Gaz de schiste : du gaz naturel contenu dans les entrailles de la terre dans des conditions complexes qui pénètre de plus en plus le marché énergétique. à l’instar des autres gaz dits non conventionnels, le gaz de schiste est un gaz naturel piégé dans des formations géologiques de faible perméabilité et difficiles d’accès. En fait, il est resté emprisonné dans le matériau géologique, la roche mère, où il s’est formé il y a des millions d’années dans des interstices ou pores qui communiquent peu entre eux. D’où la nécessité pour son extraction de mettre en œuvre des techniques spécifiques permettant l’amélioration de la communicabilité entre pores pour le faire venir : on développe ainsi de manière hydraulique une meilleure perméabilité de la formation géologique. Au total, l’extraction du gaz de schiste nécessite à la fois d’effectuer des forages verticaux, horizontaux et d’user d’une technique de fracturation de la roche par injection à haute pression d’un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques. En fait, le gaz de schiste n’est pas le seul gaz non conventionnel, il en existe une panoplie dont l’extraction nécessite à peu près, les mêmes techniques (forage dirigé et fracturation), comme le gaz de réservoir compact, le gaz de charbon et les clathrates. Faiblement exploitées jusqu’à un passé récent pour des raisons techniques et de rentabilité économique, les réserves de gaz de schiste sont aujourd’hui convoitées par les grands groupes énergétiques. En effet, les coûts d’exploitation ont été réduits de moitié depuis quelques années grâce aux avancées technologiques et à des programmes d’exploration et de développement de plus en plus ambitieux lancés dans différents pays réputés en posséder des réserves importantes. L’essor du gaz et pétrole de schiste est tiré essentiellement par les Etats-Unis qui augmentent de plus en plus la part de cette ressource dans leur production énergétique surclassant ainsi leurs rivaux et limitant leur dépendance aux importations. Le gaz de schiste ou la longue expérience américaine : une vieille histoire ancrée dans l’industrie des hydrocarbures à la recherche d’un faire-valoir en Algérie L’intérêt pour le gaz de schiste n’est pas nouveau. Sa mise à l’écart temporaire est due à des raisons économiques et techniques d’accès à cette ressource piégée dans des conditions géologiques complexes, la priorité ayant été accordée aux hydrocarbures conventionnels dont l’accès plus aisé, a permis une meilleure rentabilité économique. L’exploration et le développement du gaz de schiste a débuté aux Etats-Unis : la première production de gaz de schiste remonte à 1821 à Fredonia (New York) et le premier forage horizontal a été réalisé dans les années 1930 tandis que les travaux de fracturation dans un puits eurent lieu en 1947. Et depuis, plusieurs gisements ont été découverts et mis en exploitation. Durant la décennie 1970, le gouvernement américain consent de gros investissements dans les recherches géologiques et géochimiques pour mieux cerner la problématique du gaz de schiste et multiplie sa production par un facteur 7 entre 1979 et 1999, mais le gaz de schiste ne participe que pour 1% dans la production totale de gaz naturel américain. En 2006, la production atteint 30 milliards de m3, soit près de 6% de la production de gaz naturel pour représenter 20% en 2010. Cette forte évolution est également perceptible dans le nombre de forages réalisés pour l’extraction du gaz de schiste aux Etats-Unis : d’environ 15 000 puits en 2005, on est passé à près de 500 000 puits en 2011 et certainement davantage aujourd’hui avec près de 1250 sites en production. Il est prévu qu’en 2035, près de 46% de la production américaine de gaz naturel proviendrait du gaz de schiste. Dès lors, ce dernier constitue une composante majeure dans le secteur gazier non conventionnel avec le gaz de houille ou coal bed gas et le gaz de réservoir compact ou tight sand gas, devenant ainsi un enjeu stratégique pour l’avenir énergétique du pays. L’essor de cette nouvelle industrie a non seulement stimulé la production américaine en gaz secs qui s’est accrue de plus de 27% entre 2005 et 2012, mais il a enthousiasmé d’autres pays comme la Chine, le Canada, le Mexique, l’Argentine qui ont engagé des programmes ambitieux en recherche et développement du gaz de schiste. L’intérêt accru pour le gaz naturel en général, et les gaz non conventionnels en particulier, a été accompagné par une baisse progressive du prix du gaz qui chute de plus de 70% entre 2008 et 2012 passant de 8.86 $/MMBtu à 2.50 $/MMBtu pour remonter à 4.50 $/MMBtu en 2014, les volumes extraits devenant plus importants et les techniques mieux maîtrisées. Ces tendances baissières ont jugulé la pénétration du gaz de schiste dans les secteurs de l’économie américaine comme le transport, l’industrie et l’électricité. Partant de là et forte de ces expériences, l’Algérie ne peut que s’enorgueillir de posséder d’importantes réserves de cette ressource économiquement et politiquement stratégiques et d’entrevoir, en s’entourant d’un principe de précaution, une nouvelle stratégie énergétique intégrant cette composante. Emargeant à concurrence de 10% environ dans les réserves mondiales récupérables, l’Algérie ne peut laisser échapper cette opportunité économique qui doit être envisagée comme alternative porteuse d’emplois, de créations d’entreprises et de partenariat public-privé. En effet, les réserves algériennes en gaz de schiste sont de l’ordre de 40 000 milliards de m3, dont 21 000 milliards de m3 sont récupérables et exploitables. Ce qui octroie une autonomie de plusieurs dizaines d’années pour la consommation interne en gaz naturel, la production d’énergie électrique et pourquoi pas l’exportation. Le tout est d’opter pour des technologies et des processus de production et de transformation les moins polluants sans se laisser entraîner dans des contrats asymétriques dominés par des leaders mondiaux qui négocient tout en leur faveur – les majors comme on les désigne – faisant fi des contraintes environnementales en raison de leur position de domination. L’Algérie peut compter sur le développement progressif de cette ressource après une étape d’estimation de ses potentialités, la définition d’une stratégie appropriée limitant au mieux toutes formes d’impacts sur la santé humaine et l’environnement et la formation des techniciens spécialisés dans le domaine. Cet axe majeur mérite une réflexion approfondie. Si l’on venait à dire que gaz et pétroles conventionnels sont des industries toutes aussi polluantes et toxiques que l’industrie du gaz et pétrole de schiste, irait-on jusqu’à arrêter leur exploration et leur exploitation ? Irait-on jusqu’à fermer la manne de la rente sur laquelle repose grandement de nombreux systèmes politico-économiques et systèmes rentiers et distributifs à travers le monde, dont le nôtre ? Que non, la rente que génèrent ces industries polluantes à souhait continue de nourrir toutes formes d’investissements pour ces nations et à amplifier chaque jour un peu plus l’accumulation de la richesse et le boom des géants spécialisés dans l’exploration, l’exploitation et le développement de technologies toujours plus performantes. A ce niveau, on doit répondre à une question fondamentale : sommes-nous maîtres de notre destin dans le processus de développement du gaz de schiste ou doit-on rester esclave de la dépendance et de l’assistance des majors ? La fracturation hydraulique : l’acte «répugnant» du développement du gaz de schiste au centre des polémiques Avant qu’elle ne constitue de nos jours un objet de polémique, la fracturation hydraulique et l’injection d’additifs chimiques divers est en elle-même une vieille technique appliquée pour améliorer le taux de récupération des hydrocarbures conventionnels (récupération tertiaire). La différence se situe au niveau de la diversité des contextes géologiques et surtout des propriétés géo-mécaniques des roches relativement aux roches réservoirs des hydrocarbures conventionnels. Cette complexité naturelle appelle l’utilisation de techniques spécifiques pour faciliter l’accessibilité à cette ressource : il faut non seulement forer mais fissurer la roche. Une fois le forage vertical accompli pour accéder à la formation cible et le forage horizontal exécuté pour pénétrer au mieux dans le corps de cette formation, il faut établir une interconnexion entre les pores de la roche, ces micro-poches remplies de gaz ou pétrole de schiste. C’est là qu’intervient le processus de fracturation. La technique consiste à injecter par le puits horizontal des milliers de m3 d’eau sous haute pression pouvant aller jusqu’à 600 bars ou plus selon la compacité et les propriétés géo-mécaniques de la roche et la profondeur de la formation-cible. L’eau est additionnée de sable, qui va maintenir ouvertes les fissures une fois l’injection arrêtée, et de produits chimiques (bactéricides, anticorrosifs, acides) capables de lisser les parois de la roche pour fluidifier la circulation du gaz. Puis, on pompe l’eau pour laisser la voie libre au gaz qui remonte par le tube de forage jusqu’à la surface. Le gaz est récupéré dans des réservoirs, raffiné et évacué par gazoduc vers les ports, lieux de stockage et les centres de consommation. La fracturation est donc un processus hydraulique et mécanique qui rompt l’intégrité de la formation géologique cible et qui permet l’amélioration de ses propriétés en vue de faciliter la venue du gaz ou pétrole de schiste vers la surface. Il est évident que le fluide utilisé, chargé de différents additifs et pris à l’état brut au retour, peut constituer un effluent à risque pour la santé humaine et les eaux souterraines et de surface. Il faut donc trouver des moyens d’élimination soit par le traitement et la récupération de l’eau, soit par réinjection dans les formations dont le gaz ou le pétrole ont été épuisés. Là sont les aspects qui font du forage horizontal et de la fracturation deux facteurs qui augmentent la charge psychologique des populations résidant dans les périmètres à fort potentiel en hydrocarbures non conventionnels. Mais dans les faits, tous les types d’énergie ont leurs aspects positifs et leurs effets pervers.
(A suivre…)
I. A. Z.