DDK : Saïdal s’apprête à produire le Saiflu, un produit pour lutter contre la grippe aviaire qui se propage à un rythme vertigineux. Pouvez-vous nous dire de quoi s’agit-il exactement, quand est prévue son entrée en production et pensez-vous que l’Algérie sera prête en cas de pandémie ? ll Ali Aoun : A l’instar de tous les pays et conformément aux recommandations de l’OMS, l’Algérie a pris ses dispositions pour faire face à ce genre de maladie. A travers le Conseil du gouvernement qui s’est tenu dernièrement autour de cette question, il a été décidé de dégager des fonds de manière à mettre en place des dispositifs dans différents secteurs en prévision d’une éventuelle pandémie. Il s’agit d’assurer la disponibilité de ce produit antiviral en quantité suffisante pour répondre à l’OMS qui a recommandé que chaque pays dispose d’un stock préventif minimum pour couvrir 25% de la population. C’est dans cette optique d’ailleurs que Saidal a signé un contrat avec un groupe indien, qui lui a octroyé la licence par le laboratoire suisse Hoffmann-La Roche, détenteur du brevet aussi bien en matière première qu’en produit fini. Ce contrat comporte deux points, il s’agit premièrement du transfert de savoir faire pour la fabrication de ce médicament, ce qui constituera le dossier technique qui va nous permettre d’enregistrer le produit au niveau du ministère de la Santé. Quant au deuxième point, à travers ce contrat, notre partenaire va nous fournir de l’Oseltamivir, un principe actif qui nous permettra de fabriquer le Saiflu dans les différentes usines de Saidal. Le Saiflu est un antiviral tout comme le Tamiflu, c’est seulement le nom qui change. Nous lui avons donné cette appellation pour que cela soit personnalisé en tant que produit de Saidal. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas là d’un projet mais d’un produit que nous allons produire pour répondre à une circonstance bien précise. Le contrat que nous avons signé avec notre partenaire indien stipule que pour l’année 2006, Saidal pourra fabriquer jusqu’à 6 millions de boîtes, dont chacune contiendra 10 gélules. La boîte sera proposée pour l’équivalent de 15 euros. Ce prix fixé par Saidal sera très compétitif de point de vue du marché et de la production. A titre d’exemple, je vous cite le cas de la France où la boîte de Tamiflu est vendue à 34 euros. A mon sens, dans de pareils cas la santé des citoyens n’a pas de prix. Pensez-vous que cette quantité suffira en cas de pandémie ? ll En réalité, notre intervention vient pour renforcer la démarche du ministère de la Santé qui a déjà lancé son programme d’importation, puisque une quantité de Tamiflu est d’ores et déjà arrivée en 2005 et un autre lot sera importé au courant du mois d’avril. Cela va permettre à notre pays d’avoir deux sources d’approvisionnements qui vont lui permettre d’être prêt au rendez-vous en cas de pandémie. Je pense que l’Algérie, et c’est sûr, est en train de prendre les devants avec un stock alimenté par les produits importés et avec ce que Saidal va produire. A mon avis, l’Algérie va disposer d’un stock de sécurité qui dépassera de loin les 25 % recommandés par l’OMS. Au niveau de Saidal, l’équipe mobilisée a commencé de fabriquer le lot qui va nous permettre de déposer le dossier avec un échantillon au niveau du ministère de la Santé pour avoir l’AMM. Nous l’avons d’ailleurs déposé aujourd’hui (mercredi dernier NDLR) et je pense qu’il n’ y aura aucun problème puisque l’entreprise est productive et nous comptons lancer la première quantité dans les semaines à venir et si l’opération marche bien nous continuerons le programme tracé pour 2006. Il faut aller très vite pour avoir ce stock de sécurité car il est indispensable et nécessaire surtout quand on sait que ce produit, même en cas de non-pandémie, peut être conservé durant 5 ans et il est valable pour des utilisations autres que la grippe aviaire. C’est un médicament qui existe déjà, il a été initialement fabriqué pour le traitement des grippes ordinaires. Les spécialistes se sont aperçus que ce médicament antiviral a des propriétés qui bloquent l’évolution du virus H5N1 qui est à l’origine de la grippe aviaire, mais à condition, j’insiste de le dire, qu’il soit utilisé dans les 48 heure qui suivent l’apparution des premiers signes de la grippe aviaire. Concernant le projet d’insuline, vous avez déjà déclaré que 5 millions de flacons seront produits à partir du mois de juin. Où en êtes -vous avec ce projet et quand sera disponible une injection pour une année ? Peut-on savoir également si Saidal compte produire des médicaments pour les cancéreux qui souffrent de la pénurie des médicaments ? ll Je tiens d’abord à préciser qu’il ne s’agit pas d’un projet mais d’une usine qui fonctionne et qui est en train de tourner. Nous avons eu le plaisir de recevoir le ministre de la Santé la semaine passée à l’usine d’insuline de Constantine. Actuellement nous nous préparons pour avoir l’autorisation de mise sur le marché pour le 11 avril avec des prix très intéressants. Nous allons commencer avec les produits classiques puis, tout comme les autres produits, Saidal suivra l’évolution de ce produit. Tout est faisable, pour peu qu’on ait le temps et surtout les moyens financiers. Je tiens à vous rassurer qu’il est inscrit dans notre programme d’action de passer, dans l’avenir, à d’autres produits tels que le stylo et la cartouche.En ce qui concerne le créneau oncologique, Saidal n’a pas abordé cette question mais nous pensons que dans l’usine d’insuline nous avons des capacités excédentaires et des installations nécessaires pour fabriquer un ou deux produits pour le traitement de cancer sous forme injectable. Nous sommes en train de réfléchir sur cette question. Pour ce qui est de la pénurie, je pense que le problème réside peut-être dans la planification des importations de médicaments qui sont en réalité destinés aux hôpitaux. Le transfert de l’usine d’insuline de Oued Aissi vers Constantine a soulevé un véritable tollé à plusieurs niveaux. Quel est votre commentaire ? ll Merci pour cette question car vous me donnez, une fois de plus, l’occasion d’apporter certaines précisions. L’usine d’insuline n’a jamais été délocalisée de Oued Aïssi vers Constantine par Saidal pour la seule et simple raison que la société mixte qui s’appelle Alaft qui avait à charge de réaliser cette usine dans cette région détenait les 80%. Nous, en tant que Saidal, ne possédons que 10%, ce qui fait que Saidal n’avait aucun pouvoir d’influer sur l’accélération de la réalisation de ce produit. C’est ainsi qu’en 2003, et après avoir fait le constat amer quant au louvoiement de ce laboratoire pour réaliser ce projet, nous avons pris la décision de réaliser l’insuline par Saidal et dans les infrastructures de Saidal. Le seul endroit où on pouvait le faire et où on avait un local disponible, c’était Constantine. Pourquoi ? Pour gagner du temps pour la réalisation et le temps nous a donné raison car nous avons pu réaliser le projet en l’espace de 14 mois et avec seulement 13 millions d’euros, alors qu’initialement il était prévu à 45 millions de dollars. J’aurai vraiment aimé qu’on le fasse à Oued Aissi, c’était un de mes souhaits. Mais vous voyez actuellement ce partenaire qui est leader mondial de l’insuline, et là aussi le temps nous a également donné raison au niveau de Saidal, il n’avait jamais eu l’intention de produire l’insuline puisque l’unité qu’il réalise à Oued Aissi c’est pour produire les formes sèches destinées aux diabétiques et non l’insuline. Nous avons, donc, bien fait d’aller plus vite et de prendre cette décision dans l’intérêt du malade algérien et de l’économie nationale. Maintenant, s’il y des opportunités pour réaliser un projet en Kabylie, je n’hésiterai pas un moment pour le faire. Pour moi, la région est l’Algérie, il n’y a pas de raison qu’on ne fasse pas quelque chose un jour là-bas. Les résultats enregistrés durant l’exercice 2004 font de votre entreprise le leader sur le marché des médicaments et également un pôle d’attraction scientifique. Quel serait le secret de votre réussite ? ll Saidal a toujours œuvré et essayé de marier et concilier la politique de la santé publique et la rentabilité. C’est pour cette raison que Saidal a réussi parce qu’elle est très proche des malades et des citoyens de manière générale. Les gents nous font confiance, nous avons quand même 42% des parts du marché en face de 85 importateurs, une chose qui n’est pas facile ni négligeable. Et vous voyez la qualité des produits fabriqués par le groupe Saidal qui nous permet d’aller d’année en année de réaliser des résultats qui sont très intéressants et de mettre sur le marché de nouveaux médicaments. Et tant qu’on a les moyens, nous le ferons. Pour l’année 2005, quoique le bilan est provisoire, nous avons réalisé un chiffre d’affaire, de 6.7 milliards de Dinars avec une commercialisation de 130 millions d’unités, soit une évolution de 3% par apport à 2004. Le volume des exportations est de l’ordre de 100 millions de dinars. Notre stratégie est établie depuis 2003, elle est axé sur trois points à savoir la mise à niveau permanant des équipements, le renforcement de nos exportations car actuellement nous sommes présents dans six pays, nous exportons les produits finis en Afrique et la matière première que nous fabriquons à Médéa vers Italie et le Mexique, et enfin le développement de la ressource humaine de telle manière que l’avancée technologique soit prise en charge. Notre ambition est de réaliser un chiffre d’affaires de 10 milliards de DA à l’horizon 2010-2011 et aller vers la spécialisation dans des créneaux bien définsi. Ce que je peux vous dire également c’est que Saidal a réussi grâce aux partenariats qu’elle a réalisés. Nous sommes les seuls après le secteur des hydrocarbures à avoir réussi à établir un véritable partenariat. L’Algérie a paraphé l’accord d’association avec l’UE et s’apprête à adhérer à l’OMC. Vous en tant qu’opérateur national, n’appréhendez-vous pas une concurrence déloyale avec la libéralisation du marché des médicaments ? ll Bien au contraire, je pense que le marché va se réguler de lui même car je vois mal un importateur ramener des produits qui ne se vendent pas, donc il va tenir compte de la structuration du marché et de la concurrence. J’ai toujours dit qu’il faut importer utile et à mon avis, l’ouverture du marché est une bonne chose, seulement le professionnalisme va primer et les choses vont se décanter. Quoi qu’on en pense, ne tiendront le coup que les laboratoires qui sont professionnels et Saidal est bien placée pour faire face à la concurrence déloyale qui existe au niveau des pratiques promotionnelles telles que les mesures d’accompagnement et la publicité, interdites par notre réglementation. Le marché mondial est estimé à 600 milliards de dollars, quelle serait votre part ?ll C’est insignifiant. La production mondiale est détenue par les pays du Nord à 90%, l’Afrique ne représente que 0.5 % et pourtant les pandémies les plus graves sont enregistrés dans ce continent. Il est nécessaire de renverser les tendances de façon à avoir une politique de santé internationale et juste. Saidal est le leader sur le plan local et régional, nous sommes des génériqueurs importants dans le monde. Je l’ai déjà dit nous sommes présents dans plusieurs pays. Dans le cadre du SAIP, vous avez revendiqué la révision du prix de référence, avez-vous eu gain de cause ? Et peut-on connaître les raisons ayant généré la flambée des prix du médicament ?.ll En effet, des efforts ont été dégagés dans ce sens par le ministère du Travail. Avec le dispositif mis en place, c’est la moyenne entre le prix le plus bas et le plus haut qui est prise comme prix de référence pour les médicaments remboursables. Saidal a souhaité que ce dernier soit aligné sur le prix le plus bas des médicaments de telle manière à encourager la production du générique algérien et à protéger surtout les pouvoirs de la CNAS. Pour ce qui est de la cherté des médicaments, les produits de Saidal ne sont pas concernés à part quelques produits dont on n’a pas pu maintenir le prix parce que la matière première évolue.
Entretien réalisé par Wassila Ould Hamouda
