L’art et la matière

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Du viatique ancestral, Imawal, un nom certes méconnu du large public, puise les meilleures valeurs pour s’épanouir dans l’aujourd’hui. Et de cette envie mesurée sont nés deux albums : Igujel wawal et Tirga n’tmezzuϒt

De la musique sans âge et sans rage, venue des sentiers de Kabylie pour arpenter les plus grandes avenues du monde. Ça ne s’entend pas encore très fort. Des chansons qui constituent une issue de secours, un rempart au temps qui court, une clé d’entrée et de sortie dans un cocon qui a besoin d’éclore. Des chansons qui nous éloignent des invectives en prêt à porter. Une poésie qui vole à notre secours et à celui des âmes isolées, au secours des vaincus de tous les temps. Sa poésie peut paraître tirée d’un autre âge, mais elle n’est nullement un retour en arrière. C’est un élan pour mieux s’inscrire dans le présent. Des choix qui ne sont pas innocents. Des choix annonciateurs de créations qui maîtriseront cet art délicat de concilier le neuf et le vieux. On le sent amoureusement tiraillé entre le moderne et le rustique. Le résultat est sublime. Une convergence réussie dans un style harmonieux et unifié. Moderniste invétéré, tout en étant bien ancré aux côtés des oliviers de sa Kabylie par ses deux albums, Imawal étonne. Une sensibilité extrême, une intensité d’une poésie dure mais sereine. Une insatiable quête de la fraternité. Imawal n’a cherché aucun effet gratuit ou des artifices de vedettes. C’est ainsi que la voix s’impose en chantant le vécu de ces millions d’Algériens trahis par leur pays. Des chansons qui tracent des tableaux d’une société aux abois. Il parle de la fraternité, de l’amour, l’amour de la patrie, l’union, la solidarité, les travers qui nous minent. L’ailleurs d’Imawal, c’est ici : ce sont sa culture, sa langue, sa personnalité identitaire et sa terre. Constructions simples, vers brefs, notations par petites touches de faits bruts enregistrés par un regard innocent. Seulement, la force de frappe des émotions est certaine. Imawal se veut un témoin de son époque. Le rapport qu’il a tissé avec ses semblables, à travers sa poésie, est d’une intensité plus qu’audible. Avec ses poèmes, il a réussi à asseoir une relation quasi-fusionnelle avec sa société. Des mots et des mélodies qui restituent le vécu avec une sensibilité intense, qui balancent entre l’amour et la souffrance et le besoin de greffer l’espoir sur les désespérés. Imawal est en prise directe avec la vie telle qu’elle est perçue par «la rue» et par la «montagne». Et d’évoluer ainsi avec des doutes, des éclats de colère et d’aspirations. Comment peut-il en être autrement, sans nous priver d’une poésie du «commun» qui s’inscrit sans complexe dans le monde et dans l’espoir. D’une poésie qui ne peut être passée de mode, parce que puisée dans la vérité des jours.

Ahmed Ammour

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