De nombreux villages constellent les confins des “Babors” : Les uns juchés sur des collines, d’autres enfouis entre les versants, enclavés dans les ravins ou incrustés aux piémonts. Sur cette terre prospère offrant un paysage pittoresque d’une beauté exaltante, des hommes et des femmes s’accrochent à la vie et se donnent corps et âmes pour préserver le “legs” le plus cher de leurs ancêtres.Laâlam vit des convulsions du passé, des avatars du présent et des incertitudes de l’avenir.Situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Tamridj, à près de 70 km de Béjaïa, le village fait face au col d’Aïth Djebroune et les monts des Babors, réputés pour leurs eaux limpides tant convoitées par les bergers et les amateurs de transhumance. Ces derniers temps, les crêtes alentours perdent leur neige au contact des rayons du soleil. Quand elles commencent à fondre, elles font éclore des sources qui font le bonheur de toute une population. Le glouglou de leur eau, mêlé au gazouillis des oiseaux, bercent le mélomane dans le hamac des partitions dionysiaques et envoûtantes.Admirer Laâlam des différentes collines de la région, ou d’un piton, fait disparaître l’hibernation d’un poète. On y voit ce ruisseau couper la partie supérieure du village en deux, à partir de la mechta des Aït Bouchekout et l’oued, d’un débit considérable, déchire la région basse de bout en bout. Des sentiers sinueux traversent jardins et vergers, dont chaque iota a goûté aux caresses clémentes de la pioche et de la bêche. “Si l’Etat nous a abandonné et privé des moindres moyens de la vie, notre Dieu nous a gâté et nous a assuré la pitance grâce à cette terre qui continue de nous alimenter telle une poule qui couve ses poussins”, nous déclare un sexagénaire, le front sillonné de rides.L’explosion démographique qui a marqué ces deux dernières décennies n’a pas été sans incidence sur la demande immobilière. La région connaît une forte natalité et un important retour au bercail, depuis 1999, après que des centaines de familles aient été poussées à un exil forcé par les sbires de Hassan Hettab qui écumaient les montagnes des Babors jouxtant les fiefs de Madani Mezrag, des forêts fortement boisées de la région de Jijel. Laâlam est aujourd’hui une véritable colline oubliée, dépourvue de toutes les commodités de vie pouvant atténuer un tant soi peu les souffrances d’une population qui s’accorde miraculeusement à une terre, seule source nourricière.A la grande déception des riverains, l’Etat a brillé par son absence dans le domaine du logement, puisque aucun programme n’est engagé dans le sens de la prise en charge des citoyens qui logent encore dans des “gourbis” et autres habitations vétustes. A l’exception de cette fameuse aide à l’habitat rural dont ont bénéficié certaines familles, le déséquilibre entre l’offre en la matière et la demande atteint ainsi son paroxysme.Devant une flambée de violence terroriste, notamment après les assassinats “aveugles” perpétrés par les ennemis de la vie, les habitants de Laâlam n’avaient aucun autre choix pour se défendre contre cette bête immonde que de forcer leur destin et prendre les armes avec une détermination à ne pas laisser souiller leur dignité par les acolytes de Ali Benhadj et déclenchèrent alors une véritable résistance. Ils menèrent alors une guerre sans merci.Depuis, toutes les localités, à l’instar de celles d’Aït Bouchekout, Aït Betit, Iamaren, Zentout et Aït Amar, commençaient à respirer et la vie a repris de plus belle, grâce aux groupes d’autodéfense qui avaient fait subir des revers aux “chasseurs de lumières” et aux coupeurs de têtes qui ont semé la terreur dans une région où les stigmates des colonialistes sont omniprésentes.Aujourd’hui, après plus d’une décennie de braises, les populations se souviennent et se recueillent en toute humilité sur les tombes des victimes. Des femmes froidement assassinées lors des cueillettes d’olives, des bergers criblés de balles, des enfants abattus sans pitié à la fleur d’âge, des commerçants tués lors d’embuscades meurtrières nocturnes, des militaires enlevés puis portés disparus, des chérubins déchiquetés par l’explosion de bombes à proximité des collèges et autres actes ignobles qui constituent un amer souvenir pour les villageois.
Rabah Zerrouk
