«La corruption sportive existe aussi en Algérie»

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Présent comme invité d’honneur lors du colloque international organisé par l'ISTAPS de l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira, le président de la Fédération internationale anti-corruption sportive (FIACS), Mourad Mazar, parle dans cet entretien de la corruption qui gangrène le monde sportif.

La Dépêche de Kabylie : Avant tout propos, c’est quoi la FIACS et quel est son rôle ?

Mourad Mazar : La FIACS (Fédération internationale anti-corruption sportive) existe depuis une vingtaine d’années et cela fait presque deux ans (décembre 2015) que je suis à sa tête. Le siège a été transféré de Bruxelles à Lyon, en France, où se trouve Interpol, une métropole internationale, un carrefour important de transit entre l’Europe, l’Afrique et le reste du monde. Son rôle c’est de lutter contre la corruption qui gangrène le monde du sport, toutes disciplines confondues.

Quel était votre objectif en participant au Colloque international organisé récemment à Bouira ?

Tout d’abord, cela rentre dans le cadre des activités du FIACS, et c’est beaucoup plus à cause du thème choisi pour le colloque: «La pratique sportive et les fléaux sociaux». Au jour d’aujourd’hui, il y a urgence de traiter certains fléaux et maux sociaux qui gangrènent le plus le sport et portent atteinte à son éthique, à savoir «la politisation du sport». Lors des précédentes années, les politiciens à travers le monde essayaient chacun à sa manière d’utiliser le sport à des fins politiques, des fins extra-sportives, mais depuis les cinq dernières années, le politique s’invite directement dans la vie du sport et essaye d’avoir la main mise et de l’exploiter, ce qui nuit considérablement à l’image du sport et son éthique, ainsi que celle des pays. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui avec le Qatar. Car c’est le Qatar, un pays arabe, et cela dérange vraisemblablement à ce qu’un pays arabe organise une telle compétition (Coupe du monde de football), l’événement sportif le plus important après les JO dans le monde.

Qu’en est-il des soupçons de corruption, où le président du PSG, le Qatari Nacer El Khelaifi, a été récemment entendu ?

Aujourd’hui, il existe des activistes et organisations de certains pays qui essayent de nuire à l’image du Qatar, à travers son sport, ces réalisations,… Qu’on le veuille ou non, le Qatar a fait beaucoup de progrès, de grandes réalisations, même en dehors du Qatar. Pour rester dans le monde du sport roi, le football, les grands clubs du monde sont gérés par des Qataris, avec de l’argent des Qataris, y compris les infrastructures. Ce que je ne comprends pas, c’est que beaucoup de gens en Europe et autres pays occidentaux veulent l’argent de Qataris mais pas d’eux. Aujourd’hui, nous sommes appelés en tant que citoyens du monde, membres de la société civile mondiale, à s’unir autour d’un concept, d’un programme pour barrer la route à ces gens et permettre au sport, à l’échelle planétaire, d’évoluer dans un univers propre et saint, loin de la politique et de la corruption. Il y a beaucoup d’argent sale qui circule dans le monde du sport, arrangement de rencontres (achat et vente de matchs), paris illégaux,…

Un chiffre concernant cet argent ?

Selon des études et recherches réalisées par plusieurs organisations gouvernementales et non-gouvernementales, il s’est avéré qu’entre 2013 et 2016, presque trois mille milliards de dollars ont circulé dans le monde de la corruption, dans le monde du sport en général. Lorsqu’on a annoncé cette somme lors de différentes occasions qui nous ont été données, on ne nous a pas crus, étant donné que le chiffre était effarant. Il représente ou équivaux le budget de l’Afrique et surtout que cela a été annoncé par un Mourad et non un Julien. Quelque temps plus tard, lorsque le même chiffre a été donné, en euro, par d’autres voix occidentales, là c’est tout le monde qui réagit. Vous voyez ou se situe le problème ? C’est qu’entre nous, on réduit la valeur des uns et des autres. On se sous estime. Lorsque l’information a été donnée par un Algérien, ils ne l’ont pas cru, la même information fut rapportée par une voix occidentale, on le croit. Par la suite, je reçois plusieurs appels pour me dire qu’en fin de compte, j’avais raison. Les trois mille milliards représentent les paris illégaux, le trucage des matchs, les transferts et les produits dérivés qui représentent un manque à gagner important en Algérie. Il existe, certes, toutes les marques qui se vendent en Algérie, mais malheureusement c’est de la contrefaçon, du faux. C’est de l’argent perdu pour les clubs sportifs.

Quelle est la discipline la plus touchée par la corruption sportive ?

Si je vous posais la question, vous répondriez qu’il s’agit du football. Ce n’est pas le cas, car le foot est très loin derrière. La première discipline gangrénée par la corruption est le cricket, ainsi que le badminton et le basketball, alors que le football n’arrive qu’à la 9ème position.

Qu’en est-il de la corruption sportive en Algérie ?

La corruption existe dans le milieu sportif en Algérie, mais cela ne représente rien devant son ampleur à l’échelle planétaire. La corruption dans toute l’Afrique ne représente que le quart de ce qui se passe dans le monde, surtout en Europe. Toutefois, la lutte anti-corruption c’est l’affaire de tous, organisations gouvernementales et non-gouvernementales,… Les autorités doivent sévir avec rigueur pour la réduire ou l’éradiquer avant qu’elle ne se propage et prenne de l’ampleur.

La FIACS compte-t-elle un siège en Algérie ?

Oui, nous avons depuis quelque temps installé un bureau provisoire à Alger, on reviendra très bientôt pour officialiser les choses. On compte toutefois une adresse électronique qu’on peut trouver sur Google, où les gens peuvent nous contacter. La FIACS reste à leur écoute et disposition.

Entretien réalisé par M. A.

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