Peut-il se concevoir une histoire de l’Algérie qui s’en fout de ses assassins, de ses bourreaux et de ses exploiteurs patentés ? Bugeaud, le premier d’entre tous, qui avait dit un jour au début de la colonisation du pays : «Je tue, je coupe les arbres, je les décime et quand il n’y a plus personne pour me résister, je m’installe et ouvre des villes françaises», s’exprime-t-il sommairement. Quoi qu’il en soit, la colonisation a commencé avec ce maréchal puis ses sbires ou enfin les autochtones le Bachagha Bengana et consorts. Tous ont avili, dominé, soumis à leur dictat et réduit à la misère. Et avec tout ça, on dit que l’occupation de l’Algérie a été civilisatrice ! La civilisation des sauvages, que nous étions, été appréhendée sous le sceau des crimes les plus abjectes, les plus ignobles, les plus intolérables. Ne plus retenir cela équivaut à rendre ces crimes acceptables en les dissolvant dans une sorte de modus vivendi qui rendrait toutes ces abjections tolérables, pour tout le monde et pour les Algériens. Les rues, les avenues, les boulevards, les statues dédiées à des criminels en France nous offensent au plus haut point. Que l’on célèbre les Bugeaud, Pélissier, Saint Arnaud et tant d’autres, c’est faire un pied de nez aux Algériens sans sourciller, sans honte et en bombant le torse. L’Algérie qui réclame, à juste titre, le mea culpa de la puissance occupante d’alors, n’a fait que ce qui est acceptable par tous les pays qui ont eu à occuper, à un moment ou un autre, un territoire qui n’était pas le leur. On se demande pourquoi l’hexagone se refuse à cette chirurgie dans sa mémoire, dans son histoire et dans son être ? La réponse est peut-être dans son égo national. Les traitres cela est dans leurs gènes. On ne peut s’attendre à leur pardon. Mais les colonisateurs, au-delà de ce qu’écrivait Olivier le Cour Grandmaison, l’auteur du livre «L’Empire des hygiénistes, vivre aux colonies», estime qu’il ne suffit pas de supprimer les statues de ce général sanguinaire : «Si scandale il y a, il n’est pas dans le fait d’exiger que ses statues disparaissent et que son nom soit effacé de l’avenue parisienne qui l’honore encore, mais dans l’existence même de ces hommages toujours rendus au bâtisseur sanglant de la France coloniale et à l’ennemi de l’égalité, de la liberté et de la fraternité.» Et ainsi rendre à la France son honneur perdu.
S. A. H.

