3 bières, 14 whiskies, 1 bouteille de vin et un homicide

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Cette déclaration est celle du prévenu condamné à une peine de 20 ans de prison par la cour criminelle de Béjaïa, pour avoir dans un état d’ébriété avancé, blessé son fils et tué sa femme avec une arme à feu, qu’il détenait illégalement. A la barre, quand sa fille Y, encore adolescente, est venu témoigner, il la fixe dans les yeux ; visiblement, il ressent une forte envie de la serrer dans les bras, mais il s’est contenté de lui caresser l’épaule et le surplus d’émotion l’a fait éclater en sanglots.Les faits de l’horrible drame qui a coûté la vie à Z., mère de 7 enfants remontent à l’après-midi du lundi 10 janvier 2005 et ont eu pour cadre le paisible village de la commune de Tibane.Ce jour-là, l’accusé, H.L., 70 ans époux de la victime, émigré en France depuis 47 ans où après avoir exercé divers métiers, finit par devenir patron d’un hôtel-restaurant, était descendu vers 8 heures du matin, comme à l’accoutumée à Sidi Aïch, distant d’une dizaine de kilomètres du village. Il s’est alors dirigé vers un bar où il a consommé, selon ses déclarations à l’audience 3 bières, 14 whiskies et une bouteille de vin rouge. Vers 1 heure de l’après-midi, il rentre chez lui en empruntant un fourgon de transport public de voyageurs. Arrivé à la maison, il ferme à clé, selon certains témoins, la porte de la cour et rentre dans sa chambre à l’étage, où il devait, déclare-t-il, sortir de l’armoire son pistolet pour le nettoyer. On apprend au cours de l’audience, que la porte de la cour restait habituellement ouverte dans la journée et que l’accusé avait avec son fils C., 24 ans, un différend à régler à propos de la Clio, que ce dernier prenait sans autorisation pour se rendre à Béjaïa où il suit des cours de TS en informatique. Le fils rejoint son père dans la chambre, où après un échange verbal violent il reçoit une gifle, selon sa sœur, de la part de son père. Puis un coup de feu fut entendu. La mère accourt, voyant son fils affalé sur le sol, elle crie, déclare à la barre, une vieille femme qui se trouvait dans la cour de la maison au moment du drame : “Inghayi mi, il m’a tué mon fils”. Mais sous la menace du pistolet encore fumant, elle se sauve. Il lui tire une balle dans le dos. Elle tombe. Il va jusqu’à elle, et voyant qu’elle était encore vivante, il lui dit, selon le témoin Y : “Ouraadh themouthete euh ? tu n’es pas encore morte ?”Et il lui tire une deuxième balle dans le corps. Ensuite, il remonte dans sa chambre, il ouvre les fenêtres et appelle les voisins à venir évacuer son fils et sa femme à l’hôpital. La partie civile et l’accusation se sont tout à tour attelées à démontrer, avec force arguments, la préméditation et le guet-apens du meurtre en insistant sur le fait que l’accusé avait fermé la porte de la cour alors que d’habitude, elle restait ouverte dans la journée et il sort ce jour-là, comme par hasard, un pistolet qu’il détient depuis 1982. La partie civile ajoute qu’un bon père de famille fait usage de son arme pour défendre ses enfants et sa femme et non pour les exterminer. Quant à l’accusation, à la fin de sa longue intervention, elle a requis une peine de réclusion criminelle à perpétuité.Assurée par deux avocats, la défense s’est évertuée à détruire un à un les arguments de l’accusation et de la partie civile, en plaidant la non-préméditation et l’absence de guet-apens. Elle soutient que l’accusé, au moment des faits était sous l’effet de l’alcool, mais surtout dans un état de démence passagère. La preuve, conclut-elle, c’est qu’une fois revenu à lui, comme sous l’effet d’une gifle, il a appellé lui-même les gens du village à venir secourir ses victimes.

B. Mouhoub

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