Comme pour chaque distribution de logements sociaux et c’est désormais une tradition en Algérie, les contestataires sont souvent plus nombreux que les bénéficiaires de ces logements. Hier matin, il y avait foule devant le siège de la Daïra de Bouira et pour cause, plus de cinq cent personnes attendaient des explications au sujet de certains noms figurant sur la liste des bénéficiaires des logements. Des éléments de la police, en faction devant l’édifice administratif semblaient débordés devant la foule en délire qui voulait se plaindre directement au chef de daïra. Une délégation de quatre personnes a été invitée à prendre parole avec le premier responsable de la daïra, tandis qu’à l’extérieur la tension est montée d’un cran. “Nous allons tout brûler pour leur faire comprendre notre mécontentement” s’écrie un jeune qui aurait, selon ses dires, déposé un dossier en 1999. Aussitôt rejoint par d’autres contestataires, les journalistes de la presse locale seront submergés par les citoyens non bénéficiaires de logements sociaux : “Ecrivez que nous sommes victimes de la “hogra” administrative…les logements ont été attribués par piston à des gens étrangers à la commune…” Des noms de personnes, sont ainsi cités par les citoyens en colère et c’est parmi ces noms que l’on retrouve celui d’un ancien président du club de football local : “Il est inadmissible que des entrepreneurs que tout le monde connaît à Bouira, puissent se retrouver bénéficiaires d’un logement social”. Les contestataires sont unanimes pour dresser un tableau peu reluisant de la situation, plus que précaire qu’endurent certains d’entre eux. L’exemple le plus marquant est sans nul doute celui de B. Rachid, un jeune homme amputé d’une jambe en 1997, alors qu’il effectuait son service militaire : “Je me suis sacrifié pour la nation et pour l’Algérie, je suis invalide suite à l’explosion d’une bombe, alors qu’on effectuait une opération de ratissage…aujourd’hui je vis avec le demi-frère de mon père dans un taudis…j’ai déposé ma demande de logement en 1997, la commission de daïra est sortie pour l’enquête et elle a constaté l’état d’insalubrité dans lequel ma femme et mes deux enfants vivent,” nous dira le jeune invalide, les larmes aux yeux. D’autres citoyens racontent leur misère quotidienne et ne savent plus quoi faire pour pouvoir figurer sur la liste des bénéficiaires. “On nous a promis que nous serions prioritaires lors de la prochaine distribution de logements sociaux, or il n’en est rien, nous vivons dans le haouch Meziane Youcef et nous ne disposons toujours pas de réseau d’assainissement…imaginez les conditions de vie pour moi et mes quatre enfants dont l’aîné de 21 ans dort à mes côtés” révèle une femme en pleurs. L’attribution de ces 260 logements n’a pas suscité que du mécontentement, car du côté des anciens squatteurs du Fort turc, quelques familles ont enfin bénéficié d’un logement après plusieurs années de déchéance. Il était onze heures trente lorsque la délégation qui avait rencontré le chef de daïra est ressortie, visiblement insatisfaite par les déclarations du responsable : “On nous demande de déposer nos recours au niveau de la wilaya pour arrêter définitivement cette liste qui n’est que temporaire. Le chef de daïra affirme qu’il demeure à l’écoute de toutes les doléances des citoyens et qu’il est prêt, sur base de preuves tangibles à réexaminer les dossiers des bénéficiaires au cas par cas” dira un membre de la délégation qui pour sa part réaffirme sa détermination à voir le retrait pur et simple de cette liste. Soulignons que plus de 8000 dossiers ont été examinés par la commission de wilaya en collaboration avec les comités de quartiers nous apprend-on. Chose que réfutent les contestataires, qui affirment que les comités de quartiers n’auraient pas été sollicités pour leur collaboration. Il est vrai que la situation demeure extrêmement délicate et qu’il est difficile de satisfaire l’ensemble des demandes. A moins de réaliser 8000 logements sociaux dans les prochaines heures, cette crise risque de perdurer.
Hafidh B
