Élu sur la liste FLN, l’actuel maire de Djabahia, M. Mohamed Lounes, avait déjà assuré un mandat à la tête de la municipalité durant l’exercice 2007/2012. Dans cet entretien, il évoque le développement local dans la commune, les projets qu’il a eu à lancer mais aussi les insuffisances enregistrées.
La Dépêche de Kabylie : Lorsqu’on évoque Djebahia, on pense systématiquement au fameux tronçon de l’autoroute Est-ouest qui traverse la commune et aussi aux grands ouvrages du projet structurant (tunnel d’Aïn Chriki) réalisés sur son territoire. Pouvez-vous nous présenter un peu plus la municipalité ?
Mohamed Lounes : La commune de Djebahia est située à 20 km à l’Ouest du chef-lieu de la wilaya de Bouira. C’est une municipalité à caractère rural et essentiellement à vocation agricole. La majorité de ses reliefs sont montagneux. D’une population estimée à 18 000 habitants, elle a été promue au rang de commune lors du découpage administratif de 1984. Déjà à l’époque coloniale, elle avait un statut de municipalité mais après l’indépendance, en 1964 plus exactement, elle a été rattachée à la commune de Kadiria.
À votre arrivée à la tête de l’assemblée, quel constat avez-vous fait ?
D’abord, je tiens à préciser que j’ai eu à assurer les fonctions du maire durant le précédent mandat (2007-2012). De 2012 à 2015, j’étais membre au sein de l’assemblée. Après la démission du maire en 2015, j’ai été installé de nouveau en tant que P/APC. Pour revenir au constat, on a remarqué que la commune accusait beaucoup de retard en matière de développement. À titre d’exemple, en matière d’AEP, la population du chef-lieu était alimentée au moyen de citernage. La situation était difficile et elle l’était encore pire pour les populations des villages de la commune. S’agissant du réseau routier, au chef-lieu, toutes les voies d’accès (routes, ruelles) étaient dégradées, boueuses et pratiquement impraticables. Les citoyens éprouvaient beaucoup de peine à se déplacer. Ceci pour ne citer que l’alimentation en eau potable et l’état des routes.
Est-ce que vous vous êtes attelé à combler ces carences ou vous aviez une toute autre feuille de route bien établie à suivre ?
Après un diagnostic de la situation qui prévalait au niveau de la municipalité, j’ai procédé par priorités. Une de ces premières priorités c’était l’amélioration de l’approvisionnement des populations en eau potable. La deuxième urgence était la prise en charge du problème d’assainissement, et puis on est passés au désenclavement des zones rurales. Ce sont là les trois points inscrits dans mon agenda.
Quels sont concrètement les chantiers que vous avez lancés ?
En matière d’AEP, nous avons engagé des projets pour améliorer l’alimentation en eau potable. À ce propos, nous avons pu raccorder les populations des différentes agglomérations au réseau des grands transferts en eau, à partir du barrage Koudiat Acerdoune. Actuellement et à l’exception du village de Lahguia, où le projet de raccordement en eau est toujours en cours (70% du taux de réalisation), tous les autres villages sont raccordés au réseau AEP via le système des grands transferts. De temps à autre, des problèmes surgissent car le réseau est neuf mais, désormais, sa gestion est confiée à l’ADE. Pour le gaz de ville, à l’exception du village Lahguia qui n’est pas encore alimenté, l’ensemble des agglomérations sont raccordées au réseau du gaz naturel. En ce qui concerne les routes, on a presque terminé les opérations de modernisation de tous les chemins communaux. Toutes les agglomérations sont accessibles et les routes qui y mènent sont goudronnées. À présent, on s’attèle à ouvrir des pistes agricoles au niveau de certaines zones isolées et ce pour permettre aux populations de travailler leurs terres. Sur le plan du logement, la commune de Djebahia a bénéficié d’un important programme. Depuis 2008, le nombre d’unités de logements est passé de 70 à plus de 600 unités, dont 400 ont été d’ores et déjà attribuées et livrées et 200 sont en cours de réalisation. On a aussi octroyé 30 unités de la formule LPA qui sont achevées. Ils attendent d’être raccordés au gaz et à l’eau pour être livrés à leurs bénéficiaires. Ceci étant dit, la demande dépasse largement l’offre et nous souhaitons un peu plus de quotas pour pouvoir satisfaire toutes les demandes.
En effectuant votre travail à la tête de l’APC, vous avez sans doute rencontré des difficultés ?
Effectivement ! Comme dans toutes les communes, il y a des difficultés. Mais nous avons pu régler beaucoup de problèmes. Il reste, cependant, celui du logement. À Djebahia, la difficulté cruciale à laquelle nous sommes confrontés c’est celle des quatre centres de regroupement. Nous avons deux centres au niveau de Ben Haroun et deux autres au niveau d’El Hamra et Chaâbet Lakhra. Ces centres de regroupement ont été créés en 1958 sous l’ère coloniale. Après l’indépendance, il y avait une décision de prise pour régulariser l’assiette de terrain. Malheureusement, lorsqu’on a engagé l’opération en 2008, on a rencontré une opposition des propriétaires. Le dossier administratif a été réglé. Idem pour les indemnisations dont le montant a été fixé par les domaines. La commune a versé des fonds au trésor mais des propriétaires s’y opposent toujours et empêchent d’autres citoyens de construire. L’affaire a été portée devant les tribunaux et nous avions eu gain de cause, mais le problème persiste encore.
Combien d’habitants sont concernés par le problème ?
Au total, nous avons entre 2 000 et 3 000 habitants au niveau de ces quatre centres de regroupement. À l’époque, le wali s’est déplacé sur les lieux et a pris une décision de faire un plan d’aménagement sous forme de lotissement. On a attribué à chaque habitant un lot de terrain et une aide à l’habitat rural.
Qu’en est-il du développement au niveau des agglomérations secondaires ?
Pratiquement toutes les agglomérations secondaires de Djebahia ont bénéficié de projets d’AEP, assainissement, gaz de ville, éclairage public et réfection des routes. Cependant, il y a quelques carences à relever au village de Lahguia, où des efforts doivent être consentis pour rattraper le retard du développement. À ce propos, une opération portant sur le raccordement du village au gaz de ville a été inscrite. Pour l’alimentation en eau, les travaux sont toujours en cours et sont réalisés à hauteur de 70%. Pour l’assainissement, il y a une partie qui est réalisée et opérationnelle depuis trois ans et il y a la partie basse de l’agglomération où nous avons un problème de rejet des eaux usées. Nous avons contacté le Directeur des ressources en eau tout récemment et le problème sera pris en charge dans les prochains jours.
La commune ne dispose pas de recettes fiscales, mais il existe quand même une unité d’embouteillage d’eau minérale, Ben Haroun. Cet investissement profite-t-il à la commune ?
Effectivement, il y a l’unité de Ben Haroun. Après la réorganisation du secteur public, cette dernière a été reprise par le groupe «Aqua Sim». Certes, cet investissement se trouve dans ma commune, mais les rentes fiscales sont prélevées par la société mère sise à Mouzaïa. Nous, en tant que commune, nous ne bénéficions de rien. Avant, lorsque l’unité dépendait du secteur public, des impôts étaient perçus par la commune. Mais désormais, nous ne percevons aucun centime. Cela pose un problème. On a déjà exposé et discuté de cette problématique. En principe, c’est la commune où est implanté l’investissement qui perçoit les rentes fiscales mais ce n’est pas le cas à Djebahia. En termes d’emploi, l’unité employait, jadis, près de 200 personnes mais depuis sa reprise au début des années 2000 par un privé, elle emploie entre 70 à 80 personnes. Il faut reconnaître que l’impact sur l’emploi dans la commune est minime.
Sinon, y a-t-il des projets d’investissement envisagés à Djebahia ?
Actuellement, il n’y a rien de concret dans ce domaine. Mais on a proposé un terrain pour la création d’une mini-zone d’activités. La semaine passée, une commission s’est déplacée dans la commune pour étudier la proposition. L’assiette de terrain qu’on a proposé abritait, jadis, la base de vie de la société COGC, chargée de la réalisation du projet des transferts des eaux de Koudiat Acerdoune vers les wilayas de Médéa et M’Sila. Cette entreprise a achevé ses travaux mais elle occupe toujours les lieux. On espère qu’elle libérera plus vite les lieux pour qu’on puisse entreprendre les travaux d’aménagement nécessaires pour accueillir d’éventuels investisseurs.
La commune était en proie à d’importants affaissements de terrains cette année, une commission conduite par des experts s’est déplacée sur les lieux pour évaluer la situation, quelles étaient ses conclusions ?
Oui nous avons constaté ce phénomène des affaissements en deux endroits. Suite à cela, nous avons saisi les autorités concernées en avril dernier. Vous savez, depuis l’entame des travaux au niveau de l’autoroute, notamment ceux du centre du péage, la situation s’est aggravée. Il y a un mois, une commission s’est rendue sur les lieux et elle a fait un diagnostic. Les experts nous ont rassurés en certifiant qu’il n’y a pas péril en la demeure. La situation n’est pas grave et n’exige pas la prise de mesure dans l’immédiat. Ils ont pris le problème en charge et ils nous ont promis de faire un rapport dans ce sens. Les conclusions définitives ne sont pas encore arrêtées. Sinon, pour l’origine du phénomène, d’après mes informations, les points où sont apparus ces affaissements sont des terres agricoles marécageuses. À l’époque, les agriculteurs n’exploitaient pas ces terres (des prairies) car elles étaient gorgées d’eaux. Et d’après les géologues, suite à la sécheresse, l’eau qu’emmagasinaient ces terres s’est tarie laissant un vide provoquant les affaissements.
Pour conclure, comptez-vous vous représenter pour un nouveau mandat ?
Non je ne le pense pas. Surtout pas pour le moment ! On veut laisser la place aux autres pour apporter peut-être du sang neuf pour faire avancer les choses.
Entretien réalisé par Dj. Moulla et A. Bouzaidi