Toursal, un village «oublié» !

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Se rendre jusqu'à Toursal dans la commune de Timezrit (Boumerdès) est un véritable casse-tête. Le village a visiblement du mal à sortir de son enclavement.

En effet, si la sécurité semble de retour, après des années de terrorisme passé par là les mesures d’accompagnement ne semblent pas être inscrites dans le calepin des autorités locales pour non seulement inciter ceux qui ont quitté ce village pour d’autres destinations telles Bordj Ménaïel ou Les Issers durant la décennie noire à s’y installer de nouveau , mais, aussi pour améliorer le cadre de vie de ceux qui ont bravé la mort en se cramponnant à la terre de leurs aïeux qui, pourtant, ne nourrit pas eu égard à son relief escarpé ne servant qu’à quelques cultures de haute montagne. Toursal est à quatre kilomètres du chef-lieu communal (Timezrit) et plus de quinze kilomètres du chef-lieu de daïra, Les Issers. Cependant, les villageois trouvent encore d’innombrables problèmes pour s’y rendre ne serait-ce que pour se faire délivrer un document administratif. Le chemin communal qui les relie à leur mairie est en dégradation avancée à telle enseigne que même les automobilistes clandestins refusent de les y déposer. « À maintes reprises, nous avons alerté nos responsables, mais, nos paroles sont tombées dans les oreilles de sourds. Vraiment, nous sommes abandonnés dans cette bourgade. Même pour aller au chef-lieu de daïra (Les Issers), ce n’est pas commode. Les quelques transporteurs qui assurent cette desserte ne la font pas régulièrement. Ils se plaignent de l’état de la route. Ils doivent changer les amortisseurs tous les mois », nous explique, d’emblée, notre accompagnateur dès que nous avons posé pied à terre dans ce village oublié. Durant tout notre trajet de M’Kira vers ce village, parce que Toursal est limitrophe du dernier village de cette commune, à savoir Ath Messaoud, notre guide revient sur les moments difficiles et les affres du terrorisme. « Vous savez, notre village a été souvent le théâtre d’incursions terroristes. Il a fallu qu’un groupe prenne les armes pour nous défendre. Notre situation géographique a été propice pour les sanguinaires du GIA et du GSPC qui écumaient les maquis de Sidi Ali Bounab. Ceux qui ont les moyens se sont installés ailleurs. Seuls, les pauvres y sont restés au péril de leur vie et de celles de leurs enfants », nous souffle-t-il d’une voix presque inaudible parce qu’il est toujours traumatisé par les descentes des terroristes. Durant tout ce « voyage », il nous dit de tendre l’oreille et d’écouter le grincement des amortisseurs du véhicule qui nous transportait parce qu’il peinait à avancer sur l’asphalte entièrement délabrée parsemée de profonds nids-de-poule qu’il faudra éviter. Une manière, pour lui, de nous faire sentir que cette route de campagne est comme un chemin muletier parce qu’elle est entièrement dégradée et parsemée de nids-de-poule que seuls les conducteurs les plus aguerris peuvent éviter.

La neige, comme le terrorisme, est passée par là

« Vous avez de la chance de venir après la fonte de la neige », nous dit-il. Vraiment, poursuit-il, nous étions isolés durant quatre jours entiers. Durant ces temps de grands froids, ces pauvres montagnards n’ont fait appel qu’à la débrouille. Marquant une hâte, notre regard est attiré par ces fagots de bois sec déposés devant les maisons. Parce que là le gaz naturel garde toujours son nom de « gaz de ville ». Plus loin, la fumée monte dans les airs. Toutes les cheminées  » fument ». La poudreuse a recouvert notre village de son joli manteau blanc. C’était vraiment beau. On dirait une carte postale. Mais, comme nous n’avons pas de moyens notamment le gaz naturel, nous avons imploré Dieu de la faire disparaître de sitôt. Nous étions condamnés durant toute cette période. Personne n’est sorti pour se rendre même au chef-lieu communal », raconte-t-il. Le distributeur de bonbonnes de gaz ne passe pas. Ceux qui se chauffent au gaz butane doivent le chercher soit à Tizi-Gheniff soit aux Issers. D’autres, ceux qui ont les moyens, se permettent le luxe de se chauffer à l’électricité.

Toursal se plaint de «sa» marginalisation

Tout en faisant notre virée sur les lieux, notre guide s’arrête pour nous exposer les manques. Tout d’abord, nous apprend-il, vous voyez cette école primaire: elle n’a rien sauf peut-être les tables. Les enfants que nous avons rencontrés démontrent bel et bien qu’ils ne sont pas bien pris en charge. En dépit du froid, ils ne se contentent que d’un morceau de pain avalé avec un œuf dur ou une portion de fromage. Alors que dans les classes, dit-il, ces petits potaches souffrent du froid à cause de plusieurs manques. Un pan du mur d’enceinte réalisé à coups de millions de centimes s’est écroulé dès les premières pluies hivernales. Dans ce village, point de réseau d’assainissement. Pour leurs cabinets d’aisance, les Toursalais recourent toujours à des fosses septiques. Les opérations lancées ici et là ne sont pas fiables. Ce sont seulement du bricolage. « Nous avons pourtant signalé ces manques à nos responsables. Mais, on ne voit rien venir en dépit de toutes nos démarches », regrette notre accompagnateur. Ce qui fait mal aussi aux parents d’élèves est que les autorités ne prennent pas en charge le transport de leurs enfants comme il se doit notamment vers le lycée des Issers. D’ailleurs, faute de moyens, de nombreux élèves quittent l’école précocement notamment les filles.

«Ici, les jeunes sont voués à l’oisiveté»

Dans ce village de plus de mille habitants, la majorité de cette population est jeune. Certes, on ne peut parler d’emploi parce que les jeunes Toursalais devraient « immigrer » vers d’autres régions du pays comme tous leurs frères Algériens laminés par le chômage, mais, notre guide évoque surtout le manque d’infrastructures juvéniles. « Ils n’ont ni aire de jeux ni foyer pour jeunes. Ils sont livrés à eux mêmes au point où nombreux parmi eux sont sous l’emprise de l’alcool et de la drogue », se lamente ce même villageois. Pour lui, il faudrait que les autorités de la wilaya soient au courant que le budget communal n’est pas réparti équitablement entre les villages. « Nous sommes oubliés dans tous les PCD. Même si certaines opérations sont inscrites pour notre village, soit elles ne sont pas menées à terme soit elles sont bâclées », souligne notre guide d’une journée. En tout cas, vivre à Toursal, relève d’un combat au quotidien: prendre son mal en patience, se déplacer ne serait-ce que pour se faire piquer par un infirmier aux Issers ou ailleurs, acheter sa citerne d’eau toute l’année ou aller chercher ce liquide ô combien précieux à dos de mulet. En définitive, les Toursalais ne connaissent pas encore le développement sauf lorsqu’ils regardent les journaux télévisés montrant des réseaux de gaz naturel mis en service ici et là ou encore lorsqu’ils voient ces milliers de logements distribués un peu partout.

Amar Ouramdane

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