Le mariage, à quel prix ?

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Depuis plusieurs semaines, dans les villes et villages de Kabylie, l’été est rythmé par les fêtes de mariages. Sonos diffusant à grands décibels, bruits de pétards, cortèges interminables… le décor est partout planté.

Mais autres temps autres mœurs. Car il faut dire que les mariages d’aujourd’hui n’ont rien de ceux d’antan. Si l’on prend seulement l’aspect matériel, l’on s’aperçoit que le coût d’une cérémonie de nos jours est très élevé. Qu’elles soient célébrées au niveau du domicile familial ou dans de confortables salles de fêtes, les cérémonies de mariage engendrent de folles dépenses. Des dépenses qui donnent parfois le tournis. Pour preuve: au niveau de certaines salles des fêtes, des familles laissent des ardoises salées oscillant entre 20 et 40 millions de centimes, voire parfois plus. Chez certaines familles qui continuent de célébrer les fêtes dans le domicile familial, des sommes importantes avoisinant pour certains mariages le million de dinar sont déboursées. En plus, d’autres frais viennent s’ajouter à une liste déjà longue et salée corsant du coup l’addition. Une partie de cet argent va dans les poches de certains commerçants, dont l’activité ne subsiste que le temps d’une saison et est étroitement liée aux fêtes de mariages. Pis encore, des budgets souvent conséquents sont prévus par les nouveaux couples pour les voyages de noces.

Que de dépenses !

De nos jours, la seule évocation du mot mariage suffit à faire renoncer plus d’un parmi les jeunes en âge de se marier. Car celui-ci est devenu une sorte de projet, un projet coûteux qui nécessite un gros budget et surtout toute une préparation. Ceux parmi les jeunes qui décident de se lancer et convoler en justes noces, s’y prennent de plus en plus à l’avance. Mais seules, rares sont ceux qui arrivent à faire face aux dépenses. Beaucoup sont aidés par la famille, les proches et les amis pour faire face aux frais de la fête du mariage. Et les frais, il y en a beaucoup. A commencer par la dot. En effet, la tradition veut que la famille du jeune marié verse une somme d’argent à la jeune mariée. Dans certains villages de la région berbérophone de Bouira par exemple, c’est le comité des sages du village qui fixe le montant de la dot. A M’chedallah, la somme est fixée à hauteur de 10 millions de centimes. Dans les régions arabophones par contre, en plus d’une somme d’argent qui diffère d’une région à une autre mais qui est souvent assez conséquente, la famille de la mariée exige à ce qu’on offre des bijoux à la jeune fille, une parure en or généralement. Le prix de celle-ci dépasse largement les 20 millions de centimes. En plus de la dot, il y a toutes les dépenses liées à la préparation de la fête. Il y a les frais de location de la salle des fêtes, des limousines des mariés, de restauration des convives, des DJ… Plus le nombre d’invités est important, plus les coûts sont élevés.

Salle des fêtes : le confort a un prix

Si certaines familles préfèrent célébrer les fêtes de mariages chez eux au niveau du domicile familial, comme c’est le cas dans beaucoup de villages et communes, d’autres ont recours aux services des salles des fêtes, qu’ils louent à des prix élevés. Dans la ville de Bouira, et certaines grandes agglomérations de la wilaya, des dizaines de salles de ce genre ont ouvert leurs portes ces dernières années. Chaque année, de nouvelles salles ouvrent aux quatre coins de la wilaya. Là encore, il faut s’y prendre à l’avance et réserver le plus tôt possible, car les salles affichent toutes complet en été. Certains gérants de salles facturent la location, la restauration et le service à pas moins de 40 millions de centimes. A elle seule, la salle est facturée à 20 millions. Dans la ville de Bouira, certains gérants de salles demandent plus. À ces frais de location, s’ajoutent ceux déboursés dans l’achat des fruits, légumes, viandes, boissons et gâteaux. D’autres gérants facturent leurs salles entre 20 et 30 millions de centimes. En dépit de ces prix élevés, beaucoup de familles recourent à leur location, car cela leur fait gagner du temps, de l’argent et leur évite les corvées de préparation des repas et l’accueil des convives dans des appartements souvent trop exigus. Dans les villes, pratiquement tous les mariages sont célébrés dans les salles. Mais la tranquillité et le confort de ces dernières ont un prix. Il faut signaler que ces dernières années, beaucoup de salles ont ouvert leurs portes dans les petites communes et attirent beaucoup de familles. Même en dehors des villes, des établissements de ce genre existent. A Toghza, une petite localité relevant de la commune de Chorfa, à 50 km à l’est de Bouira, une salle a ouvert ces trois dernières années, et affiche complet tout au long de l’été. Désormais, ce créneau attire de plus en plus d’investisseurs.

La fête à la maison, une contrainte toute aussi coûteuse

Ceci dit, de nombreuses familles continuent de célébrer les mariages chez elles. Dans les villages, il est rare que des familles recourent à la location de salles des fêtes. Les mariages se fêtent dans le domicile familial. Dans certains cas, les familles font appel à des cuisiniers pour la préparation des plats, notamment le fameux couscous. Dans d’autres cas, les préparatifs sont assurés par les femmes de la famille. Dans ce genre de célébration, les familles consentent beaucoup de dépenses dans l’achat de légumes, fruits et viandes. Des marchandises qu’on se procure généralement en grandes quantités. Ce qui explique la flambée en cette période de fêtes des prix de certains légumes frais tels que la courgette, les carottes et autres haricots verts rentrant dans la préparation du plat du couscous. En effet, depuis le début du mois de juillet, le prix du haricot vert n’est pas descendu au-dessous des 100 da. Idem pour celui de la courgette. Pour la viande, ce sont des bêtes entières qui sont immolées. Cela revient cher surtout si l’on sait que le prix d’un jeune veau se négocie à hauteur de 15 millions de centimes. Si l’on fait un petit calcul, ce qui est déboursé dans l’achat de la nourriture pour la préparation des plats suffirait à louer une salle et à nourrir des dizaines de convives. Le plus souvent, ces célébrations engendrent beaucoup de tracas aux familles et surtout des dépenses supplémentaires, surtout en ces temps de pénuries d’eau. Dans certains villages, comme c’est le cas à El-Adjiba, Aghbalou et Ait Laaziz, des localités confrontées aux pénuries d’eau, beaucoup de familles recourent à l’achat de citernes pour faire face aux importants besoins en eau en période de fête.

Location de sono, robes, voitures… un commerce juteux

En été durant la période des fêtes, beaucoup d’activités commerciales fleurissent. Certaines de ces activités sont spécifiques car liées aux fêtes de mariages. Les commerçants qui les exercent brassent beaucoup d’argent en louant du matériel de sonorisation, cameras, limousine, véhicules touristiques et robes de mariage moyennant d’importantes sommes d’argent. Pour exemple, la location d’un matériel de sonorisation pour mariage est facturée entre 5 000 et 10 000 DA la journée. Les pâtisseries spécialisées dans les pièces montées et autres gâteaux traditionnels, les salons de coiffure et de beauté, les vendeurs de fleurs et magasins de décoration de voitures, ceux de l’habillement, des cosmétiques et de la vente de trousseaux de jeunes mariées sont aussi très sollicités durant la période des fêtes. Habituellement, les commerçants exerçant dans ce genre d’activités font l’essentiel de leur chiffre d’affaire durant cette période. A Bouira-ville, les magasins d’habillement pour femmes, et ceux spécialisés dans la vente de trousseaux pour jeunes mariées se comptent par centaines. Ces boutiques poussent comme des champignons aux quatre coins de la ville où des centaines de familles y viennent pour faire leurs achats en cette période des fêtes de mariages. Surfant sur la nouvelle vague, ces dernières années, de nombreux magasins de confection de gâteaux traditionnels ont ouvert aux quatre coins de la wilaya. Les plats de gâteaux sont facturés très chers aux familles.

Le voyage de noces « achève » les prétentieux

Pour beaucoup de jeunes couples, le mariage est une occasion rêvée pour s’offrir quelques jours de vacances en amoureux et changer d’air. Mais de tels voyages demandent un budget, que bon nombre puise dans leurs dernières économies. Des couples optent généralement pour les hôtels. Ces structures proposent des formules attractives à des prix abordables. Dans les villes côtières comme Béjaïa, Boumerdès et Tipaza, des hôtels proposent des formules pour couples. A Boumerdès, un hôtel de gamme moyenne qui a pignon sur rue propose des nuitées à partir de 3500 DA en demi-pension. Cette structure affiche complet en été. Pour ceux qui ont les moyens, la destination Tunisie est très demandée. Là un séjour d’une semaine à dix jours est facturé à plus de 10 millions de centimes. «Un séjour de 10 jours en Tunisie avec ma femme m’a couté 10 millions», témoigne Madjid, un commerçant issu d’une famille aisée de Bouira. Il y a aussi parmi les nouveaux couples ceux qui optent pour des séjours en Turquie, Grèce et Espagne. Généralement, ce sont les agences de voyages qui s’occupent des réservations d’hôtels, billets et des démarches pour les visas. Ce genre de séjours est très coûteux et loin d’être à la portée de tous.

Djamel Moulla

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