Le printemps est la saison où les montagnards profitent des produits des champs pour faire divers mets à base d’herbes sauvages.
En cette saison, on déguste «Aghighach», la galette aux herbes, «avazine» et tant d’autres. Mais c’est surtout le couscous aux chardons d’Espagne (taghediwt) qui est le plus prisé des fins gourmets. «On ne peut pas passer la saison sans en manger plusieurs fois», dit l’un, alors que d’autres qui en consomment sans retenue disent «je peux en consommer toute la semaine matin et soir sans me rassasier». Ce qui expliquerait peut- être que la demande sur le produit est si importante qu’il est maintenant vendu dans le commerce, même à Michelet où l’on en trouve habituellement au détour de chaque virage. «Depuis que j’ai vu des villageois vendre le petit lait, rien ne m’étonne plus », répond un vieil homme à son compagnon qui attire son attention sur des bouquets de chardon d’Espagne mis en vente chez les marchands des fruits et légumes. Il rappelle que de son temps, on donnait les figues, les cerises «ighi» (le petit lait) et même du lait aux malades. «Quant à thaghediwt, l’idée ne serait jamais venue à personne d’en vendre. Ce serait ridicule». «Maintenant, beaucoup de choses ont changé», ajoute son compagnon. Cette année, plus que les autres, ce légume qui pousse facilement dans nos champs a investi les étals des commerces, à un prix dépassant tout entendement. Les amateurs de couscous avec thaghediwth doivent mettre plus de six cents dinars pour satisfaire leurs papilles gustatives. Deux à trois bouquets à raison de deux à trois cents dinars l’unité sont nécessaires pour un bon repas. Trop cher, surtout pour des habitants d’une région, habitués à en consommer sans dépenser le moindre sou. Cela sans compter que «thaghediwth doit être cuite, selon le goût de chacun, avec des fèves, des pois chiches. Certains aiment y adjoindre de la viande séchée ou de la viande fraîche. Elle est ensuite mélangée au couscous, le tout agrémenté d’huile d’olive. Appelé aussi «scolym», le chardon d’Espagne ou simplement «le chardon» est une plante très appréciée des habitants de Kabylie qui la consomment sans modération, en cette période de l’année. Dans les villages, on continue à en donner à ceux qui n’en possèdent pas. Cependant, comme depuis des générations, dans tous les potagers familiaux, il y a un coin appelé «tarha», réservé à cette plante dont on prend soin durant de longs mois avant qu’elle arrive à maturité au début de l’automne. Avec l’arrivée des chaleurs, elle durcit et fleurit, attirant les chardonnerets qui prennent le relais des humains pour se délecter de ses graines.
A.O.T.

