Par Amar Naït Messaoud
Pendant cet avant-dernier week-end du mois d’avril, le Parc National du Djurdjura a renoué avec l’effervescence de ses grands jours. Un vendredi festif et de travail a regroupé la famille forestière avec les invités du jour, à savoir le Comité olympique et la Direction de l’Environnement, pour une opération de reboisement symbolique sur deux sites de ce vaste espace, fleuron écologique et touristique situé à cheval sur les deux wilayas de Tizi Ouzou et Bouira. La famille forestière, ce sont tous ces agents du Parc National du Djurdjura et de la Conservation des Forêts de la wilaya, avec leurs directeurs respectifs, qui se sont investis pour faire réussir ce rendez-vous auquel se sont joints le wali de Bouira, le président du Comité olympique algérien, Mustapha Berraf, et un diplomate de l’ambassade de Corée. Il est vrai que la correspondance émanant de la Direction de la Jeunesse et des Sports de la wilaya de Bouira pour informer la presse du programme tracé à l’occasion de cette journée fait l’impasse sur les deux structures les plus concernées par les activités envisagées et le site choisi, à savoir le Parc du Djurdjura et la Conservation des Forêts. Ayant été mis au courant de cette »omission », M. Berraf répondra élégamment au Conservateur: « Sans vous, nous sommes rien ».En cette journée ensoleillée d’avril, la nature s’est parée de ses plus beaux atours malgré les séquelles bien visibles de la décennie de l’horreur qui a porté un coup dur au tissu végétal de la région. Dans la vallée, le nouveau barrage de Tilesdit (167 millions de M3), construit sur l’Oued Sahel en face de la ville de Bechloul, ajoute son grain de sel à ce magnifique décor. Les bosquets de la forêt des Azrou se reflètent langoureusement dans les eaux diaphanes et azurées du lac. Sur les piémonts, la régénération de la pinède, ravagée il y a dix ans par le feu, tisse une nappe de verdure qui, par une magie chromatique, complète l’azur du lac et du ciel. Au-dessous du mont Taouialt, culminant à 1677 m d’altitude, commence le territoire du Parc du Djurdjura institué par un décret de1983 sous la tutelle du Muséum national de la nature, réorganisé par un autre décret datant du 9 février 1991 en Agence Nationale de la Nature sous la tutelle de la Direction Générale des Forêts. Mustapha Muller, un ancien technicien d’origine autrichienne et ami de la révolution algérienne a longtemps exercé dans l’activité des parcs en Algérie. Mort et enterré il y a une dizaine d’années à Tamanrasset, il disait à propos de l’histoire du parc du Djurdjura : « Très rapidement après 1962, et avec tous les problèmes qu’il y avait, l’Algérie pensait à la création de ces parcs nationaux. Un des premiers accords que la jeune république avait conclus avec la Bulgarie était précisément un accord avec la Bulgarie était précisément un accord sur l’élaboration d’un pré-projet de récréation du Parc du Djurdjura. L’année 1983 était l’année de la légalisation de ces activités avec la promulgation du décret présidentiel portant ‘’Staut-type des Parcs nationaux’’. Je vois le Parc du Djurdjura en premier lieu dans un sens de préservation d’un ensemble d’écosystèmes extrêmement précieux qu’il faut ouvrir aux scientifiques et à un tourisme-nature. Pas n’importe quel tourisme. On ne va dans un parc qui a une faune et une flore pour se ‘’défouler’’ ! Certains parcs comme le Djurdjura pourront devenir des sources de devises fortes grâce à une clientèle étrangère qui viendrait voir, et en deux heures d’avion de l’Europe, une faune surprenante et en liberté ». Ce patrimoine inestimable, dont 8.000 hectares sont situés dans la wilaya de Bouira, est en train de renaître après une période d’incertitude due principalement à la situation d’insécurité qui a prévalu pendant plusieurs années. Cette conjoncture lui a valu un gigantesque incendie en 1999 qui a détruit une partie de la cédraie et de la chênaie autour du site de Tikjda. Les séquelles sont toujours là, représentées par ces arbres calcinés au-dessous desquels se régénère le tapis forestier. Des coupes d’assainissement sont déjà entamées pour nettoyer le parterre et aider la nature à reprendre ses droits.Devant l’assistance composée du wali de Bouira, du président du Comité olympique, du Conservateur des Forêts, du Directeur de l’Environnement, du Directeur des Services Agricoles et du diplomarte coréen, le nouveau directeur du Parc du Djurdjura fera une présentation générale de son territoire et expliquera les grands défis auxquels est confrontée cette entité particulière de l’espace naturel algérien.Le wali, à son tour, prendra à plusieurs reprises la parole pour situer la gestion du parc dans la stratégie globale de la wilaya en matière de défense de l’environnement et de promotion du tourisme écologique.Ayant fait observer que de telles initiatives qui se proposent de reboiser à la fin du mois d’avril, qui plus est avec des espèces aussi exigeantes que l’érable, sont venues tardivement, le Conservateur des Forêts de la wilaya de Bouira a lancé l’idée de faire p rendre en charge de telles opérations- et même des opérations ayant plus d’envergure- par tous les segments de la famille forestière (Parc cet Conservation) et leurs partenaires intéressés par la formule de sponsor (particulièrement certaines entreprises de réalisation) dès le début de l’automne. « Loin des feux de la rampe et dans un climat de convivialité, on peut faire acte d’efficacité et de pédagogie à la fois », assure-t-il. Les opérations de plantation auxquelles ont été associés des élèves venus de plusieurs localités ont concerné les deux sites appelés ‘’Le 8’’ et ‘’Chalet du Kef’’.Dans une zone limitrophe du ‘’8’’, tout près du site de Tikjda, nous avons constaté des parcelles de régénération mises en défens par le moyen de clôtures en grillage par l’administration du Parc du Djurdjura. Là, et suite à l’arrêt du pacage, une véritable remontée biologique est en train de voir le jour. De jeunes pousses de cèdre se fraient un chemin sûr au milieu d’une végétation hirsute héritée des conséquences des incendies. La délégation se rendra par la suite dans la dépression d’Assouil où est implanté un stade pour l’entraînement des athlètes. Nous sommes dans un couloir humide traversé par la RN33 et protégé par deux sommets rocailleux : Terga M’ta Roumi au sud (1976 m d’altitude) et Azrou Ougougane (2158 m d’altitude) auquel succède, à l’est, Thaltat (La Main du Juif). A ce niveau, les échancrures de la montagne permettent de balayer des yeux tout le massif des Igawawène, terme toujours en vigueur de ce côté-ci de la montagne pour désigner le massif de la Haute Kabylie (Aïn El Hammam, Larbaâ Nath Irathène, Ath Yenni et Ath Ouacif). A moins de trois kilomètres d’ici, Lalla Khedidja dresse son piton à 2307 m d’altitude en dominant tout le massif des Bibans et la vallée de l’Oued Sahel au sud, et tout le haut massif de la wilaya de Tizi Ouzou avec la vallée du Sébaou. La randonnée a pris fin à 14 heures par une agape en plein air faite de couscous et de viande.En tout cas, plus qu’une randonnée et, mieux, rendez-vous festif, la sortie de ce vendredi sur quelques sites du Parc du Djurdjura est un signe fort de l’Administration des Forêts (Parc et Conservation) et des autorités de la wilaya de réhabiliter un des espaces naturels les plus précieux d’Algérie par une politique de protection et de promotion basée sur une vision rationnelle et scientifique telle qu’elle est mise en œuvre sous les autres cieux. Réserve de la biosphère et creuset d’une biodiversité qui ne demande qu’à être valorisée, le Parc du Djurdjura compte poursuivre la mise en œuvre de son plan de gestion spécifique arrêtée par sa tutelle, la DGF, et participer également à la politique de développement de la wilaya en se déployant sur les zones périphériques par des programmes destinés aux populations riveraines de façon à créer une symbiose entre les activités des villageois et la vocation du Parc.
A. N. M.