Mon nom est combat est un ouvrage très bien accuilli par les fans, admirateurs,… de Lounès, comme par celles et ceux qui veulent avoir une bonne partie des textes de Lounès pour les chanter, les étudier, les analyser, les commenter,… car il est plus aisé de le faire en la possession d’un support livresque qu’en écoutant de nombreuses musicassettes et CD. L’ouvrage de Lounès se présente ainsi : une présentation générale suivie d’un avertissement du traducteur (pp. 7-15) ; L’anthologie constituée de 122 textes avec traductions (pp. 17-209); Une postface, suivie d’annexes (notice, bibliographie ; 3p.), du traducteur également, intitulée « Portrait de l’homme mort ou poète vivant »(pp.211-249). Une bonne partie des poèmes enregistrés, chantés et édités par Lounès Matoub, soit 118 sur 139 (selon nos statistiques), figurent dans le livre. Ce qui est très appréciable. Le traducteur nous livre même quatre textes inédits datés du printemps 1998, composés par le Rebelle quelques semaines seulement avant son assassinat. Signalons avant tout que les traductions françaises sont assez bonnes. Bien que traduire une œuvre du kabyle au français, et particulièrement une œuvre de Matoub, nécessite, pour une compréhension idéale, d’un francophone, un appareil de notes (avec références bibliographiques) conséquent. Elément qui fait défaut. En effet, nous regrettons qu’il n’y ait pas davantage de notes infra, car celles-ci apporteraient les précisions nécessaires qui viendraient à manquer dans le texte traduit. Plusieurs facettes de la pensée de Matoub resteront inaccessibles à un lecteur francophone, et même à un lecteur kabyle s’il n’est pas au courant des significations locales de certaines expressions que Lounès utilisait dans ses textes. Plusieurs notes seraient nécessaires à un lecteur non-kabyle afin d’appréhender une meilleure signification du texte avec toutes les nuances et subjectivités que Lounès y met.La transcription usitée n’est pas conforme aux dernières recommandations du Centre de recherche berbère (CRB/Inalco) qui vise à une standardisation de la notation usuelle de tamazight (notamment pour ce qui est de la labio-vélarisation, des assimilations et des ruptures de chaînes). Si les enseignants de kabyle en Kabylie ont la possibilité de revoir cette transcription quand ils auront à présenter des morceaux de l’œuvre à leurs élèves, ce ne sera pas le cas de nombreux apprenants en Afrique du Nord (Tamazgha) ou dans la diaspora qui utiliseront le texte tel quel. Notons cependant que le traducteur a pris le soin de mentionner qu’il n’ »utilisait » pas certaines des recommandations pour des raisons esthétiques. Enfin, il est regrettable qu’aucun livre ni article écrits sur l’œuvre de Lounès ne soient mentionnés (et/ou consultés) ? En effet, de nombreux éclairages sur l’œuvre de Lounès sont apportés dans des publications livresques (exemple, Rachid Mokhtari), scientifiques et journalistiques.En dernier lieu, on aurait aimé que certaines chansons que Lounès a enregistrées en privé (soirées amicales, rencontres,…) soient mentionnées de même que la discographie qui est plus que nécessaire. Toujours est-il que nous saluons l’initiative de Yalla Seddiki pour maintes raisons : collecte des textes de Lounès et leur traduction française ; deux œuvres dont Lounès aurait été fier si ce n’est les balles qui l’ont fauché. La redécouverte de la pensée profonde de Lounès ne va-t-elle pas relancer la quête quant à la vérité sur sa liquidation ? Nous recommandons vivement la lecture de ce livre car il représente une bonne partie du legs de Lounès.
Saïd Chemakh