Niché dans un massif montagneux, à une dizaine de kilomètres du chef-lieu communal, le village Ilougène, dans la commune d’Ighil Ali, se vide inexorablement de sa substance humaine. Par cohortes successives, les villageois ont abandonné leur clocher, pour aller se refugier sous d’autres cieux, pas forcement plus cléments. Pour rallier ce village rural, reclus et excentré, il faut emprunter une route escarpée, tortueuse et cahoteuse à souhait. «Il ne reste plus grand monde au village. Il n’y a plus qu’une poignée d’irréductibles, des retraités pour la plupart, vivant de leurs rentes viagères», lance un sexagénaire affairé à bichonner ses oliviers à l’entrée du village. «Les gens ne regagnent leur patelin que pour enterrer un proche ou ramasser leurs olives. Certains expatriés font de leurs maisons de campagne des résidences secondaires, qu’ils occupent uniquement le temps des vacances scolaires», ajoute-t-il. Illougène est comme figé fans le temps. Les ruelles sont désertes. Les herbes folles envahissent tous les espaces. En dehors de quelques rares demeures bien tenues, les habitations menacent ruine, avec une succession de masures délabrées, déclinant des murs lézardés et des toitures éventrées. «Depuis que l’école primaire a fermé ses portes, le mouvement d’exode s’est accentué. Les habitants ont plié bagage, à la recherche d’un travail et d’une école pour scolariser leur progéniture», souligne un retraité. «Dans le temps, nos ancêtres vivaient essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. De nos jours, ces activités ont presque disparu», explique, sur une pointe de nostalgie, un autre sexagénaire. Pour nos interlocuteurs, l’équation est toute simple : les campagnards prennent la clef des champs, car il n’y a rien qui puisse les retenir au village. «Nous sommes touchés de plein fouet par le dénuement et la misère. Il n’y a ni antenne de mairie, ni agence postale, ni dispensaire, ni commerce de proximité… Même la route du village est impraticable», déplore le même interlocuteur. «Dans un avenir plus ou moins proche, conjecture-t-il, Illougène sera complètement désert».
N Maouche