La chasse est ouverte !

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La chasse au gibier reste de loin l’un des passe-temps favoris de nombreux villageois à travers la Kabylie. L’engouement pour la chasse aux oiseaux migrateurs a repris du poil de la bête cette saison dans la vallée de la Soummam. Cette pratique populaire, que d’aucuns croyaient perdue, continue à raviver la flamme de certains amateurs qui ne troquent pour rien au monde ces instants de passion. En effet, la longue disette de la pluviométrie n’a fait que retarder la parution de la grive et de l’étourneau ayant réinvesti, quoique timidement, les plaines et les montagnes, en quête de nourriture. Réagissant instinctivement au rapetissement des jours et à la baisse du mercure, ces emplumés ont abandonné leurs quartiers d’été des latitudes nord pour rallier nos régions, censées être plus clémentes et marquées par une relative abondance de nourriture en arrière saison. C’est vers le mois de décembre que cette famille de sturnidé hiverne en Algérie, notamment dans la vallée de la Soummam, où la nourriture est abondante. Les olives, qui sont à maturité, attirent les étourneaux qui en raffolent, et s’invitent à la récolte avec les propriétaires des oliveraies. D’habitude, en cette période de l’année, les oiseaux migrateurs tels que les étourneaux et les grives, envahissent les champs et collines au grand bonheur des amateurs de la chasse. Toutefois, la donne est toute autre, car ces oiseaux ont presque «boudé» la Kabylie qui, autrefois, était couverte par des essaims d’étourneaux et de grives. Cette éclipse de ce type d’oiseaux s’explique par l’absence de la pluviométrie et de la nourriture, notamment les olives. L’automne qui s’apprête à fermer son éphéméride reste relativement «déplumé» de ces oiseaux. Cependant, des chasseurs, de tous âges, s’adonnent à leur passion sans commune mesure. Même si le procédé est différent, l’objectif reste le même. «La chasse au gibier emplumé donne des sensations que seuls les amoureux de cette pratique peuvent expliquer», nous dira, M’hand, fonctionnaire de son état. Pour chasser les oiseaux, les piégeurs ne reculent devant rien : gluau, assommoir, filet à mailles, tirs à la fronde ou à la carabine… autant de pièges qui consistent à avoir des prises «généreuses» de ce gibier tant prisé. À la primeur du jour, les personnes qui s’adonnent aux parties de chasse sillonnent les maquis et oliveraies dans l’espoir de débusquer ces volatiles. L’instinct de l’étourneau à voler en nuées nombreuses et très denses ne lui procure guère cette faculté à déjouer les pièges. Leur capture est à la portée de simple novice à la chasse. Tous les moyens sont bons pour capturer ce gibier très prisé par la population locale. Le recours à des pièges vieux, comme «Mathusalem» pour débusquer ledit oiseau, ont de beaux jours devant eux, car la recette est toujours d’actualité. L’usage du gluau (lazuk) se fait à l’aide d’une petite branche de frêne ou d’oléastre, laquelle est enduite de glu pour la fixer au sommet des arbres. L’utilisation d’un étourneau «épouvantail» parait, aussi, comme un moyen efficace pour drainer des nuées de ses semblables, lesquels seront pris au piège une fois leurs pattes posées sur le gluau. Quant à l’usage de la chevrotine, celle-ci peut s’avérer redoutable pour lesdits passereaux. Un seul coup de feu d’un chasseur peut faire tomber un chapelet d’étourneaux à la fois. Rôtis sur un feu de braise en pleine compagne, une brochette de ce met ne se refuse pas. «Comment ne pas être bien portant lorsqu’on allie passion et patience ? La nostalgie du bon vieux temps est indélébile. Ces moments de loisir revigorent notre esprit de vieux baroudeurs», raconte avec un grand sourire, Saïd, retraité. Pour le cas des grives, les chasseurs préfèrent les traquer la nuit, munis de batte et de torches pour les assommer en plein sommeil. Une pratique que dénoncent certaines personnes qui la jugent «cruelle et contraire à l’éthique». «La nature est dénudée de ces peuplements d’oiseaux, car nous n’avons pas cette culture de la protection de l’environnement. La pollution et le déboisement ont largement participé à l’annihilation de notre écosystème», avoue un ingénieur en écologie. Au demeurant, les étourneaux et les grives sont parmi les grands absents dans le décor écologique. Reconnaissables par leurs prouesses aériennes, les étourneaux sont réputés pour être des oiseaux grégaires voltigeant de facto dans le ciel, pour faire des sinusoïdes en interprétant des danses saccadées, mais parfaitement orchestrées. Le jacassement des essaims d’étourneaux est audible à des centaines de mètres à la ronde, ce qui facilite la tâche aux chasseurs.

Bachir Djaider

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