Il était une fois Iâttaren…

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Il y avait toujours la foule quand ils arrivaient dans un village. Ils sillonnaient les villages avec de la marchandise à dos de mulets et souvent à dos d’ânes. Les villageois les appelaient «Iattaren», les vendeurs de parfums et autres produits de beauté. Mais en fait, ils ne vendaient pas que cela. Leurs lots étaient plus riches. Ces commerçants ont disparu vers le milieu des années 70. A cette époque, là-haut sur les hauteurs des montagnes, c’était vraiment un autre âge. Sans routes, sans électricité, les villageois trouvaient en ces commerçants ambulants une véritable fenêtre sur le monde extérieur. Ces commerçants assuraient aussi la tache de diffuseurs d’informations sur l’actualité dans les villages. Dans les années 60 et la première moitié des années 70, ces commerçants assuraient l’approvisionnement des populations depuis les marchés hebdomadaires ou carrément les grands centres urbains. Arrivés sur la place du village, ils lançaient des «Ayyaw». Leurs appels raisonnent encore dans les oreilles de ceux qui s’en souviennent. Quelques minutes à peine, ils étaient entourés d’une foule curieuse aux yeux grands-ouverts. Ils épiaient l’intérieur des caisses minutieusement accrochées à la selle du mulet ou de l’âne. Avec doigté et une gestuelle dont seul lui a le secret, le «Aâttar» sort ces produits en annonçant le prix. Il y avait souvent des tissus de couleurs vives destinés aux couturières. De ses mallettes, Aâttar sortait comme un magicien des objets hétéroclites mais qui trouvent toujours acquéreur ; parfums, peignes, aiguilles, fils, savons, miroirs, robes, châles et toute une panoplie de menus d’objets.Les parfums, un luxe, sont souvent jugés trop chers par les femmes qui souhaitaient toutes avoir un petit flacon dans la poitrine «ichiwi», dans ce cas, l’hôte propose des tubes de brillantine accessibles à certaines femmes. Ces petites bouteilles aux couleurs rose, bleue, vertes suffisaient à faire le bonheur et la fierté de celles qui arrivaient à se les offrir. En ces temps-là l’arrivée dans la place des villages de ces commerçants ambulants était toujours des moments de plaisir pour les villageois, les femmes surtout qui paradoxalement, étaient autorisées à sortir et négocier avec les marchands pendant qu’elles filaient comme l’éclair à l’intérieur des maisons au passage d’un homme étranger au village. Aller à la rencontre de ces hommes inconnus avait sa raison que nul ne discutait. L’organisation traditionnelle, contrairement à l’idée reçue, est très adaptée aux besoins spécifiques à chaque catégorie. Ce que l’on n’a pas aujourd’hui dans nos sociétés modernes dominées par la matière. De nos jours, le commerce a changé de nature et les village aussi. Mais si le village kabyle a fait du chemin vers le progrès, il a hélas perdu beaucoup de belles choses en cours de route.

Akli. N.

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