Dorénavant, on ne parlera à Draâ El-Mizan que de l’ex-cimetière chrétien dont il ne restera que cette plaque commémorative sur laquelle est inscrit «sur ce site se trouvait le cimetière chrétien communal».
En effet, depuis jeudi dernier, une opération organisée par l’ambassade de France en Algérie portant sur le déplacement de toutes les sépultures existantes au niveau du cimetière chrétien de Draâ-El-Mizan, a été entreprise, pour les regrouper à Tizi-Ouzou dans un caveau à ossements. «C’est une opération lancée en 2005 par les autorités françaises qui ont décidé du regroupement des sépultures européennes en Algérie», nous déclare le chef des travaux de cette entreprise algérienne spécialisée à savoir le «groupe7», tout en ajoutant qu’en ce qui concerne la wilaya de Tizi-Ouzou, il n’y a que trois sites concernés. «Pour la wilaya de Tizi-Ouzou, nous devions entreprendre nos travaux au niveau du cimetière d’Ain-El-Hammam mais à notre arrivée, les citoyens nous avaient informés que cette opération avait été réalisée dans les années 1990 et que les ossements furent transférés vers le cimetière d’Ouaghzène, toujours dans la même localité. Quant à celui d’Azeffoun, l’opération s’est achevée le 24 septembre dernier, et là nous venons d’entamer celui de Draâ-El-Mizan et nous comptons terminer le 10 octobre prochain». Au demeurant, si le nombre de sépultures serait de cent quarante trois (143), selon les données fournies à l’entreprise, il s’avère que ce nombre serait largement dépassé. «Le nombre de cent quarante trois (143) sépultures sera largement dépassé d’autant plus que nous devions chercher sur la partie supérieure du cimetière ; mais à notre grande surprise lorsque nous avions fouillé dans la partie basse qui semblait complètement vierge, nous avions remonté et nous continuons de remonter de nombreuses sépultures, car elles sont très anciennes», dira notre interlocuteur. Aussi, pour retracer l’historique de ce cimetière, il faut remonter jusqu’aux premières années de la conquête de la Kabylie par le colonialisme français. Ainsi, la conquête de cette partie de la Kabylie remonte au mois de septembre1851, lorsque le général Cuny, commandant la Subdivision d’Alger, s’était mis à la tête d’une colonne composée de deux bataillons du 8e Léger, du bataillon de Tirailleurs indigènes, de deux escadrons du 1er régiment de Chasseurs, d’une section de montagne et de détachements des services auxiliaires. La mission du général Cuny était de s’opposer aux progrès de Bou Baghla. Du côté de Draâ-El-Mizan et de toute la vallée sud du Djurdjura, c’était alors le sanguinaire colonel Pélissier, qui deviendra maréchal de France, qui dirigeait les opérations dans une politique de la terre brûlée et qui aura à désigner le lieutenant Beauprêtre comme chef du caïdat de Boghni, lorsqu’il arriva à Draâ-El-Mizan, plus exactement à Azrou N’Tamarth où il dressa son camp et réuni tous les chefs des djemâas, le 20 novembre 1851. Les exactions commises par cet officier contre les populations locales sont encore ineffaçables. Donc, à partir de cette date, au camp de Draâ-El-Mizan, on s’était occupé à la construction d’une redoute au-dessous de laquelle devait s’élever, un peu plus tard, une maison de commandement et devait être créé un nouveau village. «Les premiers à être enterrés à cet endroit seraient sans nul doute des militaires, car ce n’est qu’à la fin de l’année 1858, et plus précisément le 30 du mois de décembre que Draâ-El-Mizan sera érigée en centre de population», nous dira encore le chef des travaux alors que la pelleteuse continuait de remonter des ossements à plus d’un mètre et demi de profondeur que les ouvriers, munis de gants, plaçaient dans des sachets en plastiques avant de les mettre dans des caisses reliquaires.
Essaid Mouas

