Moh Ouali, le rossignol des Ivahriyen

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Le rossignol du littoral kabyle, Moh Ouali Tizi-Temlelt, de son vrai nom Mohammed Hakem, s’est éteint des suites d’une longue maladie, le 26 septembre 2015, à l’âge de 81 ans, à Iflissen. Il repose dans le cimetière de son village natal Tizi-Temlelt.

Le chanteur chaâbi Moh Ouali Hakem…

Da Moh Ouali naquit dans ce petit village de la Kabylie maritime en 1934. Il mènera une enfance identique à celle des enfants de sa génération. Il fera paitre son troupeau dans les maigres alpages environnants et se livrera aux travaux des champs. En 1952, il partit en France pour travailler comme tous les jeunes de sa génération que le village de gré blanc niché sur une colline surplombant la mer ne parvient pas à nourrir. Il connut cette vie de l’émigration parisienne faite de durs labeurs au chantier, ou pour les plus chanceux aux usines de Renault et Citroën. Une vie faite de soirées aux bistrots tenus par un gars du bled, puis, pour certains, de nuitées dans les caves de ces mêmes cafés. C’est là qu’il connaitra sa première mandole, durant des soirées animées par Slimane Azem, Cheikh El Hasnaoui, Dahmane Elharraci, les maîtres du Chaabi. Les airs des complaintes de l’émigration l’emporteront comme ils emportaient leurs auditoires faits de travailleurs de la peine, nostalgiques de leur terre natale, de leurs familles et de leurs enfants. Da Moh Ouali se fit très vite un nom, par sa maitrise de la mandole et sa voix de rossignol. La proclamation de l’indépendance, le 5 Juillet 1962, il l’apprendra à Paris. Lui, le militant de la cause nationale dans les rangs de l’émigration. Il est d’ailleurs reconnu Moudjahid et fut pensionné jusqu’à sa mort.

La mandole pour l’indépendance…

Il composera une chanson, le soir du 05 juillet «Tamurtiw atin helmlegh, ezzman ivedel am targit !» (Mon pays, mon amour, ton histoire a changé comme dans un rêve). Le militant, l’enfant écrasé par le colonialisme qu’il était a su trouver les mots définissant le cauchemar de 132 années de présence française qui prenait fin.

La mandole sublimant la femme kabyle…

«Achal techveh Teqvaylit, tezzgua guir halla, Tarwa le3tev am taklit etkheddem lekhla…Tura tughal tsahurit maatchi ed menwala ! » (Sublime femme Kabyle, toujours en peine, esclave hier des travaux des champs, elle est aujourd’hui libre et digne).

La mandole de l’amour déçu….

«Uh a Ftama a3zzizen, azzin iruhen…lakhyalim urdatsugh arama chudent walen ! ». (Ô Fatma chérie, amour perdu..Je ne t’oublierai pas jusqu’à ma mort). Il faudrait des pages entières pour parler des œuvres de feu Da Moh Ouali Tizi-Temlelt. Rachid Mokhtari, éminent spécialiste de la chanson Kabyle serait plus à même de parler de son répertoire, lui qui était son ami intime. Il a publié un très bon reportage sur lui, il y a quelques années.

Le chanteur adulé dans sa région…

Son village Tizi-Temlet voyant son état de santé décliner, lui a rendu un hommage historique de son vivant, le 20 août 2008. Les jeunes du comité du village avaient réussi leur pari. Sur la scène s’étaient succédé da Moh lui-même qui chantera deux chansons, puis les chanteurs Cherif Hamani, Ali Ideflawen, une chanteuse française du groupe de Johnny Halliday qui chantera pour l’occasion une chanson d’Edith Piaf, en rappelant que «Edith est Kabyle d’origine), puis le célèbre Fahem…

Da Moh Ouali a réintégré son pays natal dans les années 60 et travaillera jusqu’à sa retraite à Rouiba. Entretemps, il animera des fêtes de village tous les étés, drainant un public énorme de toutes les tribus, jusqu’à ce que sa maladie (Asthme) finisse par l’affaiblir et avoir raison de lui.

Ferhat Tizguine

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