Mohand Tilmatine invité du café littéraire

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Mohand Tilmatine était l’invité du café littéraire organisé, samedi après-midi, par l’association Tiwinin d’Ath Wizan, au centre culturel Ferrat Ramdane de Bouzeguène. La conférence-débat était sous le thème «Politique linguistique et toponymie, quelle place pour l’amazighité en Algérie ?» Pour commencer, le docteur en linguistiques et langue et littérature romaines explique la toponymie qui est, selon lui, «une partie intégrante du patrimoine immatériel, culturel, historique et identitaire qui a une grande valeur dans la définition et l’existence de toute une société». «Chaque nom raconte une histoire. Les noms de lieux sont porteurs de références historiques, culturelles et géographiques», soulignera-t-il en donnant quelques idées sur la linguistique et comment les noms des lieux changent avec le temps. L’étymologie des noms de lieux les classe comme un patrimoine qui fait la richesse linguistique et la recherche dans ce domaine toponymie et linguistique enrichit l’histoire de tout un pays. En Algérie, selon le conférencier, «on n’a pas une politique toponymique. La toponymie est donc le résultat d’action de vouloir changer les noms des villages et des rues berbères dans presque tout le pays en noms latins, puis arabes. Puisque pour l’État, la diversité des langues représente une menace pour la stabilité et l’unité, donc un facteur de division ethnique et territoriale du pays non une richesse culturelle. Ainsi et dans le but de défendre et récupérer la langue arabe tout a été arabisé». Dr Tilmatine a parlé également de la politique toponymique en contexte international. «Aux Nations unies, on est classés dans la division arabo-musulmane. Donc, aucune chance pour une politique amazighe. C’est à l’État de la revendiquer et non à une association ou une personne. C’est l’État qui transmet des noms et transcriptions de toponymes amazighs se basant sur le système arabe de Beyrout. Seule langue de référence même s’ils savent tous que Tifinagh existe, dans ce sens il cite le système de translittération de la contradiction entre comment la langue est reconnue par l’État et le corpus qui indique combien de gens parlent la langue. On estime que plus d’un ¼ de la population algérienne, soit 10 millions de personnes en 2016 parlent tamazight. Cette langue est officielle mais sur le terrain, rien n’a été fait. Ce n’est toujours pas clair», dira le conférencier. Ce dernier s’est aussi arrêté sur la variation et l’inadaptation des noms entre ceux donnés par les étrangers, tel Azazga par les Français, l’appellation par les habitants originaires Iazouguen et le nom officiel en arabe Aazazga. Le Dr Tilmatine Mohand tire la sonnette d’alarme sur le changement des noms et les désagréments que cela cause en justice, en commerce et en d’autres affaires quotidiennes. Le conférencier, optimiste, dit : «Avec la multiplication des efforts des linguistes, on peut arriver à redonner à Tamazight sa place souhaitée». Il considère la jeunesse comme première génération. «Pourquoi pas une carte géographique en tamazight ! Mais c’est l’usage qui fait la langue», ajoutera-t-il, en invitant les jeunes algériens à adhérer aux associations de toponymie. La deuxième partie de la rencontre était consacrée au débat. Un débat entre ceux qui voulaient connaître le nom de celui qui a donné le nom Algérie, significations des noms de plusieurs régions kabyles et ceux qui s’inquiètent du phénomène de disparition des prénoms berbères qui ont été remplacés pas les prénoms turques, arabes et français. L’invite du café littéraire de Bouzeguène a répondu que «c’était le général Schneider vers la fin du 19ème siècle qui a remplacé l’appellation région d’Alger par l’Algérie, après l’établissement des frontières par la France». En guise de remerciement pour sa participation à la promotion de la culture, l’association a préparé un tableau de reconnaissance au conférencier qui a été remis par l’Espagnole Carmen qui a préparé un doctorat sur l’exhérédation des femmes en Kabylie à l’université de Cadiz en Espagne.

Qui est Mohand Tilmatine ?

Mohand Tilmatine est natif de Mira (Aghribs) en Kabylie et a vécu à Alger. Il est licencié de l’université d’Alger où il a travaillé comme professeur adjoint. Le mémoire de son diplôme DEA (Diplôme d’études approfondies) portait sur la traduction (franco-allemand-arabe) de l’ESIT (Sorbonne Nouvelle) à Paris. Il détient un doctorat en linguistiques et langue et littérature romaines à l’université de Wilhelms Münster en Allemagne. Il a été enseignant à l’université de Karlsruhe en Allemagne et à Freie Universität de Berlin. Il a aussi travaillé comme enseignant aux universités du Mexique, de Barcelone et de Cologne. Tout comme il a eu plusieurs séjours de recherche au Canada, Paris et Oxford. L’une de ses importantes thèses est portée sur les minorités et revendications identitaires dans l’Afrique du nord ainsi que le mouvement identitaire amazigh en grande partie. Il dirige, depuis 2000, le groupe de recherche HUM 685 sur les langues et les sociétés arabes et berbères. Il a été à la tête de l’Observatoire Catalan de la langue amazighe (OCLA) à Barcelone de 2007 à 2016. Actuellement, il est professeur à l’université de Cadiz en Espagne, où il enseigne la langue et culture berbères.

Fatima Ameziane.

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