Ils sont ingénieurs, licenciés ou sans niveau d’instruction, à attendre leur tour pour être recrutés dans le cadre du filet social ou de l’AIG, qu’importe.Hormis les administrations, aucune activité économique à même d’offrir des emplois, n’a vu le jour depuis fort longtemps. Au contraire, depuis la dissolution de l’entreprise communale COTRAH qui a «mis dehors» près d’un millier de personnes, les privés s’y mettent aussi, en cessant carrément leurs activités ou en délocalisant. Les causes de l’exode, invoquées par certains patrons, partis ailleurs, est l’état ainsi que l’exiguïté des routes difficiles d’accès pour les camions de gros tonnage, alors que d’autres disent préférer les grandes villes, qui offrent plus de facilités et de chances de réussite qu’ils ne trouvent pas dans les zones rurales. «Rien n’est fait, ici, pour encourager l’investisseur, que ce soit en termes de fiscalité et encore moins en matière d’octroi de terrain adéquat» avoue cet industriel originaire de la région, qui s’est installé dans l’ouest du pays et qui a entraîné dans son sillage beaucoup de jeunes de son village. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Alors comment fixer les populations, si ce n’est, en encourageant les industriels à s’implanter. L’Etat encourage l’accès au logement mais devrait prendre, aussi, des mesures pour créer des emplois dans les zones rurales. Même si le nom de Michelet évoque le commerce, celui-ci se résume, finalement à de petites boutiques familiales, gérées par une ou deux personnes, sans plus. Ici, il n’y a point d’industrie, génératrice d’emplois.La zone industrielle prévue pour recevoir quelques PME, sise à l’Oued El Djemaâ, n’a d’industriel que le nom et personne ne veut s’y aventurer pour plusieurs raisons telles que difficultés d’accès, viabilisation. La ligne de chemin de fer, prévue avant l’indépendance dans le fameux «plan de Constantine» et plusieurs fois remise «au goût du jour» aurait pu donner un coup de fouet à toute la région grâce aux rails qui ne manqueraient pas de battre le rappel des investisseurs.Alors, las d’attendre un hypothétique boulot, les jeunes, dont beaucoup de filles se rabattent sur le filet, social considéré comme l’antichambre du recrutement, surtout lorsqu’on cumule plusieurs années «d’ancienneté». C’est le cas de ce père de famille qui, pour 27 00 DA, «travaille» à l’APC, depuis plus de cinq ans et ne voit rien venir, contrairement à Lynda qui, elle, arrive au bout du tunnel puisqu’elle vient d’être recrutée, dans une autre administration après six années d’attente. Ils sont des centaines de jeunes, dans leur cas, demandeurs de n’importe quel travail, même s’il ne convient pas à leur profil. L’éssentiel est de subvenir à ses besoins, les plus élémentaires. «J’ai honte de demander de l’argent à mes parents pour mes cigarettes alors qu’ils arrivent tout juste à assurer les repas quotidiens de la famille», affirme un ingénieur d’une trentaine d’années, puis d’ajouter : «Alors qu’à mon âge, ce sont mes parents qui devraient attendre quelque chose de ma part, après ce qu’ils ont enduré pour que je fasse des études».Une enquête au niveau des administrations locales renseigne sur ces ingénieurs, ces techniciens et autres, que l’administration a transformés en gratte-papiers malgré eux. Ils sont en passe de régler les problèmes de chaînes, au niveau de l’etat-civil, de la Poste, dans les écoles et partout ailleurs où on a besoin de main-d’œuvre, sans postes budgétaires, une main-d’œuvre à bon marché, en quelque sorte.Tous les jeunes interrogés sont unanimes, et répondent, à l’instar de Smaïl. «C’est ça ou rien. Lorsqu’on est introduit dans les lieux, on a plus de chance d’attirer l’attention et donc de décrocher un poste. Malheureusement, il arrive que d’autres plus «pistonnés» viennent nous doubler». Moins exigeantes que les garçons, les filles, sont avant tout en quête de liberté, bien que le besoin d’argent ne soit pas négligé, pour autant. L’AIG, le filet social sont, pour elles, une sorte de «pied à terre» qui leur permet de sortir de la chape de plomb familiale.Leur présence ne passe pas inaperçue, elles inondent les bureaux, prêtes à exercer toutes les tâches. Quant à l’Agence locale de l’emploi, censée aider ces chômeurs, dépassée, elle voit sa mission réduite à inscrire les demandeurs d’emplois puis à leur délivrer des cartes. Le gros des offres d’emploi est centralisé au niveau de l’agence de Larbaâ Nath Irathen, vu que la plupart des entreprises se trouvent sur son territoire. Ainsi pour l’année 2004, moins de dix personnes, seulement, ont été recrutées, officiellement par l’ALE de Michelet. Une goutte d’eau dans un océan. Pour 2004, on avance le chiffre de 510 inscrits officiellement alors que certains parlent de 1600. On ne comptabilise pas, bien sûr, ceux qui ne s’inscrivent pas, à l’image d’Arezki «je ne sais même pas où se trouve le bureau de main-d’œuvre» et pour cause, c’est l’APC qui loge ce service, dans un minuscule bureau alors qu’il devrait disposer de ses propres locaux. C’est dire toute l’importance qu’on accorde à l’emploi.Lors de notre passage au bureau en question, nous apprenons que la construction de locaux devant servir de bureau de main-d’œuvre est attendue depuis vingt-ans. Le chômage s’est enraciné, dans la région au point où, trouver un emploi est devenu un événement. En parler est déjà une étape pour sa prise en charge car ces bataillons de jeunes oisifs risquent à la longue, de verser dans la drogue, le vol et autres maux sociaux, qui les guettent. Beaucoup de ces jeunes ont les yeux rivés sur les visas «sans retour».Les grandes sociétés privées ou étatiques devraient, de temps à autre lorgner du côté de ces contrées, oubliées de tous, peut-être, mais qui ne recèlent pas moins de potentialités et de compétences que les autres régions. Ne faudrait-il pas réagir avant que la région ne devienne une grande maison de retraite, une région où les enfants naissent, grandissent puis s’en vont ?
Nacer B.
