«Une production qui exige de gros moyens»

Partager

Ahcène Osmani est l’un des cinéastes les plus prolifiques des ces trente dernières années. Dans cet entretien, il parle de son nouveau film tant attendu par le public, Izmawen n’ ldzair (Les lions d’Algérie), qui retrace la période entre 1945-1962.

La Dépêche de Kabylie : Qui est Ahcène Osmani ?

Ahcène Osmani : Je suis né à Tighilt El Hadj Ali, à Larbaâ Nath Irathen, pendant la guerre de libération. Je suis auteur et réalisateur de cinéma. Avec le collectif de l’UNJA et les étudiants de l’université d’Oued Aissi, nous avons monté le premier film en tamazight Ithlelli (Pour la liberté), en 1982.

Parlez-nous de vos débuts et pourquoi ce choix du film révolutionnaire ?

N’oubliez pas que je suis fils de chahid et issu d’une famille révolutionnaire. Je fus très tôt témoin des atrocités commises par le colonisateur. Je me suis fait un devoir de porter à l’écran ce que le peuple algérien a enduré. Quant à mes débuts, je les ai faits au ciné-club d’Irdjen. En 1978, j’ai suivi les cours de René Vautier qui nous a bien formés dans le documentaire révolutionnaire.

Peut-on connaître certaines de vos productions ?

Il y a eu d’abord le premier film «Pour la liberté» en 1982, puis en 1985 «Scouts algériens», en 1987 «Les héros du Djurdjura témoignent», en 1999 «L’homme de paix», un hommage que j’ai rendu à René Vautier, en 1995 «Novembre mon amour» ; «C’est un homme mon fils» (Abane Ramdane), en 1996 «Les montagnes se souviennent» et «les Massacres du 8 mai 1945», en 2000 «Regard sur l’Algérie», en 2003 «L’homme de dignité» (Ali Mellah), en 2009 «Les offensives de la liberté». J’ai signé jusqu’à présent 24 films entre courts et longs métrage. Il y a les documentaires thématiques, tels «Les Bijoux de Beni Yenni», «Le bois sculpté de Djemaâ et Tizi Rached», «La poterie d’Agouni Gueghrane», «Le tapis d’Ath Hichem», «L’homme et la nature», «L’artiste sculpteur», «Le moulin à eau», «Moussem Taghit», «Les espaces marins»…

Vous avez commencé donc dans les années 80. Quelles difficultés avez-vous rencontrées?

C’était une période difficile, sous le parti unique. Pour mon premier film en Tamazight «Ithlelli», il m’a fallu aller voir Adelhamid Mehri, qui m’a ensuite envoyé chez Chérif Messaâdia, secrétaire général du FLN de l’époque. C’est le wali de Tizi-Ouzou de l’époque, le regretté M. Hamid Sidi Said, qui m’avait dit que pour cette réalisation, il n’avait aucune prérogative et qu’il nous fallait aller plus loin. M. Mehri me dira que seuls le président Chadli Bendjedid et Chérif Messaâdia pouvaient répondre à ma sollicitation. Mais je fus surpris de voir ce dernier accepter de me laisser faire le film, après quelques vérifications néanmoins. Lui ayant expliqué que nous n’avions ni les moyens financiers ni les moyens matériels, notamment des camions militaires et des armes, il appela le général Attailia et lui ordonna de nous faciliter les choses. Le film fut projeté le 4 juillet 1982, à l’occasion de la célébration du 20° anniversaire de l’indépendance.

Revenons-en à cette superproduction que vous avez commencée en 2008, Les Lions d’Algérie. Peut-on espérer la voir bientôt ?

In Challah en 2020. Le projet est à sa phase finale. C’est un film qui aborde la période allant de 1945 à l’indépendance, notamment les événements du 8 mai 1945

Comment a germé l’idée du film ?

Au début, nous voulions nous limiter à la Wilaya 3 historique. Mais, après avoir pris attache avec le ministère des moudjahidine, nous avons décidé d’en faire un film d’envergure. Il fallait seulement l’aval du Président de la République. Quinze jours après, nous avons eu l’OK. Nous avons contacté les Moudjahidine, les historiens, les techniciens comme l’équipe d’Amar Laskri. Le scénario se compose de 525 pages. Déposé au centre de recherche historique, il n’a été approuvé qu’une année après, parce que chaque page a été décortiquée et analysée.

Et maintenant, est-ce prêt ?

Le vrai travail ne fait que commencer. Les acteurs principaux, nous les avons fait venir de France et d’ailleurs. Mais les figurants, nous devons les recruter ici en Algérie. A Tizi-Ouzou, nous avons eu 147 comités de villages qui ont présenté les fiches casting à la Direction de la Culture. Je signale au passage que nous avons atteint 37 000 figurants. Je tiens à signaler que M. Ould Ali El Hadi nous a beaucoup aidés lorsqu’il était directeur de la culture. Son travail a été poursuivi par madame Nabila Gouméziane. Je tiens à les remercier pour leur aide indéfectible. Le même travail s’est fait à Sétif où nous avons eu 4 000 figurants et il s’est poursuivi à Mila, à Jijel, à Constantine, à Tébessa et à l’Ouest du pays et même au sud. Vous savez que nos moudjahidine ont fait toute l’Algérie. Il y a ceux qui sont de l’Est et ils sont partis vers l’Ouest, Ceux du Nord vers le Sud et vice-versa.

Pourquoi tout cela ?

C’est un film dans lequel nous revenons sur de grandes batailles et sur les manœuvres militaires tels les essais nucléaires de Reggane. Mais, il nous faudra beaucoup de moyens parce que nous ferons des reconstitutions fidèles. Plusieurs scènes vont concerner l’armée de terre, la marine et l’aviation et les autres corps de sécurité. Au passage, je tiens à souligner que l’armée et les corps constitués se sont engagés à nous aider. D’ailleurs, ils l’ont fait, à travers les repérages que nous avons faits à Bordj Bou Arredj, à Bouira et ailleurs dans de nombreuses régions.

Tous les moyens sont disponibles en Algérie ?

Oui, mais, nous avons appris que notre pays a signé des conventions avec différents pays. Nous souhaitons donc que ce matériel soit importé de ces pays. Les scènes de reconstitution terre-mer-air exigent un matériel très développé dans ce domaine.

Où en est le projet à présent ?

Nous l’avons déposé bien avant d’autres films, mais je crois qu’il est un peu mis de côté. Pourquoi ? On n’en sait rien. Pourtant, à l’occasion de son discours du 1er novembre, le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a insisté sur l’écriture de l’histoire. Et nous nous inscrivons dans cette perspective. Même à l’APN, la commission a souhaité que ce film ait son OK le plus vite possible.

Etes-vous optimiste quant à sa concrétisation ?

Bien sûr parce. Il ne reste que les recommandations pour importer le matériel. Nous sommes prêts à lancer la production. J’espère que ce film sera prêt d’ici 2020. Chacune de ses scènes est une page d’histoire. Cela demande des efforts considérables et de gros moyens.

Un mot pour conclure…

Tout d’abord, je tiens à vous remercier de m’avoir donné cette occasion pour revenir sur ce projet qui me tient à cœur. Je souhaite que tout aille bien et vite. Ce sera une œuvre unique, jamais réalisée par un cinéaste jusqu’à aujourd’hui. Je rends un vivement hommage à notre armée qui nous a ouvert ses portes à chaque fois que nous l’avons sollicitée parce qu’elle est l’héritière de l’ALN.

Entretien réalisée par

Amar Ouramdane

Partager