«Il y a un grand déficit de conseillers»

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Dans cet entretien, le directeur du centre d’orientation scolaire et professionnelle (COSP) évoque les missions du centre et des conseillers, notamment dans l’orientation scolaire. M. Benali revient aussi sur les résultats scolaires dans la wilaya qu’il qualifie de très moyens.

La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous nous présenter le centre d’orientation scolaire et professionnelle et ses missions?

M. Mohand Arab Benali : Le COSP est un service qui dépend de la direction de l’éducation. Il est géré administrativement par la DE et techniquement par le ministère de l’éducation nationale. Ces missions sont bien déterminées : il assure le suivi des conseillers qui sont répartis à travers les lycées qui sont au nombre de 56. On a 125 établissements du moyen qui ne disposent pas tous de conseillers. Sur ces 125, nous disposons de 13 conseillers d’orientation. Ce n’est pas beaucoup mais cela ne veut pas dire que ces CEM ne sont pas pris en charge. Nos conseillers au niveau des lycées travaillent aussi au niveau des CEM. Le COSP assure des formations à ses conseillers parce que la formation est obligatoire. Les conseillers qui sont des licenciés en psychologie assurent le suivi psychologique des élèves et celui des résultats scolaires. Le centre organise des journées d’études et travaillent en étroite collaboration avec la formation professionnelle. Cela demande des moyens dont nous ne disposons pas actuellement. Le centre élabore des études sur la vie dans le milieu scolaire et fait des propositions pour améliorer les conditions de scolarisation et d’enseignement. Le but étant d’améliorer les résultats scolaires. Le COSP fait aussi des diagnostics pour cerner les lacunes et faire des propositions pour y remédier surtout sur le plan des résultats scolaires. Notre rôle est aussi le suivi psychologique des élèves et la détection des élèves exprimant le besoin d’être pris en charge dans le cadre des cours d’adaptation et le diagnostic des élèves malades et leur orientation vers des centres spécialisés. Nous travaillons également avec les associations de parents d’élèves dans l’orientation de leurs enfants. L’orientation est importante car un élève bien orienté est synonyme de réussite scolaire. On fait le diagnostic de résultats scolaires (trimestrielle, annuelles et des épreuves officielles) pour permettre à la DE de faire le suivi. C’est ce qu’on a fait récemment. D’ailleurs, une armada d’inspecteurs a été dépêchée dans les établissements pour tenter de remédier aux lacunes. Car des lacunes il y en a et des résultats médiocres aussi on en a trouvé beaucoup.

C’est quoi la tâche du conseiller d’orientation plus précisément ?

Le conseiller a des tâches bien précises. D’abord il assure un travail de communication et d’information. Cela est très important car c’est à travers la communication qu’on peut résoudre les problèmes et faire évoluer les choses. Le conseiller a sous sa responsabilité un lycée et deux CEM. Il y assure une tâche d’information auprès des élèves et plus particulièrement le volet orientation. Il assure des entretiens avec les élèves pour mieux décider de leur future orientation. Le conseiller participe aussi à la vie scolaire et prend part aux conseils de classes et donne son avis et ses orientations et propositions. Il a un mot à dire. Sur le plan de l’orientation, il élabore des fiches de synthèse sur chaque élève sur le plan personnel et sur le plan des résultats. C’est un travail qu’il assume durant toute l’année suivant un programme annuel. Vous savez, si on arrive à avoir un conseiller dans chaque établissement scolaire, on pourra améliorer significativement les résultats scolaires. Enfin le conseiller élabore des études et analyse les résultats en coordination avec les enseignants et les parents d’élèves pour mieux cerner les lacunes et tenter d’y remédier.

À la lumière du travail des conseils de classes, quelles sont les tendances en termes d’orientations des élèves ?

Vous savez, la majorité des enfants s’orientent vers les sciences expérimentales. En quatrième année moyenne par exemple, la majorité des vœux des élèves concernent la branche scientifique. Même au niveau du lycée en 1ère et 2ème année, il y a une tendance vers l’orientation en filière scientifique. Mais là il y a un problème car tous les élèves n’ont pas les mêmes capacités. On a des filières très importantes comme les techniques mathématiques. À Bouira, on constate que le nombre d’élèves qui s’orientent vers cette filière est réduit. On se retrouve parfois avec des classes de 10, voire de 4 à 5 élèves. Dans d’autres wilayas, le problème ne se pose pas et on retrouve dans cette filière des classes de 30 élèves. Les élèves n’ont pas souvent une idée sur l’importance de l’enseignement technique et de ses débouchées. Il arrive que les lauréats du Bac dans la filière scientifique soient orientés vers les filières technologiques à l’université. Beaucoup trouvent des difficultés à avancer dans leur cursus. Et s’ils avaient opté en revanche pour un enseignement technique au lycée, ils n’auraient pas eu toutes ces difficultés une fois à l’université. D’où l’indispensable travail d’information à l’endroit des parents. En fait, les filières se valent toutes et il faut toujours prendre en compte les capacités de l’élève avant toute orientation. Si on arrive à orienter chacun suivant ses capacités, on aura réussi le travail.

La normale c’est un conseiller d’orientation dans chaque établissement scolaire. Qu’en est-il à Bouira ?

Normalement oui, mais ce n’est pas le cas. En principe, même dans le primaire il doit y avoir un conseiller d’orientation dans chaque établissement. Actuellement, chaque conseiller a à sa charge un lycée et deux CEM et les primaires qui y sont rattachés. C’est un peu trop pour un seul conseiller. Si on arrive à avoir un conseiller dans chacun des 125 CEM, celui-ci pourra éventuellement prendre en charge les primaires. Mais le nombre de conseillers reste insuffisant. Le recrutement à raison de sept conseillers chaque année est aussi insuffisant. Aussi, je noterai qu’on ne dispose pas d’assez de moyens pour un bon fonctionnement. On reçoit une subvention de la wilaya mais elle demeure insuffisante. Dans d’autres wilayas, la subvention est importante. Pour faire fonctionner une structure comme le COSP, il faut des moyens. Figurez-vous que le centre ne dispose même pas d’Internet et on est obligés de travailler avec nos propres moyens. Le véhicule de service acheté avec les moyens du COSP est utilisé par la direction de l’éducation. Pour le déplacement à travers la wilaya, je recours à mes propres moyens. Il y a des lacunes et il faudrait les combler si l’on veut atteindre nos objectifs et missions. Pendant trois ans, on n’a pas eu droit à une subvention des pouvoirs publics et en 2016, on nous a attribué 50 millions de centimes. Sachez que même au niveau des établissements, nos conseillers rencontrent des problèmes. Certains ne disposent pas de bureaux et ceux qui en disposent manquent d’équipements, notamment informatiques.

Sur le plan pédagogique, vous avez récemment pris part aux rencontres sur l’évaluation des résultats scolaires du 1er trimestre. En tant que COSP, quel est votre constat ?

D’abord en termes de résultats, le classement de la wilaya n’est pas satisfaisant et ceci bien que la wilaya dispose d’énormément de moyens. On a constaté qu’il y a des lacunes notamment dans certaines matières comme les maths, la physique et la philosophie. On a donné un aperçu global au DE qui a pris des mesures immédiates pour y remédier. D’ailleurs, des inspecteurs se sont rendus dans les établissements pour mieux diagnostiquer les problèmes et surtout suivre le travail des enseignants. Vous savez, on a constaté qu’il y a des inspecteurs qui n’ont pas assuré de visites pendant une longue durée. Dans certains établissements, le nombre d’élèves par classe est réduit mais les résultats sont médiocres. En fait, on a relevé beaucoup d’anomalies notamment dans la gestion. Il y a aussi un déficit en formation des enseignants. Les labos dédiés à l’informatique ne sont pas souvent utilisés. En résumé, il faudrait revoir pas mal de choses et tenter de se rattraper au troisième trimestre.

Sinon, est-ce que vous avez enregistré une amélioration des résultants au cours du deuxième trimestre comparativement au premier ?

On aura à faire une évaluation des résultats dans les prochains jours et je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y a une amélioration des résultats dans certains établissements et régression dans d’autres. Mais d’une manière générale, les résultats restent très moyens et il y a encore beaucoup de travail à faire. Par exemple, en 3ème année moyenne, on a 67 % des élèves qui ont obtenu la moyenne et c’est très peu.

Comment le COSP peut-il contribuer à améliorer la situation ?

On intervient au niveau des établissements par le biais des conseillers d’orientation pour essayer de trouver les lacunes et ensuite en discuter avec les élèves pour mieux cerner les difficultés à travers des entretiens individuelles et des séances d’information. On fait aussi des propositions de remédiation. On est là pour diagnostiquer et faire des propositions. Chaque conseiller le fait avec les responsables de l’établissement et nous à notre niveau, nous le faisons avec la direction de l’éducation.

Un dernier mot ?

Je profite de cette occasion pour lancer un appel aux autorités locales pour prendre en charge les besoins du centre. Car sans les moyens, le COSP ne pourrait pas assurer correctement ses missions.

Entretien réalisé par Djamel Moulla.

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