Le développement n'est durable que s'il est conçu et mis en œuvre par les citoyens et pour les citoyens au niveau local, sur le territoire de leur résidence. Cette approche dite «territoriale» du développement, conçue de bas en haut, repose sur une participation citoyenne.
Par Mohand Amokrane Cherifi
Une telle démarche s’inscrit dans le changement intégral du système de gouvernance, avec un transfert du pouvoir central aux collectivités territoriales devant se traduire par un transfert des ressources au niveau local et une gestion autonome de ces ressources avec un contrôle à posteriori. Ceci implique une décentralisation effective, à la fois administrative et financière, donnant une large autonomie aux autorités locales, tout en associant les populations à l’affectation des ressources et au choix des projets. Une réforme fiscale s’imposera pour doter les collectivités locales d’une autonomie financière. En vérité, pour parvenir à ce stade, il faudrait refonder l’Etat sur de nouvelles bases. A commencer par une nouvelle Constitution qui doit être élaborée et adoptée par les citoyens, pour consacrer l’Etat de droit et la démocratie et qui devra inscrire dans son préambule la décentralisation et la subsidiarité permettant de guider l’édification des nouvelles institutions. Car il faut bien se rendre à l’évidence, l’habillage démocratique actuel du système politique ne peut faire illusion durablement. Cela étant, cette approche territoriale du développement s’appuie sur un raisonnement simple. Dans un pays aussi vaste que l’Algérie, il est inconcevable de décider à partir de la capitale le développement d’un territoire de 2,38 millions de kilomètres carrés comportant des territoires différents sur le plan du relief, du climat et des potentialités plus ou moins mises en valeur et des populations plus ou moins urbanisées. Cette approche implique le transfert du pouvoir économique, social, culturel et environnemental des fonctionnaires des différentes administrations centrales, qui monopolisent les décisions et les ressources, vers les citoyens et leurs représentants au niveau local. Cette approche se fonde sur un certain nombre de facteurs : le développement de bas en haut, la participation des citoyens, la décentralisation, l’autonomie locale, le principe de subsidiarité. C’est une évidence que c’est à l’échelle du territoire que les problèmes de développement durable sont perçus, et c’est là sans doute également qu’ils peuvent trouver des solutions à la fois équitables et démocratiques. A ce niveau, il est communément admis que les responsabilités sont plus faciles à établir, les actions plus commodes à contrôler et les interdépendances entre acteurs plus aisées à prendre en compte. Sur le plan méthodologique, en prenant comme référence les objectifs du développement durable adoptés par la communauté internationale (voir annexe I), c’est au niveau de la base que doit être conçu et mis en œuvre le développement des territoires. En d’autres termes, la définition des besoins prioritaires, le choix des projets pour satisfaire ces besoins, l’affectation des ressources devront se faire en consultation avec les citoyens et/ou leurs représentants dans les assemblés élues, les comités de quartier et de village et les associations, dans un cadre démocratique et transparent. Un compte rendu d’exécution des programmes et projets doit également faire l’objet d’une présentation devant les citoyens. La mise en œuvre de cette approche s’appuiera sur le capital humain de la région, les partenariats économiques, publics/privés, nationaux et étrangers, la coopération décentralisée et la mobilisation des ressources (apport de l’émigration, IDE pour l’exportation). Cette approche décentralisée du développement vise à restituer le pouvoir économique aux citoyens, en leur conférant le pouvoir de disposer de leurs ressources et de leur affectation, de choisir, d’évaluer et de contrôler les programmes dans la transparence. C’est un exercice qui permettra de renforcer la démocratie locale par le débat qu’elle implique et le consensus qu’elle vise à construire pour le bien de tous les habitants du territoire.
M.A.C.
Expert onusien