Réécriture de l’Histoire sans tabous

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Le lancement officiel de la fondation Amirouche Aït Hamouda (Lssas Amiruc At Hamuda, en tamazight), s’est fait, hier, au Musée régional du Moudjahid.

L’événement a eu lieu en présence du fils du héros, Nordine Aït Hamouda, du ministre des Moudjahidine, M. Tayeb Zitouni, ainsi que de figures historiques et politiques du pays, à l’image de Mme Djamila Bouhired, du commandant Azzedine, l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Meziane Cherif, l’ancien ministre des Moudjahidine, Cherif Abbas, l’ancien ministre des Transports, Salah Goudjil, l’ancien PDG d’Air Algérie, Ouahid Bouabdella, Abderrahmane Balayat du FLN et M. Bouderbali Mohamed, wali de Tizi-Ouzou entre autres. En outre, des personnalités artistiques étaient également présentes à l’occasion, à l’image du chanteur Takfarinas. D’emblée, Nordine Aït Hamouda, dans son discours inaugural, a tenu à rendre hommage aux compagnons de combat du feu colonel Amirouche, feu Rachid Adjaoud disparu récemment et qui allait, selon lui, être le président de la fondation, ainsi qu’Abderrahmane Mira, dont le 57e anniversaire de sa mort sera célébré aujourd’hui. «Aujourd’hui (hier ndlr), vous êtes conviés à assister au fondement de la fondation Amirouche. Notre première pensée va aux martyrs de la guerre de libération nationale, véritables héros d’un combat qui a émerveillé le monde par son message, son ampleur et ses conséquences sur le reste du continent africain», dira-t-il. En s’adressant aux Moudjahidine présents dans la salle, Aït Hamouda dira : «Vous êtes des nôtres et nous sommes des vôtres (…) vous, justement, qui allez signé cette mémoire parmi les générations futures et aurez à valoriser ce combat qui a été un far lumineux pour les peuples du sud. Nous avons pensé qu’une fondation du nom du colonel Amirouche peut mener à bien cet objectif. Qui mieux que le nom de ce valeureux chef pour porter à bout de bras ce travail colossal indispensable et éreintant mais combien nécessaire et utile ! Cette fondation n’est pas de trop, bien au contraire, nous le disons aujourd’hui solennellement que nous sommes prêts à fédérer nos forces, pour faire vivre l’esprit du Congrès de la Soummam avec toutes les organisations travaillant dans ce sens».

Un auditoire très relevé

Nordine Aït Hamouda a enchainé son intervention, en lançant un message direct au ministre des Moudjahidine présent dans la salle, portant sur la nécessité de relancer le débat autours des corps des martyrs portés disparus, notamment, Abderrahmane Mira, Mhamed Bouguerra et Mohamed Bounama. «Monsieur le ministre des Moudjahidine doit tout faire pour retrouver les corps de nos héros et leur organiser des funérailles nationales. C’est son devoir éthique et c’est son droit politique de les réclamer à l’ex-puissance coloniale», soulignera-t-il. «Pourquoi les autorités nationales ont séquestré, à l’indépendance, les dépouilles mortelles de Si El Houas et du Colonel Amirouche ? Pourquoi l’État ne demande pas des excuses pour cette fortitude qui ressemble à une mise à mort ?», s’est-il interrogé. Nordine Aït Hamouda a, toutefois, souhaité que le projet de la fondation soit accompagné par toutes les institutions de l’État. La question amazighe suscite l’intérêt de la fondation, tout comme celle de l’Histoire. En effet, l’orateur a précisé : «Tamazight est comme notre mère. Elle n’est pas un acte constitutionnel». Dans un autre sillage, M. Aït Hamouda a précisé : «À une certaine période, nous n’avions pas le courage de parler de certaines choses. Nous, nous n’avons pas de tabous. Nous voulons travailler et connaître l’Histoire du pays». Concernant la documentation récupérée par la fondation de France, Nordine Aït Hamouda dira qu’ils les ont récupéré «des institutions françaises et qu’il n’a aucune relation avec l’armée française». «Nous nous demandons d’ailleurs pourquoi nos responsables n’aillent pas les récupérer de la France ?», s’est-il encore interrogé.

Des objectifs historiques mais aussi de bonne gouvernance

De son côté, M. Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, a exprimé sa joie de participer à l’événement de la naissance de ce nouveau née qui participera activement à l’écriture de l’Histoire nationale. «Les martyrs ont fait ce qu’ils pouvaient, la responsabilité aujourd’hui est celle du peuple, des jeunes. Eux, ils ont aimé l’Algérie et se sont sacrifiés pour l’Algérie et les Algériens. Maintenant, on doit aimer l’Algérie et la défendre», dira-t-il. Et d’ajouter : «l’atmosphère a changé en Algérie. La preuve, notre présence ici, aujourd’hui, ensemble sans tabous. On a ouvert l’occasion pour l’écriture de l’Histoire sans tabous. On n’a pas donné des instructions de censures. L’Histoire retiendra et en témoignera». Continuant sur sa lancée, M. Zitouni dira : «Le ministère des Moudjahidine œuvre sur deux volets : l’amélioration de la situation des Moudjahidine et l’écriture de l’Histoire de la guerre de libération». «On a commencé à le faire sans tabous. Amirouche ne défendait pas que la Kabylie ou Tizi-Ouzou, non impossible ! Amirouche a défendu Tlemcen, Tébessa et Tamanrasset. Je dis cela comme je me sens chez moi avec mes frères et sœurs», dira encore le ministre. Pour conclure, Zitouni a exprimé sa confiance quant au rôle que va jouer la fondation dans l’écriture de l’Histoire nationale. Il a indiqué que sur l’échelle nationale, «le ministère des Moudjahidine a enregistré plus de 16 000 heures et possède 44 musées». Si Ouali, représentant de la wilaya III historique, Salah Goudjil, le wali Bouderbali, ainsi que Tarek Mira ont pris par la suite successivement la parole pour exprimer chacun de son côté sa joie d’assister à la naissance de cette fondation. Pour ce qui est de l’objectif de la fondation, l’exposition de son avant-projet a précisé, entre autres, que «la fondation Amirouche Aït Hamouda est un organisme à but non lucratif, dédié à l’Histoire et à la Mémoire». Parmi les objectifs fixés, la fondation compte animer et participer aux débats sur les principes fondateurs énoncés dans la Déclaration du 1er Novembre 1954 et la Plate-forme de la Soummam. Elle traitera de plusieurs volets : l’historique, notamment en ouvrant un espace de réflexion autour des sujets historiques qui concernent le pays ; Conscientiser la nouvelle génération et les citoyens en général sur l’importance et la richesse historique de l’Algérie ; Faire reconnaître à la France ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité en Algérie. La bonne gouvernance est l’autre volet principal sur lequel porte les objectifs de la fondation. A travers ce volet, il sera notamment question de la promotion de l’État de droit, du concept de la citoyenneté active et de la démocratie participative. A noter qu’en fin de cérémonie, le chanteur Takfarinas a clôturé la séance en entonnant l’un de ces célèbres titres Thamtoth boumjahed (la femme du Moudjahid) qui sied bien avec l’opportunité.

Kamela Haddoum.

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