Une rixe qui tourne au triple drame

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N’acceptant pas, surtout en ce premier jour de Ramadhan, le rappel à l’ordre de son employeur, il assène à ce dernier trois coups de couteau qui s’avéreront fatals. L’inculpé est accusé de blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Le procureur a requis la réclusion criminelle à perpétuité, mais le verdict n’a été que de 15 ans de prison. C’est un procès somme toute banal, comme il s’en traite quotidiennement dans les tribunaux criminels. Mais il ne s’agit-là que de la partie visible de l’iceberg, puisque l’on apprendra au cours du réquisitoire du procureur et de la plaidoirie de la partie civile, que l’employeur, donc la victime, n’est autre que le fiancé de la sœur de l’accusé et que cette dernière, choquée au plus haut point et ne concevant pas la vie sans son bien-aimé, a décidé une semaine après le drame, de mettre fin à ses jours pour rejoindre son fiancé dans l’au-delà. C’est une histoire à la fois dramatique et émouvante qui a endeuillé deux familles qui pourtant, jusqu’au moment fatidique, se préparaient à s’unir dans la joie, que le tribunal criminel près la cour de Béjaïa a eu à examiner dans la journée de mardi dernier.Les faits remontent au 4 novembre 2005, soit le premier jour de Ramadhan et ont eu pour théâtre une station de lavage de voitures dans le faubourg d’Azaghar à Akbou. Il était 5 heures de l’après-midi, lorsque D.B., 25 ans, qui travaillait chez B. N., patron d’une station de lavage de voitures et fiancé de sa sœur, quitte ses vêtements de travail et monte dans un fourgon de transport de voyageurs pour rentrer chez lui. Sur ces entrefaites arrivent une Peugeot 206 à laver et le patron demande à son employé, frère de sa fiancée, de descendre du fourgon et de laver cette dernière voiture de la journée. D. B. refuse, invoquant la fatigue, le Ramadhan et surtout le non-paiement des heures supplémentaires. S’ensuivent des injures et des insultes vexatoires, qui déclenchent une altercation entre les deux hommes. Le patron lance une pierre sur son antagoniste et l’atteint à la nuque. Celui-ci tombe. Les usagers du fourgon lui donnent les premiers soins avec la boîte à pharmacie qui s’y trouve. Il se relève et court vers son patron. Les personnes présentes sur les lieux le retiennent en le tenant par la veste. Il en dégage ses bras, leur laissant celle-ci entre les mains et se met à la poursuite de sa future victime. Il la rattrape et lui assène 3 coups : le 1er au cou, le 2e au thorax et le 3e au ventre. Le blessé succombera à ses blessures à l’hôpital d’Akbou où il a été évacué.Assuré par deux avocats, dont maître Benouaret, la partie civile n’a pas manqué de de souligner dans son émouvante plaidoirie, que l’âme de la victime, selon elle, était là dans la salle d’audience : “A nous regarder et à demander justice”. Elle mettra également l’accent sur le fait que la victime a été ravie à l’affection des siens en pleine jeunesse. Et sa fiancée, qui n’est autre que la sœur de l’accusé, n’a pas trouvé d’autres moyens, pour faire taire sa douleur que de se suicider. A ce moment précis, dans son box, l’accusé se lève et se mit à crier : “Amam Allah ana barie, devant Dieu, je suis innocent”. Il a fallu le mettre en cellule, pour que le procès puisse se poursuivre normalement.Dans son réquisitoire, le procureur a rappelé avec force détails les circonstances du drame et a insisté sur la précision des coups de couteaux portés, qu’il qualifie de “frappes chirurgicales”. Au terme de son intervention, il requerra la réclusion criminelle à perpétuité. Assurée par trois avocats, la défense insistera surtout sur le caractère accidentel du drame, l’accusé n’avait aucune intention d’attenter à la vie de sa victime. La preuve, juste après son acte, préciseront les défenseurs, il s’est rendu à l’hôpital pour s’inquiéter sur l’état de sa victime, souhaitant de toutes ses forces que les jours de son patron ne soient pas en danger. Jusqu’à la minute présente, il ne réalise pas encore les conséquences de son geste. A la fin de leur longue plaidoirie, ils demandent les circonstances atténuantes les plus larges au profit de leur client.

B. Mouhoub

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