Le porteur d’histoire…

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Béjaia est une ville d’Histoire. C’est dire combien elle est sensible à cette thématique, surtout quand elle est servie d’une aussi belle manière, par des acteurs talentueux, dont une fille bougiote. «Le porteur d’histoire» fut à l’origine sous-titrée «Chasse au trésor littéraire». C’est une pièce française écrite et mise en scène par Alexis Michalik, de mère anglaise, de grand-mère australienne et de grand père polonais, tenait-il à préciser. C’est un amoureux de la littérature et de la langue française. C’est une pièce qui, en racontant moult histoires, rend hommage au livre, porteur justement de la pensée et de l’histoire, et surtout, des histoires. En ouverture du huitième Festival International de Théâtre de Béjaia, l’ambassade de France, dont le pays est à l’honneur cette année, a tenu à offrir au public bougiote cette pièce exceptionnelle, deux fois lauréate du plus prestigieux prix du théâtre français. Le porteur d’histoire a en effet reçu un Molière pour son texte et un autre pour sa mise en scène, en 2014. Cette pièce a été présentée plus de mille fois, et a été jouée, en plus de la France, dans plusieurs pays au monde, tels Le Japon, la Nouvelle Calédonie, la Suisse, le Liban, Tahiti, la Réunion, etc. Son auteur rêvait de la jouer en Algérie, ce pays qu’il n’avait jamais visité auparavant. Pourquoi l’Algérie ? Selon Alexis Michalik, il ne connaissait pas le public algérien, et il souhaitait découvrir son regard sur sa pièce dont l’Algérie revenait sans cesse dans le corps de la pièce. Devant un public bougiote émerveillé, la pièce s’est déroulée de façon assez inhabituelle pour les cinq comédiens qui l’ont présentée ce Dimanche soir au TRB. «D’habitude, ont déclaré ces comédiens à la fin de la pièce, on sait à quel moment le public rit et à quel autre moment il applaudit. Mais ici à Béjaia, ça a été différent, nous obligeant à regarder nous-mêmes la pièce d’un œil différent». La troupe en fait est constituée d’une vingtaine de comédiens qui se relaient pour présenter cette pièce exceptionnellement riche dans son texte et dans son contenu. C’est l’histoire de Martin Martin qui découvre, à la mort de son père un trésor inestimable, contenu dans une grande quantité de livres. Il y découvre également un carnet de notes manuscrit, qui va le faire voyager à travers le monde (dont l’Algérie) et à travers le temps. Il revisite ainsi l’histoire de son pays, et évoquant les grands moments et les grands événements, par l’entremise d’un subtil rappel de ses grands écrivains, dont Alexandre Dumas, Victor Hugo, etc.mais aussi au travers de personnages historiques, tels les rois et reines de France. Concernant notre pays, il invite sur scène le Général de Bourmont, qui avait conduit l’expédition coloniale sur l’Algérie à la tête de trente-cinq mille hommes embarqués sur cinq cents navires. L’une des particularités de cette pièce a été sa mise en scène. Durant tout le déroulement du spectacle, chaque acteur a dû endosser un personnage différent, par la grâce d’un changement de costume en live, en portant une robe différente, un chapeau, une blouse,… Michalik a ainsi réduit le nombre d’acteurs en faisant jouer à chacun des cinq comédiens des rôles différents. La pièce qui a duré environ une heure et demie a conquis le public qui l’a fortement applaudie. Le débat qui a été organisé à la fin du spectacle et magistralement conduit par Khaled Zirem a duré également longtemps. Le nombre d’intervenants a été important, et le metteur en scène, aussi bien que les cinq comédiens se sont plu à répondre aux différentes questions, au point qu’ils ont promis de continuer à discuter même après la clôture de la salle de spectacle. Le public a quand même été surpris de découvrir que parmi les acteurs figurait une comédienne originaire de Béjaia, et qui s’est exprimé en kabyle. Evelyne El Garby Klai a d’ailleurs profité de sa présence à Béjaia pour aller se recueillir visiter sur de son père. Elle s’était dite ravie de revenir dans cette ville après une absence qui a duré une trentaine d’années. La pièce «le Porteur d’histoire» s’est donc voulu un questionnement sur l’histoire de la France. Il est évident que ce pays n’en a pas encore fini avec son histoire, puisque régulièrement cette thématique revient dans l’actualité. Il y a encore quelques jours, une grande polémique a vu le jour dans l’Hexagone à la faveur d’une déclaration maladroite de l’ancien président français Nicolas Sarkozy faisant des gaulois les ancêtres des français, obligeant les historiens à monter au créneau pour remettre les choses au bon endroit. Ces mêmes gaulois nous avaient aussi été imposés comme ancêtres lors de la colonisation française, obligeant aussi des intellectuels nationaux tels Ferhat Abbas à remettre les pendules à l’heure. Parler d’histoire, Alexis Michalik n’aurait pas pu mieux tomber qu’à Béjaia, qui porte en elle-même toute une partie de l’histoire de l’Afrique du Nord et de la Méditerranée. Il y a matière à développer une œuvre sur le sujet, en plus de tout ce qui a été fait sur Fibonacci et Ibn Khaldoun. La troupe française aux deux Molières se produira également à Alger mercredi prochain au TNA. Pour ceux qui souhaitent découvrir un théâtre de haute facture, c’est une occasion à ne pas rater.

N. Si Yani

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