Des élèves désertent les établissements scolaires pour écumer garages, sous-sols et autres bâtisses inoccupées. Ils se désintéressent de l’enseignement public, pourtant gratuit, pour souscrire aux cours sonnants et trébuchants. Dès l’entame de l’année scolaire, ces apprenants et leurs parents cavalent derrière les cours payants, lesquels sont souvent dispensés dans des conditions déplorables. En toile de fond, l’obsession du résultat et de la réussite scolaire. «Ma fille, qui est arrivée en classe d’examen, m’a demandé de lui payer des cours supplémentaires pour perfectionner son niveau. Jai longtemps hésité avant d’accéder à sa demande. J’ai voulu lui faire plaisir, et ne pas avoir à endosser la responsabilité de son éventuel échec à l’examen», dira la mère d’une élève scolarisée en classe de terminale, au lycée Mohamed Haroun d’Akbou. Dans cette ville populeuse, comme dans les autres localités de la vallée de la Soummam, cette pratique lucrative est une tendance lourde. Une véritable lame de fond qui a suscité une curée sans précédent. Si, au départ, la pratique était limitée aux seules classes d’examens, elle a progressivement fait tache d’huile pour s’étendre à tous les cycles et à tous les niveaux scolaires. De la première année primaire à la troisième année secondaire. Pourquoi les apprenants troquent-t-ils les bancs de l’école publique contre ceux, pas forcément plus douillets, de ces espaces d’enseignement underground? «Certains enseignants assument une large part de responsabilité dans l’émergence de ces écoles parallèles. Ils bâclent délibérément les cours pour inciter implicitement les élèves à se rabattre sur les cours de soutien, qu’ils assurent eux-mêmes avec une application sans égale», tranche un directeur d’école d’Akbou. Des parents estiment que depuis que ces cours payants ont fait florès intra muros, bien des enseignants sont comme frappés d’immobilisme. «Tous ce dont nos enfants sont privés dans les salles de classe de l’école publique, ils y accèdent avec une facilité déconcertante dans ces cours informels», déclare un père de famille, dont deux enfants scolarisés au primaire, suivent les cours de soutien. «Nous n’avons d’autre choix que de suivre la tendance, sous peine de se retrouver éjectés du système éducatif en fin de cycle et devenir la risée des voisins», dira un autre parent résident du quartier Tiherkatine, sur les hauteurs de la ville. Faisant feu de tout bois, les promoteurs de ces cours de soutien ratissent large pour briser la frilosité des plus récalcitrants. Sans scrupule aucun, d’aucuns usent d’une réclame agressive, à la limite du racolage. «Nous assumons pleinement cette pratique qui augmente considérablement les chances de réussite des élèves. Ces derniers et leurs parents consentent délibérément et ne regrettent jamais leur choix», réplique le gérant de l’une de ces écoles parallèle, en revendiquant des résultats satisfaisants aux différentes cessions d’examens. Sollicité pour donner un avis sur la question, un ex inspecteur de l’Éducation estime qu’il y a maldonne et perversion de la mission éducative de l’école publique. «Le fait que ces cours soient donnés à titre onéreux fausse le jeu. En plus de décrédibiliser l’école publique, on laisse sur le bas côté de la route les familles qui n’ont pas de quoi se payer ces cours», souligne-t-il, avant de conclure : «Même la fonction de ces cours de soutien est dévoyée, car à l’origine, leur raison d’être est une mise à niveau pédagogique, permettant aux enfants accusant des difficultés d’apprentissage, de combler leurs lacunes».
N Maouche.