L’amnésie frise la mort et les évocations surannées, obsolètes, tentent d’envahir nos mémoires endolories. Que les fêtes que l’on célèbre sans y croire soient plus importantes que celles qui nous emballent ne sont en réalité que l’ersatz de ce qu’on regrette. Il arrive que l’on se fourvoie dans des sentiers sans issue et continue à tenter le diable en se frayant… un chemin de croix. Que l’on évoque la mort de nos artistes disparus, sans trop de conviction, sans trop y croire, seulement pour faire semblant, pour la forme, pour être dans l’air du temps. Cherif Kheddam, El Fergani, Assia Djebbar, Youcef Sebti, Djaout et tant d’autres sont partis sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger les vivants qui se prélassent dans l’attente de leur tour dans le trépas. Il arrive souvent aux disparus d’oublier de s’absenter au moment de l’appel, ils sont toujours là avec leurs legs fastidieux, leurs testaments de chants, de noubas mémorielles, de poésie céleste et de romans ouverts à tous les vents, et nourrissant les imaginations les plus folles, les plus incroyables, et les toiles les plus dingues. En parlant de nos créateurs, de nos auteurs, de nos peintres, en un mot de nos artistes, qui ont cultivé l’art au sens plein du terme, il est des choses que l’on oublie et ces choses ne sont pas si pardonnables que ça. Puisque l’oubli est pire qu’une deuxième mort. Quelque fois, leur évocation est pire que ne pas les évoquer du tout. Qui se souvient de Himoud Brahim dit Momo et de ses poèmes sacerdotaux, de sa «bahja» ? « Le matin, le soleil est féminin. Regardez comme il est doux et caressant. C’est le bon moment pour visiter la Casbah…L’après-midi, le soleil est masculin…Il est cruel ». Ce personnage sorti tout droit d’une légende ou d’une mythologie gréco-berbère, qui chantait l’Algérie et sa Casbah comme personne. Zinet l’a fixé pour l’éternité dans «Tahia a Didou» mais qui se souvient de Momo et des autres ? Personne. N’est-ce pas mieux comme ça.
S.A.H.
