Depuis le fameux élan de solidarité sans précédent organisé en janvier 2014 par une association, dans la commune d’Aghribs, pour «sauver la petite Hayet», des dizaines d’opérations de collecte d’argent au profit des personnes malades sont organisées ces derniers temps en Kabylie.
Il est en effet désormais tr-s fréquent de voir ces jeunes avec dossard et boite en carton à la main à travers les rues des chef-lieu comme sur les routes à grande circulation solliciter la générosité des passants pour une aide à la prise en charge de tel ou tel malade. Ce qui a été une action d’exception est devenu une tradition. Elle tend même à devenir un phénomène sociétal qui renseigne sur l’aspect solidaire de la société algérienne, comme il dénude un système de santé en obsolescence dans notre pays. Rien que dans la wilaya de Tizi-Ouzou, le nombre de cas de malades transférés à l’étranger grâce à l’argent qui leur a été collecté, ou ceux qui sont dans l’attente de l’être, grossi de semaine en semaine. Impossible en tout cas de les quantifier, encore moins à répertorier les pathologies contre lesquelles ils sollicitent un transfert vers l’étranger. Ce qui peut-être certain, c’est que bon nombre de pathologies qui rangent ces malades ne sont pas soignées en Algérie. Est-ce par manque de moyens et matériels pour ce genre de spécialités médicales ? Seraient-ils liés à l’absence de spécialistes en ces pathologies ? Difficile de répondre formellement à ces questions tant que l’Etat, garant du droit à la santé des citoyens, tel que consacré dans la Constitution, n’est en mesure d’apporter des solutions à ces malades et à leurs proches. D’aucuns parmi les médecins et citoyens dont un proche en désespoir de guérison en Algérie s’accordent à dire que «le système de santé algérien est obsolète». Il est vrai que les dépenses dans le secteur de la santé sont considérables, notamment depuis 2003, afin de moderniser les services des hôpitaux en plateaux de radiologie, en blocs opératoires et autres matériel médical acquis auprès des firmes mondialement connues, il n’en demeure pas moins que le citoyen adopte de plus en plus une attitude repoussante envers la sphère soignante. Rien qu’en 2014, le secteur de la santé a bénéficié de l’équivalent de 12,1 % du PIB, soit 60 milliards de dinars. La Santé est ainsi le quatrième poste de dépense avec 366 milliards de DA dépensés en 2014. Qu’à cela ne tienne, les indices du comportement dubitatif et rebuffade envers le système de santé s’accroissent et se font jour dans plusieurs régions du pays. Le malade algérien, pour peu qu’il ait les moyens financiers ou qu’il ait un élan de solidarité autour de lui, préfère se faire soigner en dehors des frontières. L’émergence du tourisme médical a aussi favorisé cet état d’esprit. Les Tunisiens et Turques l’ont d’ailleurs compris et ouvrent systématiquement leurs frontières à nos malades qui sollicitent leurs cliniques. La facilité d’opérer des contacts et démarches afférents aux transferts grâce aux nouvelles technologies de communication, à l’instar de l’Internet, a fait voler en éclats l’hésitation ou la résignation des malades trainant des pathologies intraitables dans nos hôpitaux. Ainsi, ces derniers, au lieu d’être pris en charge par l’Etat, se font entourés par des associations et comités de villages ou de quartiers pour leur venir en aide. Ils se substituent de facto à l’Etat qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution révisée en mars 2016, devrait garantir «le droit à la protection de leur santé (…) et veille à réunir les conditions de soins pour les personnes démunies». L’incapacité des autorités de l’Etat à assurer les soins nécessaires ou à organiser le transfert vers les hôpitaux ou cliniques à l’étranger notamment via la Caisse d’assurance sociale, sont autant de paramètres et conditions ayant concouru à l’émergence, puis à l’accroissement du phénomène de collecte d’argent qui se fait en toute légalité. Les sommes collectées varient en fonction de la nature de la pathologie, de la durée de l’hospitalisation en pré et post opératoires, mais surtout du pays de destination. Depuis la fameuse collecte au profit de feue Hayat Ouakouak, qui n’a malheureusement pas pu profiter de l’élan de solidarité qui lui avait apporté près de 3,5 milliards de centimes, les actions de solidarité menée périodiquement à Tizi-Ouzou réussissent à rassembler entre 200 millions et 2 milliards de centimes. Les hôpitaux et cliniques français viennent en pôle position des destinations sollicitées par les proches des malades, vient ensuite l’Espagne et la Suisse en ce qui concerne les pathologies dites lourdes. La Tunisie est sollicitée notamment pour la chirurgie ophtalmologique, quand à la Turquie qui s’est lancée depuis peu dans une compagne de marketing à l’adresse des Algériens, elle est privilégiée pour les spécialités de neurochirurgie et d’orthopédie.
Mohand-Arezki Temmar

