«C’est une affaire d’argent et de politique»

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Le maire FFS de Souama, revient dans cet entretien, sur les nombreux blocages qui affectent le lancement de la zone industrielle de Souama.

La Dépêche de Kabylie : Pourriez-vous nous faire l’état des lieux de la zone industrielle de Souamaâ ?

M. Boukhtouche Mohand : Sur le plan administratif, on est en phase d’établissement du permis de lotir. Mercredi prochain, la commission chargée du dossier, composée de toutes les directions concernées, va se réunir pour la deuxième fois. Il est question de créer ce permis de lotir qui va permettre de partager cette zone en lots. Il y aura cinq secteurs : le cuir et le textile, la construction économique, l’agroalimentaire, la papeterie-imprimerie et les produits rouges. Il y aura une zone d’équipement, une antenne de mairie, des banques, des hôtels, une gare multimodale, un port sec, une station de traitement des eaux…. Sur ce plan, on se félicite donc de cet avancement et même du fait que ce projet ait déjà été maintenu, car il aurait pu être gelé. Sur le terrain, néanmoins, ce n’est pas très réjouissant.

C’est quoi le problème exactement ?

Ce sont toujours ces propriétaires de terrains qui persistent à s’opposer à ce projet, faisant la sourde oreille et ne voulant rien comprendre.

Qui sont ces opposants et quelles sont leurs réelles motivations selon vous ?

Il y a certes des gens sincères qui agissement par conviction. Néanmoins, et comme c’est connu, notamment en Kabylie, derrière tout mouvement, toute manifestation, toute protestation, il y a des gens malveillants qui tirent les ficelles, des manipulateurs qui cherchent à régler des comptes, à obtenir ou préserver des intérêts particuliers. Et c’est le cas de cette zone. Il y a certes, comme je le disais des gens qui veulent protéger leurs propriétés légitimes, en toute bonne foi, mais il y a d’autres qui profitent de la situation. Ils sont là pour s’enrichir. C’est une affaire d’argent. Ils veulent tout simplement vendre à l’Etat au prix le plus fort. D’autres font de la politique. En cette fin de mandat, ils bloquent le projet pour en faire un enjeu de la campagne. Et il y a bien sûr ceux qui font les deux au même temps.

Qui sont-ils exactement ?

Ce sont des gens qui étaient candidats en 2012 et qui vont être candidats en 2017, des gens qui ont par exemple créé la mafia du sable. Ils tentent de mettre la main sur le foncier et faire des affaires, le développement de la région est le dernier de leurs soucis. Ils ne font aucune concession pour l’intérêt général. Ils sont, soi-disant, dans l’association qui est censée regrouper tous les propriétaires des communes, mais en réalité ce n’est pas le cas. On a affaire à un bureau composé exclusivement de gens d’Aït Zellal, qui sont aussi membres du comité du village, et des candidats aux différentes élections.

Quelles sont leurs revendications actuellement ?

Lors de la dernière rencontre avec le wali, il y a quelques jours, ces gens ne parlaient plus d’indemnisations ni du livret foncier. Ils parlent, désormais, d’agriculture et d’environnement. Ils s’opposent carrément au projet. L’ex-wali, M. Merad, avait pourtant signé un arrêté de prise de possessions et normalement l’administration se devait et se doit d’assumer ses responsabilités. Pourquoi l’Etat hésite à recourir à la force publique, alors que c’est la seule alternative. C’est un terrain public. L’Etat dispose des documents de référence qui prouvent qu’il est légalement propriétaire de ces terrains. Ce sont des terres domaniales. L’association des opposants a présenté un jugement de 1897, délivré par la justice coloniale française et je ne peux discuter du bien fondé de ce document. Pour l’association, ce document annule le Sénatus-consulte et rien ne peut l’annuler. Or, il y a une évolution dans les textes de droit. Pour nous, ces terres appartiennent à l’Etat en vertu du livret foncier délivré en 2012. La zone industrielle est un projet plus qu’important, l’Etat doit assumer ses responsabilités. Les propriétaires légitimes, on doit les indemniser équitablement, les gens qui veulent des réparations matériels, on doit les leur accorder. Quant à ceux qui cherchent seulement à boquer le projet, l’Etat doit réagir.

Vous sous-entendez une mollesse des autorités, elle est due à quoi selon vous ?

C’est politique. Il y a plusieurs considérations pas toujours saines et pas toujours bénéfiques à la société. L’actuel wali veut régler le problème d’une manière diplomatique, il veut faire des concessions. Mais il se montre gentil plus qu’il n’en faut. Le wali est venu dans la commune de Soumaa, mais il est passé à l’antenne d’Aït Zellal et non à la zone industrielle. J’ai toujours conseillé aux trois walis avec qui on a eu à travailler sur la zone industrielle de faire preuve de sagesse, de diplomatie et de tact… Mais avec certaines limites et seulement quand vous avez affaire à des gens objectifs, raisonnables. Mais quand les interlocuteurs utilisent un ton menaçant et ne reconnaissent même pas l’autorité de l’Etat, ni la suprématie de la justice ni la primauté du droit, ils se mettent eux mêmes hors la loi. J’aimerais bien que la stratégie du wali réussisse, mais je peux assurer que ça ne sera pas le cas. Ces gens ne font que gagner du temps et le temps joue contre la zone industrielle.

Quelle serait la solution pour ce problème selon vous ?

En 2015, on avait proposé, après recensement des propriétaires, trois formules. Ceux qui ont un certificat de procession ou un acte de propriété, on va les indemniser. Ceux qui ont construit, ils ne sont pas nombreux, on va les maintenir sur le site et les régulariser. Les gens qui ont des revendications mais qui n’ont aucun titre et qui n’ont pas construit, on va leur donner un terrain d’égale superficie à la limite de la zone. Il y a en tout une quarantaine de propriétés éparpillées à travers la zone, on leur a dit qu’on allait les rassembler dans un seul bloc et leur donner des terrains de compensation en contrepartie de ceux qu’ils allaient libérer. Ce sont-là des terrains à l’intérieur de la zone, considérés comme du foncier industriel. Ils vont devenir des propriétaires de ces terrains, ils pourront investir eux même ou faire des contrats avec les investisseurs et opérateurs. Il n’y a pas d’offre plus généreuse. D’ailleurs, ils n’ont pas osé dire non, mais ils n’ont pas dit oui non plus. Car un oui est synonyme de la fin du problème et le début de la solution et donc de la concrétisation. Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que ces gens ne sont pas là pour défendre leur bien, mais pour faire du mal. L’état doit agir.

Entretien réalisé par Kamela Haddoum

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