Meissonnier à 11h. La ruelle jouxtant l’hôpital Mustapha grouille de monde, en cette journée printanière ensoleillée, des citoyens de tous les âges, vieux, jeunes, moins jeunes, ainsi que des familles profitant de la pause scolaire de leurs enfants, sont venus faire leurs courses. Ici, ces maigres bourses trouvent leur choix à bon marché. De la marchandise de toutes sortes et de tous les horizons y est étalée à même le sol. Les commerçants y ayant leurs magasins ont suivi ce courant malgré eux. Devant “le boycott” de leurs boutiques par ces acheteurs qui préfèrent les produits exposés sur les trottoirs, qui affectent moins leur pouvoir d’achat, ils ont fini par exposer leur marchandise de la même façon. A l’intérieur des magasins, point d’acheteurs, la première ligne commerciale ne laisse à la deuxième que des miettes, seuls quelques clients attirés par les commerçants à l’extérieur des magasins s’y rendent. La négociation est moins ardue et plus fructueuse à l’extérieur. “Si vous trouvez un meilleur prix ailleurs, je vous rembourserai votre argent”, annonce un vendeur à l’égard d’une personne qui se plaint de la cherté d’un objet qu’elle voulait acheter. La ruelle très étroite permet juste aux vendeurs à la sauvette d’exposer leur marchandise. Quant aux piétons, ils trouvent du mal à se frayer un chemin. Par-là on négocie, par-ci on s’enquiert des prix ou on scrute la marchandise. Toutes sortes de produits sont disponibles : tissus, habillement, vaisselle, magazines, livres, fruits, légumes, produits cosmétiques, etc.
La mode est aux pétards
En montant vers le marché de Meissonnier, la qualité des produits exposés se diversifie de plus en plus.On y trouve aussi des spécialités maison à l’instar de “mhadjeb” et de “rfis”.A cette heure de la mi-journée, les véhicules osant passer par là, se voient coincés par la densité de la foule. Nous arrivons à la pente donnant sur le marché “officiel”, une voiture passé sur des objets étalés sur le sol, le propriétaire fustige le conducteur : “Tu sais que cela coûte 900 DA’’, lui cria t-il. Dans ce monde, le moyen de communication s’appelle argent, certains tentent d’élever la somme d’autres essayent de la réduire.Les cris des vendeurs sur les espaces publics, pour leur majorité des jeunes, dont certains sont diplômés, remplissent l’atmosphère. Qui pour informer sur la disponibilité d’un produit et qui pour faire connaître le prix. Dans un langage populaire qui fait passer le message à merveille, ces vendeurs n’ont pas besoin de sortir d’un établissement spécialisé pour attirer les clients et vendre leurs produits, leurs messages sont bien reçus “stiki darek bach tzoukhi ala djartek” (embellis ta maison pour susciter l’envie de ta voisine), crie un vendeur de fleurs, un message clair, avec rime à l’appui.En ces temps qui précèdent le Mouloud, la nouveauté sur le marché consiste en les pétards. Des marchands s’y sont spécialisés. “Si les rues sont ornées par ces vendeurs, les grossistes en la matière ne sont pas encore entrés en lice’’, nous dit un ancien vendeur de pétards qui a pris d’autres fonctions … “le sérieux ne sera sur le marché qu’à trois semaines de la date sacrée”, poursuit-il. Ce diplômé en comptabilité a fait recours au marché parallèle pour gagner sa vie. “C’est au port que ces produits sont achetés, ils sont cédés au kilo, cette année le prix de la marchandise a beaucoup baissé”, poursuit notre interlocuteur.Les prix pratiqués sont différents, une sorte de fumigène qui se vendait sur le marché réglementaire à 2000 DA passe à 750DA sur le marché parallèle. “Cette marchandise fait gagner beaucoup, la majorité des vendeurs installent leurs tables à coup de millions, l’année dernière j’ai démarré avec 5 millions de centimes, en l’espace de quelques jours le bénéfice a avoisiné les 3 millions de centimes”, nous dit toujours notre interlocuteur Les activistes sur le marché parallèle changent les produits de vente selon les saisons et les occasions, “après El Mouloud, les vendeurs des pétards vont se reconvertir dans la vente des habits de la saison estivale’’, ajoute notre interlocuteur.
Force du trabendo : des prix abordables
Les prix pratiqués dans le marché parallèle sont plus abordables pour les clients que ceux des magasins, ainsi des bonbons à 15 DA dans les magasins passent à 10 DA et des plaquettes de chocolat à 105 DA passent à 90 DA. Le marché parallèle a ses ‘’règles’’ et sa structuration, chacun de ses acteurs s’y conforme, son enracinement se réalise chaque jour un peu plus. Ses grossistes font recours à la location de locaux en guise de dépôts pour leur marchandise de différentes saisons et occasions.
Naïma B.
