Le calme est complètement revenu, hier, dans la wilaya de Béjaïa, après deux jours de violentes échauffourées ayant mis aux prises de jeunes émeutiers et les forces anti-émeutes.
La vie a donc repris son cours normal aux quatre coins de la ville de Béjaïa. Plus de 70 % des commerçants ont rouvert leurs commerces dès les premières heures de la matinée, avant que leurs collègues réticents ne les rejoignent progressivement. Aux quartiers CNS et Nacéria, sis à quelques pas du siège de la wilaya, où de violents affrontements ont eu lieu lundi et mardi derniers, les activités ont repris, avec la réouverture des commerces tout le long du boulevard de la Liberté et de la rue des Aurès. «Nous avons décidé de rouvrir nos magasins, car nous ne nous inscrivons pas dans la logique de la violence. Le calme est de retour et les gens viennent acheter le plus normalement du monde», nous dira un commerçant de la ville de Béjaïa. Au quartier Lekhmis, situé au cœur de la ville de Béjaïa, les propriétaires de cafétérias, boutiques d’habillements, épiceries, supérettes, parfumeries et autres magasins ont tous repris leurs activités. «La situation est calme. Les commerçants ont ouvert leurs magasins et ont étalé leurs marchandises comme d’habitude. Il est vrai que nous avons constaté une baisse d’affluence des clients, mais les gens reprennent petit à petit leurs habitudes et reviennent faire leurs courses», nous dira un marchand de vêtements au centre commercial de Lekhmis. Idem au quartier populaire d’Ighil Ouaâzoug, qui a vécu sous tension lundi dernier. «Presque 80 % des commerçants ont repris le travail et les gens circulent à nouveau», nous dira un citoyen. «C’est par crainte que quelques commerçants ont décidé de ne pas encore ouvrir aujourd’hui (mercredi, ndlr)», nous a confié un marchand d’habillement. Par ailleurs, le marché de gros de fruits et légumes et le marché hebdomadaire de la ville de Béjaïa, qui se tient les mercredis, au niveau du quartier Sidi Ahmed, communément connu sous le nom Souk Larbâa, étaient également ouverts, hier. Tous les marchands, se disant «fatigués de la violence», ont installé leurs stands de marchandises et ont repris leurs activités. Tous ceux que nous avons approchés déploreront les scènes de saccages et de pillages ayant émaillé la grève.
Sens des responsabilités des commerçants de la vallée
à l’instar du chef-lieu de la wilaya, les régions de la vallée de la Soummam ont connu elles aussi des scènes de violences et de saccages. A Akbou, des manifestants, en furie, s’en sont pris à l’agence locale de la SDE et à la recette des impôts. Nous apprendrons que devant la tournure regrettable qu’a prise la grève, dont l’origine reste obscure, les adhérents à l’association des commerçants d’Akbou se sont réunis, en urgence, mardi soir, et ont appelé au calme et à la reprise de l’activité commerciale. «Ayant constaté que l’appel anonyme à la grève n’a pas été suivi sur l’ensemble du territoire national et que celle-ci a créé au sein de notre commune un climat de tension, nous appelons l’ensemble des commerçants d’Akbou à reprendre dans le calme leurs activités à partir du 4 janvier 2017», lit-on dans l’appel signé par l’association des commerçants d’Akbou et largement diffusé. Ce cri de détresse a donc eu un écho favorable, car plus de 70 % des commerces ont repris le travail, hier, dans la ville d’Akbou, selon une source locale. Les rédacteurs de cet appel ont demandé, au passage, aux pouvoirs publics «d’assurer la sécurité des biens privés et publics de la commune». Même son de cloche à Tazmalt, où les commerçants ont pris la ferme décision de reprendre le travail, dès hier.
Place au nettoyage
Depuis hier, les services des communes de Béjaïa et d’Akbou, où des scènes de destruction et de saccages avaient eu lieu, ont entamé une vaste opération de nettoyage et de ramassage des débris engendrés par les émeutes. Les barricades de pierres, de troncs d’arbre et autres objets hétéroclites dressées par des manifestants sur les routes ont été démantelées et évacuées par les agents communaux. A l’aide de camions-citernes, ces derniers se sont attelés à effacer les stigmates de ces deux jours de troubles. Il est vrai et regrettable que d’importants dégâts matériels ont été déplorés suite aux violentes émeutes. Un bus de l’entreprise publique Etub, d’une valeur de 1,7 milliard de centimes a été entièrement incendié par de jeunes manifestants. Ces derniers ont également saccagé et pillé un showroom de la maison Condor, sis au boulevard Krim Belkacem. Le nouveau siège de l’éducation, situé à deux pas du siège de la wilaya, a lui aussi été caillassé par des émeutiers.
La société civile, une forteresse contre la violence
Si le pire a été évité et les esprits ont fini par s’apaiser, c’est grâce, en partie, à la forte mobilisation de la société civile. A l’initiative du bureau de Béjaïa de la LADDH, une rencontre, ayant regroupé des leaders associatifs, a été organisée, au centre de documentation des droits de l’homme de Béjaïa, pour appeler la population à la vigilance et à «déjouer d’éventuels plans diaboliques visant la déstabilisation de la région». Selon Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, «il est plus que jamais urgent de renforcer et reconnaître le rôle de la société civile». Ce militant des droits de l’homme préconise «l’ouverture d’espaces de médiation et de dialogue aux jeunes pour éviter le pourrissement». Les appels incessants au calme lancés par des responsables de la société civile à Béjaïa, à travers les réseaux sociaux et la radio locale, ont fini par dissuader les jeunes émeutiers. Pour sa part, la fédération FFS de Béjaïa a appelé, dans une déclaration rendue publique, «la population et particulièrement les jeunes de la wilaya à la vigilance et à déjouer les manœuvres d’apprentis sorciers».
Les jeunes arrêtés relâchés
Par ailleurs, nous apprenons d’une source sûre que la majorité des jeunes manifestants arrêtés par la police ont été relâchés. Quelques-uns ont été néanmoins mis sous contrôle judiciaire ou ont écopé des peines avec sursis.
Boualem Slimani