S. Ait Hamouda
Si par un jour comme celui-ci Kateb Yacine revenait parmi nous, que penserait-il de sa «Gondourie» ? Il la trouverait certainement changée, bouleversée, et ses horloges figées à l’ancien temps, le temps du parti unique et son cynisme et sa myopie. Il constatera que chez les écrivains algériens, les plus en vue, tels que Sensal, Khadra et Kamal Daoud et leur réponse à Boudjedra. Tirs de snippers isolés, outre Méditerranée, qui ne s’embarrassent de scrupules sémantiques, ni d’apports métaphoriques, pour le descendre en flamme. En fait, il trouvera tout cela ridicule et dévalorisant pour des producteurs de sens. Il est effectivement pitoyable pour des hommes de lettres de s’étriper à hue et à dia comme des charretiers. Celui qui était l’un des plus grands romanciers et dramaturges que ce pays ait donné, sans jamais avoir la grosse tête, sans se considérer comme intellectuel, encore moins comme donneur de leçons aux autres. Il serait ( Kateb Yacine) désarçonné par l’égo excessif de ses pairs, de leur promptitude à l’insulte, à l’anathème envers un des leurs. Que Rachid Boudjedra lance son pavé dans la mare «des contrebandiers de l’Histoire», que les trois mousquetaires se cabrent et se lancent dans des réponses avec force d’égocentrisme le plus sectaire, bouchant de fait la voie au débat. Kateb Yacine, dont nous commémorons aujourd’hui la mort, survenue il y a 28 ans dans un hôpital grenoblois, serait ulcéré par les propos des uns et des autres à l’encontre d’un écrivain majuscule, quoi que l’on dise ! Mais à force de crier, de hurler, on finit par prendre feu à sa voix ou par s’étrangler. Et là où ça fait mal, c’est lorsque, par une gloire bâtie sur le vide, l’on vienne à se prendre pour le nombril du monde, il y a un pas qui nous sépare du «nuage de fumée», de «la poudre de l’intelligence» et de ses extravagances. Mais là n’est pas notre propos.
S. A. H.
