Bien de métiers artisanaux tentent vaille que vaille de résister aux temps modernes et à l'industrialisation tous azimuts.
Parmi ces métiers, on peut trouver l’artisan maréchal-ferrant. Comme les citoyens n’utilisent presque plus les baudets et les chevaux comme auparavant, les artisans ont raccroché, pour l’écrasante majorité d’entre eux, leur marteau avec lequel ils ferraient les équidés. Néanmoins, il subsiste certains qui s’accrochent à ce métier, qu’ils ont hérité, faut-il le souligner, de père en fils. Cela a été constaté dans certaines localités. Au marché hebdomadaire de Tazmalt, il y a un maréchal-ferrant qui y officie, pour ferrer les quelques rares ânes et chevaux utilisés dans la région montagneuse notamment. Jeudi dernier, un « spectacle » rare s’offrait aux badauds qui étaient comme « scotchés » devant l’impressionnante dextérité du forgeron, qui s’affairait à clouer des fers à un âne, qui était bien « sage ». Avec un marteau, des fers et des clous, cet artisan a mis deux fers aux pattes de l’avant. Pourquoi deux seulement au lieu de quatre? «Pour qu’il ne glisse pas, et se tienne en équilibre, car il monte et descend plusieurs fois durant le trajet», affirme son propriétaire, un septuagénaire de la région d’Ath Mellikèche. «Dans notre localité, nous sommes obligés de recourir aux services du baudet, car il est très utile. Les voitures ne peuvent pas accéder à certains endroits escarpés et accidentés, alors on utilise les ânes pour le faire. Ils sont très utiles ces animaux qui sont malheureusement méprisés. Lorsqu’on dit un âne ‘hachakoum’, ce n’est pas gratifiant pour cet animal qui a construit tous les villages kabyles, et qui continue à servir sans rechigner», regrette notre interlocuteur qui en sait vraiment beaucoup de choses à ce propos. Il est remarqué un regain d’intérêt, ces dernières années, pour cet animal domestique, où il fait son apparition le plus souvent dans les rues même des villes. Pendant la cueillette des olives, l’âne est sollicité par les ménages pour acheminer les récoltes par monts et par vaux. Car les oliveraies situées en zones montagneuse ne sont pas accessibles par véhicule, et puis il y a un manque flagrant en pistes agricoles. Les sabots ferrés, le vieil homme de 75 ans tira son âne pour revenir chez lui à Ath Mellikèche. «Il me raccompagne dans la haute montagne. Je le préfère à la voiture. Je transporte l’eau avec, j’achemine mes récoltes agricoles sur son dos, et il ne me coûte absolument rien. Il se nourrit dans les parages où il y a de l’herbe et les arbrisseaux sauvages. Ce n’est pas mieux qu’une voiture ça ! », s’exclame, avec beaucoup d’humour, notre vis-à-vis. Quant au maréchal-ferrant, il déplore le fait que son métier ne rencontre aucune relève par ses enfants. «Mes enfants ne veulent pas entendre parler de ce métier de forgeron. Pour eux, il est dépassé et ne fait plus vivre!», dit-il avec amertume. Et c’est le constat amer pour tous les métiers artisanaux qui disparaissent avec la mort des artisans, car les nouvelles générations rechignent à les pratiquer, en ce sens que les temps ont changé et ces métiers ne font plus vivre comme avant.
Syphax Y.