Un jeudi d’émeutes !

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La ville de Fréha a vécu, avant-hier, au rythme d’émeutes entre forces de l’ordre et des citoyens du village Ajerrar. On dénombre cinq blessés et un camion de la mairie saccagé.

Les commerces du boulevard qui mène vers le siège de l’APC étaient tous fermés. A l’origine, la fermeture de la mairie par les villageois d’Ajerrar en guise de soutien aux trois membres du comité de leur village suite au dépôt d’une plainte contre eux par le P/APC de la localité, M. Azizi. Dès la matinée, un rassemblement pacifique devant le portail de la mairie a été organisé, avec des pancartes où on pouvait lire des slogans tels que «Ajerrar uni derrière son comité», «Non à la mafia du foncier à Fréha» ou encore «Non aux intimidations». La situation a dégénéré dans l’après-midi, lorsque les forces de l’ordre sont intervenues pour rouvrir le portail de la mairie. S’en suivirent alors des affrontements. Le calme n’est revenu que vers 17 heures, mais la situation reste tendue car les habitants d’Ajerrar considèrent l’utilisation de la force publique à leur encontre comme une forme de mépris, «vu que d’autres villages ont déjà procédé à la fermeture de ladite mairie sans que le maire ne fasse appel à la force publique». La genèse de cette affaire, qui remonte déjà à plusieurs mois, commence par le projet d’implantation d’un pôle urbain de 882 logements publics locatifs (ex-social) au village d’Ajerrar. Ce que ses habitants refusent mordicus. La goutte qui a fait déborder le vase est la délimitation d’un cimetière par les villageois à l’intérieur des 30 hectares destinés à accueillir ledit futur pôle urbain. Et le dépôt d’une plainte par le P/APC contre trois membres du comité du village a fait sortir les villageois de leurs gongs pour dénoncer cet acte. Le maire de Fréha, qui nous a reçus dans son bureau, estime quant à lui qu’il est de son «droit et devoir, en tant que premier magistrat de la commune, de veiller aux intérêts de la localité». Concernant ce projet de 882 logements, il affirmera : «C’est là un projet de logements publics locatifs accompagné de plusieurs équipements publics, à savoir un lycée de 800 places, un CEM, une école primaire, une polyclinique, une salle omnisport, 28 locaux commerciaux et une mosquée… Les bénéficiaires de ces logements seront tous des citoyens résidant dans la commune qui seront choisis sur la base du principe de priorité. Quant au choix du terrain, il s’agit d’une assiette d’environ 30 hectares de terrains communaux à 100%. L’agence foncière de Tizi-Ouzou détient l’acte de propriété depuis 1962, et le droit de lotir depuis 2000. Donc, il appartient juridiquement à l’État qui est considéré comme une personne morale qui détient tout droit d’exploiter ses propriétés». Le maire a énuméré les avantages et la valeur ajoutée de ce projet qui, insiste-t-il, «apportera un plus à la région entière. C’est là le plus important projet accordé à la région depuis l’indépendance. C’est un acquis qui apportera beaucoup d’avantages : le développement du transport autour de cette localité, la prospérité du commerce, une attractivité pour des investisseurs et la création d’emplois, en plus d’un logement pour plus de 4 500 citoyens et préparation d’un futur chef-lieu s’il y a un nouveau découpage administratif…». Ce point de vue n’est pas partagé par le comité du village Ajerrar qui, par l’intermédiaire de son vice-président, M. Ibsaine, affirme: «L’implantation d’un pôle urbain de cette dimension, qui est l’équivalent de la ville de Fréha, est une politique de clochardisation bien orchestrée et qui est incompatible avec la sociologie de la région (…) La région est un bassin laitier très important et a une vocation agricole. D’ailleurs, la direction des services agricoles a procédé à la réalisation d’une retenue collinaire en amont et à l’aménagement de pistes agricoles en aval. La population tient à la sauvegarde de la vocation première du village. L’urbanisation n’apporte que délinquance et fléaux sociaux». Concernant la question de la délimitation du cimetière au milieu de la zone, objet du conflit, le représentant du village Ajerrar avance que «les villages Talla Tgana, Ajerrar, Aït Mhend Vaagu et Tirsatine avaient déjà délimité cette parcelle en 2003 pour servir d’un nouveau cimetière et l’assemblée des villages de 2015, validée par un huissier, a aussi validé ce choix». Bien que les deux parties se disent toutes deux ouvertes au dialogue, il n’en demeure pas moins que chacune d’elles campe pour l’heure sur sa position.

M.I.B.

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