Il y a une année, Salah Sadaoui nous a quittes

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Une année s’est déjà écoulée depuis la disparition de l’un des piliers de la chanson kabyle, en l’occurrence le défunt “Salah Sadaoui”, un certain 10 mai 2005, à l’âge de 69 ans. A cet occasion, l’association “Tafekut”, en collaboration avec l’APC, la Maison de jeunes et le Comité des fêtes de la commune d’Ahnif a rendu un hommage à cet enfant prodigue de la région, Tadert Immélahen plus précisément, et l’un des piliers de la chanson kabyle, par une série d’activités, entre autres le recueillement sur sa tombe, la projection de ses chansons, variétés et sketchs. Un gala artistique sera programmé dans les prochains jours, en raison de la non-disponibilité pour le moment des artistes et amis de ce grand chanteur.Issu d’une famille d’artistes, Salah Sadaoui est né en 1936. “Di Tadert Immélahen”, commune d’Ahnif, ex-commune mixte de Maillot. Son père était un grand danseur et faisait partie d’une troupe folklorique de troubadours (Idéballen), sa mère déclamait des poèmes et son frère aîné, “Hamu” était lui aussi peintre, comédien, danseur, musicien et marionnettiste. A l’âge de 10 ans, soit, en 1946, il a débarqué à Alger, à la Casbah plus précisément, avec sa famille pour s’y installer définitivement. C’était l’époque d’or de la chanson “Chaâbi”, avec ses ténors, à l’image d’Al Anka, Hadj M’rizek, H’ssisen et les autres. En côtoyant tous ces maîtres (Cheikhs), qui sont d’ailleurs de véritables écoles de musique, Salah S. a développé son goût artistique et son don pour la musique. C’est ce qui explique d’ailleurs son début artistique précoce. Il avait en effet intégré l’association “Alal et Riadi”, où il avait rencontré “Cheick Missoum”, avec lequel il avait pris ses premières leçons de musique, comme il faisait partie aussi des Scouts Musulmans Algériens. En 1954, il a pris sa valise pour son premier voyage, au delà des mers. Il s’est s’installé à Paris. Là, aussi, il a intégré le club “Warda el Beïda” pour se lancer pleinement après dans la chanson. De succès en succès, il devient le premier compositeur, éditeur et distributeur de disques en France. Durant son parcours artistique, il avait chanté dans les trois langues : kabyle, arabe et français et avait traité divers thèmes. Il avait chanté l’amour, la nostalgie du pays, l’immigration, la misère, la kabylie, l’identité, etc. Il est très connu surtout par sa chanson Yecreq Yittij Yuli Was qui a eu beaucoup de succès, juste après l’Indépendance, comme il a rendu un hommage particulier au célébre poète “Si Muhand U M’hand” dans sa chanson intitulée Ts Ghénigh Af S Muhand U M’hand, Da Mokran N chouara, dans laquelle il avait relaté les différentes étapes du long voyage effectué par ce poète errant. Un voyage qui l’avait conduit d’Alger à Tunis. Il n’avait pas oublié aussi Slimane Azem, Abane Ramdane et bien d’autres. Après, il s’est lancé dans le théâtre avec une pléiade de stetchs qu’il avait composés avec des comédiens de renom, à l’image de Kaci Tizi Ouzou, Ahmed Hamu, Mahmoud Aziz, Kriqech, pour ne citer que ceux-là. De son vivant, et de part sa générosité et sa bonté à Alger ou à Paris, son domicile a été une véritable école de musique, et il a toujours été le pôle d’attraction et un carrefour pour les artistes, comédiens, écrivains, peintres, de tous genres. On cite Kateb Yacine, Issiakhem, Mustapha Kateb, Lwénnas Matoub, et la liste est longue. On raconte que le célébre chanteur oriental “Farid el Atrache”, lors d’une virée en France, a tenu à lui rendre visite. Ce dernier a été vraiment ravi et il a très bien apprécié le rôle joué par Salah S. dans l’un de ses sketchs, au point qu’il lui avait promis de jouer avec lui. Malheureusement, il (Farid et Attrache) mourra deux mois après. Salah Sadaoui est connu aussi par son esprit nationaliste, et il est fier d’être Kabyle “Da qbayli id lulagh, Daq Bayli ar am Tagh”, disait-il dans l’une de ses chansons. Il a toujours défendu les causes justes. On raconte, dans ce contexte, que lors de l’une de ses soirées, et profitant de la présence de Juifs dans la salle, il avait scandé la Cause palestinienne, ce qui avait provoqué une vive tension et une polémique parmi l’assistance cela avait failli dégénérer. Salah S. est aussi quelqu’un qui ne fait pas de galas en public, mais préfère plutôt de petites soirées entre amis (et Qaâdats). De mémoire, on ne lui connaît aucun gala dans la région, ou ailleurs. La dernière fois qu’il était rentré au pays, c’était en 1996. Il n’aimait pas du tout aussi les mass média, et il avait toujours réclamé l’ouverture du champ audiovisuel à toutes les tendances, et à toutes les cultures. Salah S. est décédé l’an dernier, à l’âge de 69 ans, et son corps a été inhumé à Alger. Il a laissé un patrimoine de 60 k7 environ. C’est une autre bougie de notre culture qui venait de s’éteindre. Que Dieu tout puissant ait son âme.

Farid A.

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