«Mon âme se nourrit de la pureté des montagnes»

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La Dépêche de Kabylie : Vous venez de mettre sur le marché votre deuxième album dont le style choisi est des plus difficiles à chanter. Qu’est-ce qui vous a motivé à opter pour ce genre de chant ?Chérif Douzane : vous savez, je n’ai rien choisi. C’est plutôt l’environnement où j’ai grandi qui me sert de source d’inspiration. Cet environnement montagneux, marqué par la rudesse de vivre, m’a guidé à choisir ce genre de style. Vous vous rendez compte qu’en grandissant sur les belles montagnes de Kabylie, je ne peux qu’être influencé par tout ce qui marque la vie quotidienne des gens. Il y a aussi cette résonance des grands chanteurs kabyles que mon père écoutait quand j’étais enfant. Il s’agit de Matoub, Aït Menguellet, Slimane Azem, Takfarinas… c’est comme un centre d’inspiration où mon âme s’est nourrie par la pureté du milieu mais aussi de la rigueur de la vie. Il y a des moments où je me sens imprégné d’une sorte de communion et de complicité avec les montagnes sur lesquelles nous sommes perchés. Et pour tout vous dire, rien ne peut être de succès sans la volonté d’aller loin dans nos projets. Certes, avoir un don dans n’importe quel art est la base de tout travail réussi, mais cela nécessite également amour, action et volonté pour pouvoir partir aussi loin que nos yeux et atteindre l’horizon recherché. Par moment, je veille tard dans la nuit pour revoir mes poèmes, j’ai connu des nuits blanches pour perfectionner mes textes. Je dois avouer, par ailleurs, que grâce à l’aide de mon frère, j’ai réussi à finaliser des textes qui m’étaient un peu compliqué, car il m’est important de demander conseil à quelqu’un de plus expérimenté dans la vie sociale, donc je n’hésitais jamais à solliciter l’aide de mon frangin Rabah pour les paroles. Les textes que je chante reflètent la vie quotidienne des paisibles gens et à mon sens le Chaâbi est le style le mieux adapté.

Eu égard à votre âge qui, il faut le dire, colle difficilement avec votre talent d’artiste, d’aucuns sentent que les thèmes qui dominent votre produit relèvent du social mais aussi du politique. Pourquoi avez-vous opté pour ces deux sujets ? D’où avez-vous l’aptitude à rehausser le style musical et les paroles utilisées ?ll Je suis très jeune, certes, mais je pense que j’ai acquis une certaine expérience qu’il me reste toutefois à développer. J’ai commencé à jouer de la musique alors que je n’avais que 5 ans. Il faut vraiment être chanceux pour avoir un frère comme Rabah, qui m’a offert à cet âge-là une très belle guitare. Deux ans après, j’ai eu droit à une superbe mandole. Depuis, je ne lâche jamais ces instruments, sauf en cas de deuil au village. C’est comme ma dose quotidienne d’oxygène, si je ne joue pas un seul jour, je sens comme une sensation d’étouffement. Et c’est ainsi que j’ai réussi à sortir mon premier album alors que j’étais collégien en 8e année. Je n’avais que 15 ans et d’ailleurs votre journal en a fait l’écho. En ce qui concerne mon choix pour le style, c’est plutôt à cause de la fascination que je porte au Chaâbi et aux grands maîtres de cet art. Cela m’a mené à suivre des cours de ce genre de musique notamment à la Maison de jeunes de Fréha. Mon unique devise est le travail, rien que le travail. Il est vrai que je partage mon emploi de temps entre la musique et les études, cela ne m’empêche absolument pas de faire la part des choses et de veiller tard pour réviser ou pour m’adonner à ma passion. Je voudrais bien vous raconter une anecdote : quand j’ai composé la chanson Txilwat (s’il vous plaît) qui traite de quatre sujets différents, je me suis rendu compte que j’étais lâché par ma muse. Lors d’une belle nuit étoilée, aux environs de 3 heures du matin, mon inspiratrice fictive, bien sûr (sourire), est revenue, alors je me suis levé précipitamment et j’ai réveillé mon frère pour finaliser le dernier couplet de cette chanson. Cela restera gravé dans mon esprit durant toute ma vie. (*) Takfarinas a été pour quelque chose dans la réussite de votre produit. Parlez-nous de la contribution de cet artiste dans la réussite de votre second album ?ll Ma rencontre avec Takfarinas ressemble à un conte de fée. Je revis sa première visite surprise chez moi, comme un éternel rêve. Je suis resté coi devant lui pendant près d’une demi-heure. Ses paroles, ses conseils et l’attention qu’il porte à mon égard, depuis cette première rencontre, m’ont convaincu que je suis sur la bonne voie, que tout ce que je fais a de la valeur, même si je reste persuadé que beaucoup de travail m’attend encore dans le domaine artistique. Je lui ai offert la maquette de mon produit qu’il a bien écouté et apprécié avant qu’il ne me contacte pour me guider vers la réussite. Ça m’a permis d’arranger au mieux cet album qui est, malheureusement, introuvable sur le marché à cause du manque d’intérêt de mon éditeur. Celui-ci a bafoué les termes du contrat qui me lient à lui. Si un grand artiste de la stature de Takfarinas m’a donné des ailes et m’a permis de croire davantage en mon travail, les agissements de mon éditeur renseignent sur l’incrédulité des gens qui n’ont rien à voir avec l’art mais qui n’hésitent pas à se faire des fortunes sur le dos des artistes. C’est navrant et scandaleux à la fois.

Avez-vous un message à faire passer aux auditeurs et aux lecteurs ?ll Permettez-moi d’abord de m’adresser aux éditeurs pour leur dire qu’ils doivent s’intéresser aux nouveaux chanteurs comme ils le font avec l’argent. Combien de talents ont fait les frais du manque de professionnalisme de ce genre d’éditeur. Les grands artistes ayant réussi à se faire un nom n’ont plus besoin de confirmation contrairement à nous, les nouveaux, appelés à assurer la relève. Quant à mon message aux auditeurs et aux lecteurs, je leur dirais qu’il est nécessaire d’écouter nos produits qui sont de la pure création artistique. Permettez-moi également de remercier, via votre journal, tous ceux qui m’ont aidé et apporté avec leurs touches quelque chose de sublime à mon produit.

Entretien réalisé par M.A.Temmar

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