Difficile d’ailleurs d’y pénétrer à fond. Les strophes le composant sont en bourrade et les idées y sont vraiment troublantes. Il constitue, pour ainsi dire, la source ou bien l’acte de naissance de Nedjma, ce fameux roman. Loin de Nedjma est publié pour la première fois par Hafid Gafaïti en 1986 dans la revue Voix multiples, puis dans le livre Minuit passée de douze heures de Jacqueline Arnaud, pour une seconde fois. A travers ce poème, Kateb Yacine montre et rassure, encore une fois après Soliloques, une œuvre de jeunesse comme quoi il est de ces rares auteurs qui créeent à bon droit, réfutant avec la dernière énergie les visions prônées en pure perte. En somme, tout au long de ce beau texte, le mouvement et le dynamisme sont quasi permanents. Voici quelques extraits : “Loin de Nejdma DéchusPar notre fauteLoin de Nedjma…Qui nous exile du centre ?A la belle étoileRapprochons-nousMême si le ventNous disperse…Elle tue mes pouxEt je fais semblantD’être attendriAu fond je haisCette nécessité bouchèreMais elle aiguise De si tendres couteaux…Et je contemple tristementLes Arabes nageant dans ce mondeAvec des ailes carbonisées…Pour nousAmants terre à terreIl faut crier, hurlerPlus fort que les loupsCeux qui veulentDisparaîtrePeuvent baisser le ton”
Là aussi, Nedjma signifie la bien-aimée et la quête de l’Algérie, une Algérie en laquelle rêver et espérer seraient autorisés. Nedjma est donc simultanément femme et patrie. Deux “elles” tirant leurs formes d’existence d’une seule et unique âme que l’œuvre a, peut être, pu contenir. De surcroît, c’est l’auteur qui leur a voulu ce sort, ce destin. Seul lui, a la disposition de rendre humain l’une et laissant objet l’autre. Il a la perspicacité, le courage et la rapidité de traîner l’âme sur somme de pages, dans l’encre, entre deux “étoiles” qui lui sont chères. Cela est affirmé par tant de mots crus tel que la métempsychose. Un terme voulant dire transmigrer des âmes d’un corps dans un autre. Nedjma a, somme toute, la force de l’ubiquité. Elle vit et vivra très longtemps sans pour autant veiller à la longue. Car, elle est sauvage à ne pas domestiquer et elle est immortelle aussi.
Mohamed Aouine
