«Asefssaf, c’est un peu mon confident…»

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L'enfant de Kantidja revient avec un nouvel album, A yasefssaf. Auteur et compositeur, l’artiste a déjà à son actif une douzaine d’albums depuis ses débuts dans les années 80. Dans cet entretien, il se livre à cœur ouvert.

La Dépêche de Kabylie : Tout d’abord, pourquoi Asefssaf ?

Rabah Flissi : C’est un arbre que beaucoup de jeunes ne connaissent pas. C’est le peuplier. Comme le laurier rose, il pousse dans les zones humides. Chez nous, on le trouve généralement dans les oueds. Lorsqu’on se sent un peu désorienté, on s’adresse à lui comme à un confident. En tous les cas, moi, c’est ce que je fais. J’ai perdu tout espoir sur le plan sentimental et c’est à cet arbre que je confie mes chagrins, même si le soulagement est momentané. Par ailleurs, je laisse le soin au public d’interpréter cela comme il l’entend.

Dans votre précédent album Ilmezyène dhaâane, il y a beaucoup de chansons d’amour, pas cette fois-ci…

Dans ce nouvel opus, je me suis en effet plus penché sur le vécu de notre société. Dans la chanson Asugas yelhad yidhes, je traite un peu de l’amour, mais de cet amour nouveau qui naît sur internet ou dans les cybercafés. Je parle aussi des mariages basés sur l’argent. Un phénomène qui s’est un peu trop répandu dans notre société. C’est une façon de tirer la sonnette d’alarme. Dans ‘’Elhou thoura Kectchini’’, j’aborde la déperdition de certaines valeurs comme la gratitude et la reconnaissance. Il est vrai que c’est beaucoup plus philosophique. Ces nouvelles chansons traitent aussi de ‘’Tayri’’, mais dans son sens large.

Dites nous un peu plus sur les autres titres ?

J’y parle aussi de Thismine (La jalousie), un sentiment assez complexe, pas toujours bien compris, surtout en amour. Ma façon de l’avoir abordé est un peu difficile à expliquer, mais il faut bien écouter les paroles pour comprendre. Dans un autre titre, j’ai voulu aussi rendre hommage à nos chouhada. On ne doit pas oublier leurs sacrifices. Le texte de A chahid rebbi ak yarhem est aussi un message aux jeunes. Arwigh sbar et Arayim, ce sont des chansons qui parlent aussi d’amour et de la perception qu’on en a quand on avance en âge.

Vous créez d’abord le texte ou la mélodie ?

Il est vrai que chaque artiste a sa façon de faire. Pour moi, parfois, ce n’est qu’après avoir écrit les paroles que je réfléchis à la musique, puis au refrain et enfin au titre. Mais d’autres fois, ce sont les mélodies qui viennent d’abord et elles m’imposent d’une certaine façon le thème et le texte. Une musique gaie ne sierra jamais à un texte traitant de la tristesse. Lorsqu’on est auteur et compositeur en même temps, on a toute latitude d’aller dans un sens ou l’autre.

Quel moment de la journée vous inspire le plus ?

Je n’ai pas de moments privilégiés pour écrire ou composer. Dès que je sens qu’il y a matière à créer, je prends ma mandoline et je gratte. Même chose pour les textes, les mots viennent sans prévenir, du fond de mes tripes. Je vous avouerai néanmoins que ce nouveau CD m’a pris plus d’une année de travail. C’est le minimum lorsqu’on veut mettre un produit de qualité sur le marché. C’est un contrat moral avec le public. On n’a pas le droit de lui balancer n’importe quoi.

Quels échos vous sont parvenus à propos de cet album ?

Selon mon éditeur, il marche bien. Il est distribué partout en Kabylie et en dehors. Je tiens aussi à vous dire que j’ai fait un clip pour l’une des chansons, il passera bientôt sur les chaînes de la télévision nationale.

D’autres projets en préparation ?

Tant que je serai vivant, il y aura toujours du nouveau. Un artiste est lié à son public qu’il se doit de satisfaire et il toujours en observation attentive de sa société. Il n’a pas le droit de se dérober. Par ailleurs, il y a la scène. Dans deux mois, ce sera le mois de Ramadhan, je prévois de donner quelques galas. Puis ce sera la saison des fêtes, de bons moments à partager avec les familles. En tous les cas, il y a du pain sur la planche.

On vous laisse le soin de conclure…

J’espère que cet album plaira au public, parce que sans lui notre existence n’a pas de sens. J’espère pouvoir, pour un certain temps encore, tenir ma promesse de produire davantage de disques, parce que notre culture a besoin de nous tous, chacun dans son domaine. Dans quelques jours, ce sera le 37e anniversaire du printemps amazigh. Je profite de cette occasion pour exprimer mon hommage à tous les artistes qui nous ont quittés, notamment ces dernières années et souhaiter longue vie à nos aînés.

Entretien réalisé par

Amar Ouramdane

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