Nos aïeuls procédaient à l'irrigation de leurs champs, plantés de maraîchages et d'arbres fruitiers, via des systèmes ingénieux de rigoles qu’ils aménageaient en captant l’eau des rivières.
De nos jours, ce système tend à être abandonné à cause de l’urbanisation galopante d’une part, et du délaissement progressif de l’agriculture, constaté un peu partout avec des terres laissées en friche. Dans la commune de Chorfa, située à 50 km du chef-lieu de la wilaya de Bouira, il existe tout un réseau d’irrigation qui daterait de plusieurs siècles. Comme la municipalité est parcourue par l’oued Tiksiridène, qui sourd des hauteurs des contreforts méridionaux de la chaîne montagneuse du Djurdjura, les aïeux de la localité ont pu capter, via une rigole, l’eau de cette rivière qui coule de manière intermittente. Il s’agit de la rigole qu’on appelle localement Targa Ouguellid (la rigole du roi). Le nom de ce petit canal a donné du fil à retordre à tous ceux qui cherchent son origine. «Pourquoi a-t-on donné ce nom à cette rigole?». Une énigme qui reste sans réponse à ce jour. Comme le nom Aguellid est utilisé depuis l’antiquité et trop peu de nos jours, à moins qu’il ait été «déterré» récemment, cela suppose que l’existence de cette rigole remonterait à plusieurs siècles. Qu’à cela ne tienne, s’il y a des chercheurs intéressés par l’histoire de ce réseau d’irrigation traditionnel, ils auront indubitablement du pain sur la planche. En l’absence de documents et d’écrits relatif à ce sujet, il est très difficile de remonter à l’époque et aux conditions dans lesquels tout ce système a été installé. De toute manière, cette rigole continue de fonctionner même si elle a « perdu » beaucoup de terrain à cause de l’urbanisation tous azimuts, puisqu’elle a été « déviée » de plusieurs endroits. Le visiteur de la localité de Chorfa pourrait constater de visu l’eau limpide qui coule dans une rigole qui longe sur plusieurs kilomètres la RN15, en allant se déverser dans des champs d’oliveraies «rescapées» du béton. L’eau coule avec force en débordant parfois, lorsqu’il pleut, sur l’asphalte de la RN15. Même si cette manne aquifère, qui provient de l’oued Tiksiridène, est quelque peu polluée, elle garde sa limpidité. L’eau coulant à flots dilue les agents polluants comme les eaux usées, les margines de la précédente campagne d’olivaison, les lixiviats des déchets, etc. Nonobstant les multiples mises en garde du bureau d’hygiène communal de Chorfa quant à l’utilisation de ces eaux polluées, il y a toujours des paysans qui irriguent leurs champs avec ce liquide, dont la teneur en matières et métaux toxiques est néfaste. D’aucuns, à Chorfa, souhaitent la réhabilitation de ce système d’irrigation ancestral qui laisse derrière lui des siècles d’histoire. «Ce réseau d’irrigation, aménagé de fort belle manière par nos ancêtres, mérite d’être sauvegardé, car il constitue un patrimoine local à préserver coûte que coûte. Et puis, sa réutilisation ne souffrirait d’aucune contradiction étant donné qu’il peut servir comme auparavant avec la force gravitaire. Mais avant cela, il faudra dépolluer la rivière de Tiksiridène», préconise un amoureux du patrimoine ancestral.
Y. Samir.