L’Association des parents et amis des malades mentaux a organisé, avant-hier, au niveau de l’auditorium de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, le 3ème Forum de socio-psychologie et de psychiatrie sociale. Une rencontre dédiée en hommage aux enseignants décédés en 2016/2017, en l’occurrence le Pr Salhi Brahim, le Pr Slimane Medhar et le Dr Benabdellah Djaffar. Le forum était axé sur trois paramètres : – les approches socio-psychologiques, socio-économiques et psychiatriques quant aux souffrances des individus liées aux mutations sociales dans un mouvement de mondialisation ; – Les réalités des conduites à risque individuels liés aux dysfonctionnements sociétaux ; – Les implications sociopolitiques des mutations actuelles. Sous le thème «Eléments d’analyse psychosociale des souffrances d’origine sociale», le Dr Amireche, médecin psychiatre, s’est interrogé, entre autres, sur les expressions symptomatiques. «Dans le contexte actuel, depuis la fin des années 1990, la question d’une souffrance psychique d’origine sociale est advenue sur le devant de la scène d’une façon croissante. D’abord pour nous, par le malaise des intervenants dans le travail social et psychique, c’est-à-dire sur une scène clinique, celle des questionnements sur des expressions symptomatiques qui renvoient aux carences d’autorité, aux déficits de repères et des troubles de l’identité. C’est en effet curieusement par le malaise des intervenants que le malaise dans la culture nous a interpellé par son influence dans l’émergence de nouvelles valeurs et normes, notamment chez les jeunes», dira-t-il. Pour étayer ses propos, l’orateur catégorise l’attitude des Algériens en deux postures : «Dans le cas des Algériens, nous constatons qu’ils adoptent essentiellement deux postures selon qu’ils soient ‘’une foule’’ reproduisant un mini ‘’corps social’’ ou en ‘’individu’’. Quand ils sont en groupe, entre eux et même dans des espaces hostiles, ils affirment et donnent à voir avec théâtralité et affection une fierté parfois surdimensionnée, et la surenchère est toujours de mise, à qui affirmera plus fort sa fierté d’être Algérien. Quand ils se retrouvent en petit nombre, ou en minorité (seul), nous voyons surgir un discours plus haineux de ce qu’il convient de nommer l’appartenance, au pays, pouvoir, histoire, identité… Ce qui rend à peine caché le désir d’être ailleurs et d’ailleurs, surtout face à des étrangers». En somme, le sentiment de précarité qu’occasionne l’appartenance sociétale confine parfois à la haine de soi, selon le Dr Amireche. Selon le conférencier, cette haine de soi ne vient pas seulement du système politique centralisateur et dictateur, bien qu’il y participe. Il émane d’un fonctionnement millénaire qui se renouvelle sous diverses formes. «Cette haine de ce que nous sommes est d’autant plus présente que le choix individuel est ignoré, que toute forme d’émancipation est un tabou… Et quand il s’éloigne ou désobéit aux règles du groupe, l’éloignement est rendu coupable de trahison, d’inconscience voire d’une obéissance au diable», soulignera Dr Amireche. Et de se demander : «Le problème qui se pose à nous, celui dont il s’agit ici, est de répondre à la question de savoir : Pourquoi ou du moins comment est-ce devenu plus facile aujourd’hui pour les jeunes de renoncer à la vie que leur société leur propose, quelles que soient les difficultés pour des recours plus durs, plus meurtriers ? Pourquoi l’irréversible est-il aussi captivant et le présent si décevant ?». Enfin, le conférencier estime qu’on pouvait éviter la situation actuelle à condition que «les repères historiques et identitaires soient clairement assumés et partagés par tous les Algériens, qu’une légitimité des personnes appelés à la représentation nationale puisse incarner un idéal partagé et surtout que leurs attachements aux identifiants et fondement soient réels».
Farida Elharani