Lorsque le commerce informel touche l’éducation

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Depuis plusieurs années, la wilaya de Bouira se retrouve en queue de peloton en matière de résultats scolaires. Une défaillance que l’actuel directeur de l’Education Mourad Bouziane impute directement à des carences en matière d’encadrement pédagogique et administratif. C’est ce qu’il nous avait révélés lors d’un entretien au mois de mai dernier. Toutefois, le faible niveau scolaire enregistré à travers l’ensemble des établissements de la wilaya de Bouira laisse à penser que d’autres facteurs entrent dans ce mauvais classement, et en premier lieu, les cours de soutien assurés par certains enseignants. En effet, si des garages ou des appartements reçoivent quotidiennement des élèves scolarisés pour quelques heures de cours, il n’est pas rare qu’ils et elles se retrouvent face à leurs…enseignants ou enseignantes. Ces fonctionnaires chargés de dispenser le savoir en classe, récupèrent leurs propres élèves en fin de journée ou au cours des après midi du week-end pour assurer des cours. À se demander si les heures d’école sont insuffisantes ou si les tarifs pratiqués dans le cadre privé et informel, sont plus motivants. Des pages Facebook sont d’ailleurs entièrement dédiées dans chaque région pour « »des cours de soutien » en telle matière, et veillez contacter le… » Au chef-lieu de wilaya, l’on peut trouver des enseignants assurant des cours privés à leurs propres élèves et selon des indiscrétions, ces mêmes élèves réussissent mieux et obtiennent de bonnes notes comparativement à d’autres de leurs camarades ne pouvant s’offrir des cours de soutien. Devant cette « réussite », parents d’élèves et administration de l’établissement ne peuvent que se féliciter, mais ces bonnes notes acquises ou payées ne reflèteraient pas la réalité lors des examens officiels. «Les enseignants qui assurent des cours à leurs propres élèves leurs donnent des sujets à réviser similaires qui feront l’objet du devoir ou de la composition, le lendemain en classe. De ce fait ces élèves sont mieux classés en matière de notes car ils auront eu à réviser un sujet bien précis qu’ils ont eu toute la latitude de revoir. Mais pour d’autres sujets de la même matière, il se peut que ces mêmes élèves ne soient pas aussi brillants», estime un parent d’élève s’étant aperçu de la combine. D’ailleurs, selon notre interlocuteur, les autres élèves ne s’acquittant pas de cours de soutien sont séparés des autres élèves plus brillants. À travers la wilaya de Bouira, aucune administration ne peut dire avec exactitude le nombre d’élèves suivant ces cours particuliers auprès d’enseignants qui, en fin de journée, se dépensent un peu plus contre une certaine somme d’argent. Personne ne peut également se prononcer sur le nombre de « classes » aménagées dans des appartements ou des garages qui ont pignon sur rue à travers le chef-lieu et dans les autres villes et villages de la wilaya. Cette manière d’agir n’est heureusement pas généralisée et de nombreux enseignants honnêtes, eux, assurent des cours sans contrepartie et généralement dans les établissements où ils travaillent. Ces cours de soutien payants sont un véritable casse-tête pour les élèves et pour leurs parents qui appréhendent le fait de payer non pas pour disposer d’un savoir, mais uniquement pour bénéficier de bonnes notes durant la période scolaire, sans avoir de garantie que ces notes reflèteraient l’aptitude de l’apprenant lors des examens de fin de cycle.

Hafidh Bessaoudi

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