La localité de Choukrane, dépendant administrativement de la commune de Chorfa, est située à 50 km à l’Est du chef-lieu de la wilaya de Bouira.
La localité est limitée au sud par la RN26, au nord par la commune d’Aghbalou et à l’Est par celle de Tazmalt (Wilaya de Béjaïa). Elle est habitée actuellement par près de 3 000 âmes. Dans les années 80, Choukrane était un petit hameau où vivait une dizaine de foyers, venus des villages limitrophes de Bahalil, Takerboust, Ath Hamdoun et aussi de certains villages de Tizi-Ouzou. Les premiers foyers qui s’étaient installés ont, à vrai dire, fuit le rude climat de la montagne pour aller s’installer sur la plaine. Ils cultivaient pour la plupart de vastes plaines fertiles où les vergers s’étendaient sur des centaines d’hectares. À cette époque, il existait un périmètre irrigué géré par l’office national des surfaces irriguées. L’activité agricole était florissante durant plus d’une décennie, avant de connaître son déclin puis une mise à mort après la dissolution de l’office d’irrigation. Le déclin de l’agriculture n’a pas empêché l’arrivée de centaines de gens dans la plaine, qui s’y sont installés avec femmes et enfants. D’un petit hameau avec des constructions de fortune en toub essentiellement, Choukrane est devenue une grande agglomération. L’extension urbaine a été fulgurante et désormais, des dizaines de villas sont visibles le long de la route reliant la RN26 au CW10. Au fil des années, la population a été multipliée par cent et ses besoins se sont accrus. Ceci dit, cette explosion démographique n’a pas été suivie d’un effort de développement. Actuellement, la population de Choukrane manque presque de tout. À l’exception du projet de raccordement au gaz de ville, la localité n’a bénéficiée d’aucun projet ces dernières années, malgré l’embellie financière. Il n’y a pas de réseau d’AEP ni celui d’assainissement, pour ne parler que des commodités élémentaires. Les habitants de Choukrane vivent mal cette situation et l’assimilent à de la marginalisation. Au cours d’une virée dans la localité, effectuée à la veille des dernières élections locales, des habitants ont évoqué leurs problèmes quotidiens et les divers manques qu’enregistre leur localité.
Que d’insuffisances à l’école
Avec le centre de santé, l’école est l’une des deux infrastructures publiques implantées dans la région. L’établissement scolaire, ouvert en 1982, enregistre beaucoup d’insuffisances, à commencer par la cour dont la couche en béton commence à montrer des signes de dégradations. Selon nos accompagnateurs, le projet de revêtement de la cour en béton est tout récent mais il n’a pas résisté longtemps. Vu l’état de la cour, les parents redoutent des blessures en cas de chutes des enfants. Nos interlocuteurs nous font visiter les salles de classe, dont les fenêtres et les portes en bois montrent des signes apparents de dégradations et demandent à être entièrement changées. Des files électriques sont visibles et ne disposent d’aucune protection. Enfants et personnel de l’établissement ne sont pas à l’abri d’une électrocution. Le tableau, lui, est toujours en bois alors que ce matériau a complètement disparu et remplacé par un matériau moderne. «On continue toujours d’écrire à l’aide de la craie sur des tableaux en bois. Pourtant, ce matériau a été remplacé partout. Pis encore, dans certains établissements de la commune, comme c’est le cas à Chorfa et Tiksiridène, des fenêtres en aluminium ont été installées et ici la boiserie est vieille de plus de 30 ans», témoigne un parent d’élève. Ce dernier nous montre des détritus et de la poussière qui envahissent les salles de classe. Selon lui, cela renseigne sur le manque d’hygiène dans les salles de cours. Un manque d’hygiène relevé aussi au niveau des sanitaires. Là les parents dénoncent l’inexistence de détergents et le manque d’entretien des toilettes. Selon eux, des enfants sont déjà tombés malades. L’autre point soulevé par nos interlocuteurs c’est la non-sécurisation de la bâche à eau. Une installation où on peut accéder facilement. Il y a aussi le problème de la surcharge des classes. Dans certaines divisions, il y a 43 élèves par classe. Au préscolaire, 38 enfants sont scolarisés dans une même classe. Nos interlocuteurs évoquent aussi le cas de deux logements d’astreinte squattés depuis plusieurs années. «Des enseignants de l’établissement recourent à la location de logements alors que les logements d’astreinte de l’école sont occupés par des personnes étrangères au secteur de l’éducation», confie un parent d’élève. L’établissement est doté du gaz de ville, mais l’alimentation en eau potable est assurée par un particulier. Selon nos interlocuteurs, toutes ces insuffisances ont été relevées et mentionnées dans des rapports adressés à l’académie et aux services de la commune, mais en vain.
Un centre de santé, sans plus !
Continuant notre visite dans la localité, nos accompagnateurs nous font visiter le centre de santé. Selon eux, la structure manque de personnel médical. Actuellement, seulement un infirmier assure au quotidien les petits soins à la population. Un médecin a été affecté dans le centre, mais ce dernier ne vient que deux fois par semaine. Selon les représentants de la population, quand il est là ce médecin ne reste pas plus de deux heures dans le centre de santé. Ce qui oblige les patients à se déplacer jusqu’à la polyclinique du chef-lieu communal ou à Tazmalt pour se faire soigner. La population déplore, aussi, l’absence d’un fauteuil dentaire au niveau de cette structure. Pourtant, selon eux, les autres centres de santé de la commune en disposent. Le souhait de la population de Choukrane c’est de voir ce centre renforcé en moyens humains et matériels pour leur épargner les longs déplacements dans les structures de santé des environs.
La localité sans réseau AEP…
S’il y a une contrainte à laquelle sont confrontés les habitants de Choukrane au quotidien et ce depuis maintenant plus de trois décennies, c’est incontestablement celle de l’eau potable. La localité ne dispose ni d’un réseau d’eau potable ni d’ouvrage de stockage. C’est là une aberration, selon les habitants. «C’est vraiment triste de le dire. En 2017, il subsiste encore des centaines de foyers sans réseau AEP ni source d’alimentation en eau. Mais c’est la triste réalité à Choukrane», explique un habitant de la localité. À la question de savoir comment font les habitants pour s’alimenter en eau, nos accompagnateurs nous avouent que beaucoup de foyers disposent de forages où ils s’alimentent et alimentent leurs voisins en eau. D’autres habitants, en revanche, sont contraints de chercher de l’eau ailleurs ou de recourir à l’achat de citernes moyennant d’importantes sommes d’argent. D’après nos interlocuteurs, l’APC de Chorfa est au courant de ce problème. Des propositions de terrains ont été faites par des citoyens à la commune, pour la réalisation d’un réservoir d’eau sur les hauteurs de la localité, mais les responsables de l’APC ont prétexté que les terrains proposés se trouvent sur le territoire d’une autre commune. Selon les habitants, toutes les initiatives entreprises par la population pour régler le problème de l’eau se sont avérées vaines et ont en définitif buté sur le niet de l’APC.
… ni réseau d’assainissement
L’assainissement est une autre commodité des plus élémentaires à laquelle les habitants de Choukrane n’ont pas encore accès. Actuellement, une infime partie de la localité dispose d’un réseau d’assainissement. La totalité des foyers n’est pas raccordée au réseau. Pour pallier ce manque, les habitants ont recours aux fosses sceptiques avec tous les risques qu’une telle option fait peser sur la santé des populations et sur l’environnement, d’autant plus que des dizaines de forages existent à Choukrane. À terme, la nappe phréatique risque d’être sérieusement polluée.
Route dégradée et éclairage défaillant
Les habitants de Choukrane font, également, part de la dégradation de l’une des importantes voies d’accès de la localité. Il s’agit de la route reliant la RN26, à hauteur du carrefour de Choukrane, au Chemin de wilaya n° 10 remontant vers Aghbalou. Ce chemin est truffé de nids-de-poule et autres cratères et présente beaucoup de malformations. Le passage du réseau de gaz naturel a dégradé la chaussée en plusieurs endroits. La route en question n’est pas éclairée et en hiver, rares sont les villageois à s’aventurer dehors à la tombée de la nuit. Les quartiers situés au sud de la localité, où il y a une forte concentration d’habitants, en souffrent aussi. Certes, il existe un réseau de l’éclairage public, mais ce dernier est souvent défaillant. «On a beau interpellé les services de l’APC de Chorfa sur la défaillance de l’éclairage public mais c’est peine perdue», avoue un jeune villageois.
Aucune infrastructure de jeunes
À Choukrane, il n’existe aucun lieu de loisirs, selon les jeunes rencontrés sur la place du village. Des dizaines de jeunes sont livrés à l’oisiveté où contraints d’aller ailleurs pour se distraire. Nos interlocuteurs nous confient qu’à Choukrane, il n’y a ni salle de sports, ni aire de jeux, ni stade matico, ni bibliothèque, ni encore moins de foyer de jeunes. «Ici c’est le désert absolu. Les jeunes sont livrés à eux-mêmes. On aurait aimé disposer d’un foyer de jeunes ou un stade matico, mais il n’y a rien de tout cela. Nous sommes vraiment marginalisés à Choukrane», explique-t-on. Ces jeunes ne comprennent pas pourquoi cette politique de deux poids deux mesures, adoptée par les élus de la municipalité qui trouvent les moyens de réaliser des infrastructures partout à travers la commune et pas à Choukrane. «Nous sommes des habitants de la commune et nous réclamons un peu de considération», s’insurge-t-on.
Le raccordement à la fibre optique reste un projet
Les habitants de Choukrane reviennent aussi sur un projet de réalisation de la fibre optique inscrit au profit de la localité mais qui n’a, selon eux, jamais vu le jour. Les habitants disent avoir interpellé les responsables d’Algérie Télécom sur ce projet, l’été dernier, mais jusqu’à présent rien n’est fait pour permettre aux citoyens de disposer de lignes de téléphone fixe et d’internet. Nos accompagnateurs ont aussi évoqué des chutes de tension électrique, l’absence d’une agence postale, le manque du transport scolaire et l’indisponibilité du foncier dans la localité. Des problèmes qui attendent toujours une prise en charge de la part des responsables locaux. Nos interlocuteurs disent être victimes de marginalisation de la part des mêmes responsables.
Djamel Moulla