L’ANBT se mouille

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Plusieurs villages des daïras de Bechloul et de Bouira, à l’image de la Crête-Rouge, El-Esnam, Thamer et Bechloul, ont reçu, avant-hier, la visite d’une caravane de sensibilisation pour interdire la baignade dans les eaux du barrage de Tilesdit.

Ainsi, Mme Sabrina Smaili, chargée de la communication auprès de l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT), était avant-hier en tournée à travers la daïra de Bechloul et de Bouira pour conduire une caravane de sensibilisation sur les dangers de la baignade sur ce plan d’eau, au profit des citoyens riverains du barrage de Tilesdit. Barrage d’une capacité de stockage de 167 millions de mètres cubes (m3). Prévu initialement à 9h00, le départ de cette caravane n’a eu lieu finalement que vers 11h en direction d’une crique située à proximité, non loin de l’administration du barrage. La caravane composée de cinq véhicules a entamé sa patrouille en accostant sur le site, mais vu l’heure et la chaleur (42°), aucun quidam aux abords des berges. Nonobstant ce constat, les animateurs de l’ANBT ont opté pour une campagne de proximité, en commençant par sensibiliser les habitants du village la Crête-Rouge. En distribuant les prospectus et en affichant les posters, les consignes envers la population étaient de ne pas s’approcher des rives du barrage pour s’y baigner : «L’eau est source de vie et ne devrait pas se transformer en piège mortel, même si la chaleur incite à se rafraîchir dans ces eaux fraîches», argumenteront les agents de l’ANBT. C’est justement le risque de choc thermique qui a été mis en avant par la chargée de communication de l’ANBT, qui estime que le corps humain s’engourdit rapidement au contact de l’eau froide comparativement à la température corporelle. Ce qui engendre de ce fait des crampes et des résultats irréversibles sur l’aptitude des nageurs, même ceux se qualifiant de «professionnels». Des supers nageurs, à l’image d’un jeune rencontré devant un café de la localité de la Crête-Rouge qui affirme nager à l’aise régulièrement et ce sans ressentir aucune gêne : «Il m’arrive souvent de piquer une tête dans les eaux fraîches du barrage avec des amis, surtout en ces périodes de grandes chaleurs. Nous n’avons que cette option pour bénéficier d’un peu de fraîcheur par ces temps caniculaires», dira-t-il à Mme Smaili. Cette dernière tentera de le convaincre par un discours des plus terre à terre, en mettant en avant des arguments des plus logiques mais peine perdue; le jeune avait son idée fixe et surtout la chance jusque-là de ne pas avoir été happé par les flots et la vase du barrage.

Opération en continu jusqu’au mois de septembre

Cette caravane a démarré le dimanche 30 juillet et se poursuivra jusqu’à la fin août, pour une pause durant la fête de l’Aïd El Adha. Elle doit reprendre au lendemain de cette fête pour s’achever à la fin du mois de septembre, après avoir sillonné les régions du Sud du pays. «Nous sommes actuellement à la deuxième semaine de cette caravane après la première semaine passée au niveau de la wilaya de Boumerdès en ayant parcouru les villages avoisinant d’El Hamiz, Keddara et Béni Amrane. Les villages à proximité du barrage de Taksebt, à Tizi-Ouzou, ont été également sillonnés», révèle la chargée de communication de l’ANBT qui souligne que jeudi dernier, c’était au tour de la wilaya de Bouira où ont été ciblées les populations riveraines des barrages de Koudiet Acerdoune et de Oued Lek’hal avec les villages de Maâlla, Zbarbar et une partie de Guerrouma. «Aujourd’hui, nous sommes au barrage de Tilesdit, un barrage où l’on a noté malheureusement plusieurs cas de noyades. Pour les statistiques, on a enregistré au cours des cinq dernières années, 115 cas de noyades et rien que pour le premier semestre de l’année en cours, 19 personnes sont décédées par noyade suite aux baignades dans ces barrages. La caravane est une autre façon de renforcer la sensibilisation. Parmi les actions lancées, il y a aussi les patrouilles mixtes à bord de barques motorisées avec la direction générale de la Protection civile et des agents de l’ANBT, qui sont régulièrement effectuées au niveau des barrages. La première opération a été lancée le 17 juillet dernier au niveau du barrage de Béni Haroun dans la wilaya de Mila, la deuxième opération a eu lieu au barrage de Sidi Yakoub dans la wilaya de Chlef. Des actions largement médiatisées qui sont effectuées au niveau des barrages pour renforcer cette campagne de prévention. Toutes les localités avoisinantes des barrages recevront la visite de la caravane du Centre du pays, de l’Est, de l’Ouest et du Sud», déclare Mme Smaili. Interrogée par la Dépêche de Kabylie sur le lancement tardif de cette caravane de sensibilisation qui a débuté que le 30 juillet dernier, Mme Smaili avouera : «C’est vrai à chaque fois, on fait de notre mieux pour mener à bien la campagne de sensibilisation qui a été lancée cette saison pour la 3ème année consécutive en date du 20 mai 2017. Etant donné que l’on a continué à enregistrer des noyades, nous avons pris conscience que cela n’avait pas été assez médiatisé et nous avons pensé à renforcer la campagne médiatique avec l’aide de tous les médias. Une aide précieuse qui n’a, cependant, pas empêché le nombre de noyades de s’accroître. Nous avons pris conscience que la population n’a pas été assez touchée par cette campagne et nous avons décidé de la renforcer par cette caravane qui va se rapprocher des populations ciblées, à savoir celles riveraines, aux différents barrages. Un travail de proximité à l’endroit de ceux qui n’ont, hélas, pas assez été informés. Cette décision a été prise tardivement mais il vaut mieux tard que jamais». À propos des trois noyades enregistrées dernièrement à travers la wilaya de Bouira dans différentes retenus collinaires et autres plans d’eau, la chargée de communication de l’ANBT déclarera : «Notre devoir est de sensibiliser les citoyens, en majorité les jeunes et les adolescents victimes des noyades. Lorsqu’on s’adresse à ces gens-là on les sensibilise sur les dangers des noyades non seulement dans les barrages mais partout où existent des plans d’eau. Même s’il s’agit d’un petit plan d’eau qui se trouve à côté de chez eux, car ces mares sont pleines de boue et s’aventurer à l’intérieur est un grand danger car le corps humain s’enlise rapidement dans ce cas. La direction générale de la Protection civile, par contre, dispose d’un bilan complet sur le nombre de noyades enregistrées dans ces plans d’eau. À notre niveau, nous disposons uniquement des statistiques concernant les noyades dans les barrages».

Des barrages qui ne peuvent servir de piscines !

«On s’adresse essentiellement à une catégorie de personnes susceptibles de se rendre dans les barrages, notamment les adolescents, les jeunes et ils nous arrivent d’enregistrer des noyades de trentenaires et plus. Ce sont des gens qui se disent nageurs confirmés qui ont l’habitude de nager dans ces eaux et qui finissent, malheureusement, par se noyer. Le problème n’est pas le fait de savoir nager. La baignade dans les barrages est catégoriquement interdite par l’Agence nationale des barrages et des transferts. Lors de la réalisation d’un barrage, l’objectif est d’alimenter des citoyens en eau potable et de desservir les agriculteurs en eau d’irrigation. En aucun cas ces barrages ont été créés pour servir de piscines ! Ce ne sont pas des retenues d’eau destinées à la baignade, et il est interdit d’y nager. Les gens disent qu’ils savent nager et qu’ils ont l’habitude alors que réellement, la température du corps humain comparativement à celle de l’eau des barrages est relativement glacée. Une fois le corps humain en contact avec cette eau, il s’ensuit un choc thermique qui cause des crampes au niveau des muscles et paralyse la personne qui veut nager qui finira par se noyer. Parfois, rien qu’au premier contact avec l’eau froide, le choc thermique peut provoquer un arrêt cardiaque», indique Mme Smaili qui déplore le fait que ces jeunes n’ont pas conscience du degré du danger qu’ils encourent. Ainsi, c’est dans cette optique qu’au niveau de l’ANBT il a été formellement interdit les baignades dans les eaux des barrages. «On a rencontré des cas à Bouira, notamment à Zbarbar et Maâlla, à proximité de Koudiet Acerdoune, des jeunes qui nous ont dit pourquoi vous ne faites pas en sorte que la Protection civile soit sur place pour faire des gardes et protéger les citoyens voulant se baigner. Nous leurs avons dit que si la baignade était autorisée, les éléments de la Protection civile seraient sur place, mais ce n’est pas le cas», révèle la chargée de communication de l’ANBT. Pour leurs parts, plusieurs enfants rencontrés dans les villages sillonnés ont avoué s’aventurer sur les rives du barrage, mais toujours à l’insu de leurs parents. «Non, mes parents ne savent pas, ils refusent catégoriquement que nous allions nager au barrage, mais nous y venons parfois en cachette. À la maison comme à l’extérieur, il fait très chaud et nous n’avons pas où aller», dira-t-il, en précisant toutefois qu’ils sont conscients des dangers qui les guettent, mais, ajoutera-t-il, «nous n’avons pas le choix.» Ce choix justement est dû en partie au manque d’alternative : «Où voulez-vous qu’on se rafraîchisse ? Les piscines sont hors de prix et toujours pleines. Ceux qui ont les moyens peuvent s’offrir deux séances par semaine au maximum, et ce n’est pas évident de nager avec la promiscuité étant donné qu’il y a trop de monde dans les bassins», déclarera Fouad, un jeune rencontré à la Crête-Rouge. Renseignement pris, il s’avérera que le gosse avait raison et d’ailleurs la caravane de l’ANBT s’est rendue au niveau de la piscine de Bechloul pour s’enquérir de la situation. À peine 13h, des jeunes faisaient déjà la queue devant la piscine en attendant son ouverture. L’employé qui recevra la délégation expliquera que des groupes de jeunes et moins jeunes sont quotidiennement reçus dans cette structure, mais que le laps de temps qui leur est accordé est jugé «insuffisant» par ces nageurs. Ainsi, et en l’absence d’une alternative à moindre coût, ce sont les berges du barrage qui reçoivent les déçus ne pouvant s’offrir une baignade sécurisée. À noter que lors de cette sortie sur le terrain, les éléments de la Protection civile de Bouira n’ont pas pris part à cette caravane de sensibilisation contrairement à leurs collègues de Tizi-Ouzou qui, eux, s’étaient donnés la peine d’accompagner cette campagne au cours de leur virée à Taksebt. Les agents de l’ANBT ont sillonné les villages avoisinants et espèrent que leurs efforts ne soient pas tombés à l’eau et surtout que les esprits soient marqués par leurs visites. Toujours est-il que d’autres actions seront entreprises au niveau local par les services de l’ANBT, afin de garantir une pérennité dans la campagne de sensibilisation.

Hafidh Bessaoudi

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