Au troisième jour de la 10e Fête du tapis d’Aït Hichem, l’engouement des visiteurs reste mitigé. Alors que les organisateurs ont tout mis en place pour que leur localité se réapproprie les beaux jours ayant fait d’Aït Hichem un haut lieu de l’artisanat, les allées entre les stands restent désespérément désertes.
Ce faible engouement des visiteurs vers Aït Hicham s’explique surtout par la crise qu’a vécue cette fête durant les dernières années, accentuée par sa délocalisation vers le chef-lieu de wilaya. Et ce n’est certainement pas chose positive pour les tisseuses qui voient leurs affaires stagner à cause de la mévente. Mais cela n’affecte pas autant la détermination et l’optimisme quant aux jours meilleurs :«L’essentiel est que la Fête du tapis soit revenue chez nous», dit Mezhora, une vieille tisseuse dont les tapis, si bien fignolés, attirent l’attention des visiteurs. Elle occupe un stand avec son amie. Ayant participé à toutes les Fêtes du tapis, elles font partie du groupe des plus anciennes. Sur les tapis posés sur les tables scolaires, une quinzaine de diplômes et de distinctions sont étalés là à la vue du public. Certains visiteurs sont d’abord attirés par ces cadres avant d’aller vers les «a3dhil» et autres objets de l’artisanat local. S’agissant des ventes, les deux complices abondent dans le même sens que leurs collègues rencontrées dans d’autres stands : «Nous n’avons vendu que de petites pièces, des cadres surtout», déclarent-elles. Attirés par ce travail, les visiteurs demeurent contemplatifs devant la beauté des tapis accrochés aux murs des salles de classes, qui servent de stands d’exposition à l’occasion. Une des tisseuses confie : «La Fête du tapis permet d’effectuer quelques ventes. Les temps ont changé. Les tisseuses à domicile ne reçoivent plus de clients chez elles». Au stand de Cecilia, où de nombreux tapis de différents modèles sont mis en valeur, des jeunes filles faisaient une démonstration du tissage sur un petit métier à tisser. Vers dix heures, les clients ne se bousculent nulle part. Même les organisateurs semblent se réveiller difficilement après une soirée artistique qui s’est terminée tard dans la nuit. Les acheteurs trouvent les tapis chers et le disent aux «vendeuses». Ils estiment qu’un ensemble de trois pièces, dont un tapis de deux mètres sur deux, affiché à 50 000 dinars «est hors de prix». Les artisanes réfutent cette idée bien qu’elles comprennent que «les gens arrivent difficilement à faire face au pain quotidien». Elles mettent en avant la difficulté d’exercer ce métier, ainsi que le temps sacrifié pour cette pièce réalisée avec 15 000 dinars de laine. «Nous n’arrivons même pas à en tirer le salaire d’un manœuvre», rétorquent-elles. «C’est à un travail de fourmi auquel les tisseuses sont astreintes, parfois pendant de longs mois, pour arriver enfin à goûter au produit de leurs mains. C’est tout un travail de patience qu’on arrive à réaliser brin de laine par brin», explique Djamila qui avoue que «les ventes sont faibles. C’est une question de chance. Certaines en ont vendu, d’autres non». Mais elle ne s’inquiète pas pour autant. Elle dira s’être constituée une clientèle depuis longtemps : «Ce sont des connaissances qui passent souvent des commandes et me recommandent aux acheteurs» ajoute-t-elle. Malgré tout, les artisanes, les habitants et les férus du tapis d’Aït Hichem ont la satisfaction de voir leur fête revenir au village. «Le reste n’est qu’une question de temps. La 11e édition sera certainement meilleure», espère-t-on
A. O. T.

