»Des juges subissent des pressions des militaires et des politiques »

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Malgré la multitude de réformes adoptées, la justice algérienne reste toujours malade. C’est le président de la République lui-même qui a fait ce constat, avant-hier, lors d’un discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de la première conférence nationale des avocats tenue au Club des Pins, à Alger. Abdelaziz Bouteflika, qui a exhorté les avocats à se mettre au diapason des mutations exigées par la mondialisation, a reconnu, en effet, que la justice algérienne n’est pas encore indépendante. Mieux, le chef de l’Etat a avoué que la corruption fait encore des ravages dans le corps des magistrats. Et il a utilisé les termes qu’il faut. « La liberté de la justice passe par la liberté des juges qui perçoivent encore les deniers de la corruption », a martelé Bouteflika avant de lâcher, sur un ton amer, que « les juges subissent des pressions des militaires et des politiques dans l’exercice de leur fonction ». C’est en fait un secret de polichinelle que vient de dévoiler le premier magistrat du pays, lequel a préféré, cette fois, mettre le doigt sur la plaie en des termes crus. Cependant, le Président de la République ne désespère pas de vivre un jour dans une société qui aura une justice libre. « Il faut arriver à un temps où le juge ne sera guidé que par sa conscience, et nous y arriverons », a-t-il tranché avant de revenir sur les différentes étapes franchies par le projet de la réforme de la justice qu’il avait initié en 2001. Bien que la réforme commence à donner ses fruits, le Président Bouteflika insiste sur le fait que beaucoup de chemin reste à faire. « Nous devons valoriser ce qui a été déjà fait, mais ce secteur a besoin de plus d’efforts », a-t-il encore affirmé non sans préciser qu’à la réforme des textes, il faut ajouter celle des mentalités. Entre autres mentalités à changer, celles qui feront que la justice s’adapte à la réalité imposée par l’économie de marché. Abdelaziz Bouteflika, qui souhaite que les avocats s’inscrivent dans cette perspective, est revenu également sur des sujets déjà abordés par la société civile. Il s’agit notamment du dossier de la détention préventive, dont l’abus continue à faire des victimes. « Nous croyons à la séparation des pouvoirs, mais il faut se rendre à l’évidence qu’on ne peut pas tout changer du jour au lendemain, mais nous allons y arriver et cela est irréversible », a encore dit le chef de l’Etat.Selon le premier magistrat du pays, l’un des piliers essentiels de l’appareil judiciaire est l’avocat. C’est pour cela qu’il a insisté dans son discours sur la nécessité de renforcer le droit à la défense. El là, le Président ne s’était pas présenté avec les mains vides, puisqu’il a répondu favorablement à deux principales revendications des avocats. Ainsi, Abdelaziz Bouteflika a annoncé l’élaboration prochaine de la loi régissant la profession d’avocat. Un texte qui tarde à venir, d’autant que des lois similaires concernant les autres professions du secteur de la justice ont déjà été promulguées. La deuxième décision concerne, quant à elle, la création d’un institut national de formation des avocats. Jusque là, les avocats suivent leur formation dans les différentes facultés de droit. Le chef de l’Etat a justifié cette décision par le besoin de plus en plus croissant en matière d’avocats, notamment avec l’entrée de notre pays dans l’économie de marché.

Ali B.

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