le Teatro del Silencio est une compagnie de théâtre de rue créée par un Chilien en 1989. Mauricio Celedon conduit actuellement un stage au profit des comédiens venus de plusieurs théâtres algériens à Béjaïa. Il est depuis longtemps installé à Paris.
Les recherches et les créations de la compagnie s’inscrivent dans une démarche artistique pluridisciplinaire en s’inspirant des techniques de mime corporel créant ainsi un lien entre le théâtre du geste et de l’émotion, les nouvelles formes du cirque ainsi que la danse et la musique. Actuellement, la Compagnie compte une trentaine d’acteurs, danseurs, acrobates, musiciens et constructeurs, avec plus d’une vingtaine de créations à son actif, donnant des spectacles dans différents pays des cinq continents. Déjà l’année dernière, le Teatro del Silencio avait donné une première formation à Béjaia au profit des artistes. Il revient cette année dans le cadre du festival international de théâtre de Bejaia pour un stage immersif dans l’univers de la Compagnie. Ainsi, plusieurs ateliers ont été ouverts depuis le 22 Octobre dernier, et s’étaleront jusqu’à la fin du Festival du Théâtre. Ces ateliers concernent le mime, le théâtre, le cirque, les «théâtrographies», les costumes et les recherches de personnages ainsi que la mise en espace. Cela servira aussi à la Compagnie de préparer sa tournée prévue pour l’année prochaine autour de l’Oeuvre de l’américain Samuel Becket et du chilien Juan Radrigan. Ets-ce à dire que certains des participants à ces ateliers pourraient être retenus pour faire partie de la Compagnie ? Il est certain que cette dernière est constamment à la recherche de nouveaux talents. Et leur séjour renouvelé à Béjaia suggère que ses responsables, Mauricio Celedon en tête, y voient un potentiel intéressant, surtout qu’il prévoit pour 2017, une nouvelle création intitulée «Oh ! Secours», qui se produira entre trois pays : la France, le Chili et l’Algérie. A la fin du Festival de Béjaia, la Compagnie entend présenter un spectacle de rue, avec tous les comédiens qui auront suivi le stage. Mauricio Celedon a ainsi envie de mettre l’œuvre de Samuel Becket à la portée de tout un chacun. Pour lui, le théâtre n’est pas seulement un spectacle à donner dans des espaces clos où le public est invité, mais un art populaire qui doit investir les espaces publics ouverts, afin d’en faire profiter un maximum. Les espaces ouverts donnent plus de possibilités d’expressions que les planches des théâtres de type italien, d’ailleurs appelés «boite noire». L’influence de Becket sur son travail, il l’avait reçue quand il était encore étudiant au conservatoire. Il dit «Cette alliance paradoxale du silence et du rythme, de l’immobilité et de la perfection du geste ; son questionnement de l’existence jusqu’à l’absurdité, m’avaient bouleversé». Il ajoute «Radigan, ce dramaturge chilien qui vient de nous quitter, en questionnant Beckett à travers la voix de Godot, fait renaître cette énigme sur la vie et la mort, et m’engage à fragmenter les œuvres et l’univers de Beckett pour écrire avec les corps dans l’espace public, et ainsi faire découvrir autrement cet auteur. Nous utiliserons toutes les techniques du théâtre de rue, pour réveiller chez notre public, qui sera associé à ces recherches, le questionnement de notre fragile existence, sans doute pour mieux l’affirmer». Avec ce stage destiné à un public averti, mais habitué à un autre comportement et à d’autres mœurs dans la vie artistique, voici que de véritables professionnels du spectacle viennent tirer vers le haut les artistes trop longtemps isolés, sans véritables moyens pour se développer. Les moyens de travail de nos dramaturges restent extrêmement limités, aussi bien sur le plan logistique que sur celui des techniques théâtrales qui restent encore basiques. Ces ateliers ouvrent pour nos comédiens de nouvelles perspectives de développement théâtral, de bon augure pour l’avenir. Actuellement, il y a soixante-douze stagiaires de Béjaia, Tichy, Amizour, Akbou, Tizi-Ouzou, Alger, Blida, Relizane, Annaba, Skikda et Batna. C’est dire que le Teatro del Silencio fait profiter un maximum de personnes de ces ateliers. Ce qui pourrait aboutir à un relèvement significatif du niveau du quatrième art dans l’ensemble des théâtres de notre pays. Reste à savoir si ces comédiens s’intéresseront au théâtre dans sa profondeur, en lisant Molière, Beckett, ou encore Shakespeare, développant leur imagination, les conduisant eux même à devenir de véritables créateurs de théâtre au service du public assoiffé de belles œuvres.
N. Si Yani

